L’exploitation des données pour la réalisation de progrès significatifs en matière de droits économiques, sociaux et culturels

Date de publication : 
Vendredi, 9 juin 2023

 

« Les données sont plus que des nombres et des chiffres. » - Zulekha Amin, facilitatrice de campagne et d’adhésion pour l’Afrique subsaharienne au sein du Réseau-DESC.

Le 10 mai 2023, le Réseau-DESC a organisé une table ronde à l’occasion de la 75e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), consacrée au rôle essentiel des données en matière de promotion des droits humains. Organisée conjointement avec le Groupe de travail sur les DESC de la CADHP, ainsi qu’avec nos membres Initiative for Social and Economic Rights - ISER (Ouganda) et Pamoja Trust (Kenya), les experts ont mis l’accent sur les principes et recommandations énoncés dans la Position collective sur les données et les DESC élaborée par nos membres. L’objectif était d’encourager une réflexion sur la manière dont la CADHP pourrait travailler avec les États à l’amélioration de la production de données en vue de la réalisation des droits humains.

« Les données sont plus que des nombres et des chiffres », a déclaré Zulekha Amin, facilitatrice de campagne et d’adhésion pour l’Afrique subsaharienne au sein du Réseau-DESC, insistant sur l’importance de disposer de données pertinentes et de qualité. Elle a présenté les cinq principes énoncés dans la Position collective du Réseau-DESC qui sous-tendent une approche des données fondée sur les droits humains : égalité et non-discrimination, données de qualité, participation, transparence et accessibilité des informations, ainsi que respect de la vie privée. Zulekha Amin a souligné le rôle que doivent jouer les États en produisant des données précises, représentatives et utiles au regard de l’action des pouvoirs publics, en faisant ressortir l’importance de réglementer le secteur privé afin de protéger les droits humains. En outre, l’animation vidéo sur les données, « Make Human Rights Count » (Faire que les droits humains comptent), conçue par des membres du Réseau, a été lancée à cette même occasion.

Maya Sahli Fadel, vice-présidente de la CADHP, a mis en avant le rôle crucial des données, en particulier lorsqu’elles sont ventilées, dans le cadre du suivi et de la mise en œuvre des obligations énoncées dans la Charte africaine. Le commissaire Zackaria Mwandenga, président du groupe de travail sur les DESC, a donné une vue d’ensemble des efforts déployés par la Commission pour aider les États à produire des données pertinentes sur les droits économiques, sociaux et culturels, notamment par l’élaboration d’orientations telles que les Lignes directrices de Tunis relatives à l’établissement des rapports, ainsi que par l’adoption de résolutions et de recommandations adressées aux États dans le cadre de leurs rapports périodiques à la Commission.

Angela Nabwowe Kasule, directrice de l’ISER et représentante du Groupe de travail technique sur les données concernant les ODD en Ouganda, a attiré l’attention sur les impacts discriminatoires des systèmes numériques sur des groupes tels que les migrants et les apatrides. « De nombreux pays africains utilisent des systèmes numériques, mais la collecte, la gestion et l’analyse des données liées à ces systèmes d’identification posent problème, ce qui conduit à l’exclusion de nombreuses personnes [des services publics]. » Elle a également souligné les lacunes que présentent certaines données officielles portant sur des groupes spécifiques : « Les individus peuvent être victimes de discriminations et d’inégalités selon plusieurs axes, par exemple le genre et la situation de handicap. L’analyse des données au niveau des sous-groupes permet de comprendre les inégalités multiples et croisées [...]. Cependant, il n’y a aucune cohérence dans la manière dont les États produisent ces données. »

Samuel Olando, directeur de Pamoja Trust, a souligné la nécessité de démocratiser les données en créant des opportunités de participation des communautés aux processus de collecte des données et de prise de décision. « Dans la plupart des cas, les données fournies par les citoyens ne sont pas légitimées, » a-t-il déclaré, exhortant les États à veiller à ce que « les données communautaires ne soient pas perçues comme une source de confrontation, mais comme des données probantes produites pour offrir un terrain de dialogue et des solutions qui tiennent compte des expériences des communautés. » Par exemple, les personnes travaillant dans le secteur informel sont souvent exclues des statistiques publiques, leurs contributions au développement du pays sont invisibilisées et leurs besoins et priorités ne sont pas pris en compte dans l’élaboration de l’action publique.

Au cours de la discussion qui a suivi, plusieurs commissaires se sont fait l’écho des points soulevés, notamment concernant le manque de données ventilées portant sur les groupes marginalisés tels que les prisonniers et les populations autochtones, de données de qualité qui mettent en lumière les expériences vécues par les personnes, et les obstacles qu’ils rencontrent pour obtenir ces données auprès des États.

« Le sujet a suscité beaucoup d’intérêt de la part des différents commissaires. Il ressort de leurs divers rapports qu’ils ont soulevé la question de l’insuffisance des données produites par les États comme un défi majeur. Cette initiative arrive donc à point nommé », a déclaré Angella Nabwowe.

Dans ses observations finales, le commissaire Mwandenga a déclaré que la table ronde marquait le début d’un processus qui devrait conduire les États à intégrer des données de meilleure qualité, y compris des données ventilées, dans leurs rapports à la Commission.

Nous sommes impatients de continuer à travailler avec la Commission et en particulier avec le Groupe de travail sur les DESC afin de renforcer les pratiques des États en matière de données.