Le Forum féministe présente des propositions visant à placer les soins au centre des sociétés et des économies d'Amérique latine et des Caraïbes

Date de publication : 
Mercredi, 7 décembre 2022
Un espace d'apprentissage collectif, de participation et d'organisation diversifiée et régionale : tel était le Forum féministe de la XVe Conférence régionale sur les femmes qui s'est tenue à l'Espacio Memoria y Derechos Humanos le 7 novembre en Argentine

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Le forum a précédé la XVe conférence régionale de la CEPAL sur les femmes.

 

Les membres du groupe de travail "Femmes et DESC" du Réseau-DESC se sont joints à plus de 2 000 femmes, jeunes, collectifs LGBTQ, Afro-descendant-e-s, autochtones, migrant-e-s et personnes handicapées - issus de contextes ruraux et urbains, provenant de plus de 30 pays de la région. Ce Forum, le plus important organisé à ce jour, a servi de prélude à la XVe Conférence dont le thème central était le défi que constitue la construction d'une société de soins et la reconnaissance économique et sociale des soins. Comme l'a déclaré Vanina Escales du CELS, qui a participé à l'organisation du Forum féministe, "Aujourd'hui, plus que jamais, il est crucial de se demander quel type de société nous voulons, quel type de société de soins nous voulons, comment mettre la vie au centre de nos sociétés, à la place du marché et d'autres types de relations, et quels liens nous voulons."

Le Forum s'est ouvert par une cérémonie ancestrale exécutée par différentes dirigeantes autochtones de la région, suivie des allocutions de bienvenue de représentant-e-s de la société civile, tels que des organisations autochtones, des syndicats, des mouvements de divers pays et d'organisations internationales et du secteur public, du Bureau régional d'ONU Femmes pour les Amériques et les Caraïbes et de la Division de la parité de la CEPAL.

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Les Etats à la XVe conférence régionale de la CEPAL sur les femmes
Ils et elles ont convenu que la prise en charge doit être au cœur de tout débat sur la reprise économique et sociale dans la région. Toutefois, ils/elles ont souligné que le chemin à parcourir pour obtenir une législation forte et pour que le programme de soins soit reconnu comme essentiel à la durabilité de la vie, comme un droit en soi et comme un travail en tant que tel, est ambitieux et ardu.

D'une part, il y a la conviction que la pandémie a révélé que les soins sont au cœur même de nos sociétés et de nos économies, mais qu'ils restent largement méconnus et invisibles, et qu'ils sont de plus en plus privatisés et marchandisés. D'autre part, les participant-e-s appellent à la promotion du travail de soins comme un enjeu relatif aux droits humains et à l'urgence d'avancer vers un nouveau contrat social de soins. Pour comprendre cette urgence, il suffit d'examiner les données de la CEPAL, qui montrent que même avant la pandémie, les femmes consacraient plus de trois fois plus de temps au travail non rémunéré que les hommes. De même, dans les ménages avec enfants, les femmes étaient davantage surchargées de travail de soins (avec les conséquences habituelles sur leur participation au marché du travail).
 

De quoi dépend ce changement de dynamique ? 

Des politiques de relance économique étudiées à la lumière de l'économie féministe, en tenant compte simultanément des impacts générés dans les sphères productive et reproductive.

"Nous avons beaucoup à apprendre de l'économie féministe pour renforcer les alternatives qui mettent la vie au centre, en partant d'une approche féministe et en valorisant les processus collectifs et démocratiques", a déclaré Irene Aguirre de Fundeps.

Pour les membres du réseau, il est important de se joindre à cet agenda régional. "Nous venons apporter notre contribution avec notre proposition de cadre des 6R, qui sont des demandes politiques clés visant à : redistribuer, reconnaître, réduire les soins, assurer la représentation, reformuler l'économie en tant qu'économie solidaire, et respecter les droits des prestataires de soins et des bénéficiaires", a déclaré Claudia Lazzaro de SOCRA.

La perspective des travailleur/euse-s domestiques est également essentielle. En Amérique latine et dans les Caraïbes, selon la CEPAL, environ 13 millions de personnes étaient engagées dans le travail domestique rémunéré en 2019, avec 91,5% de femmes, dont beaucoup d'Afro-descendant-e-s, d'autochtones et/ou de migrant-e-s. Ida le Blanc, directrice de NUDE, dont le siège est à Trinité-et-Tobago, souligne l'importance de renforcer la représentation des travailleur/euse-s domestiques, notamment des travailleur/euse-s informel-le-s et des réseaux de soins communautaires, afin qu'ils et elles soient inclus dans les propositions de sociétés de soins féministes, écologiques et de justice sociale.

Les questions abordées au cours des discussions ont inclus : le droit des personnes âgées et des personnes handicapées à prendre soin d'elles et à être prises en charge ; la coresponsabilité des soins entre les sexes et la visibilité et la reconnaissance économique et sociale du travail de soins. L'importance de la société civile dans la réclamation et le suivi des politiques publiques qui contribuent à combler les écarts entre les sexes dans la région a été identifiée comme une priorité importante. La défense de la protection des sources d'eau, de la terre et de la planète a également été mise en avant.

Ces luttes remettent en question le pouvoir des entreprises et élaborent des stratégies pour la défense de la biodiversité et des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales, la protection des défenseur/euse-s des droits humains et les avancées en matière de changement systémique.

D'autres questions urgentes telles que la réalité des personnes LGBTIQ+, l'accès à une éducation sexuelle complète, la contraception et l'avortement, les soins de santé pour les trans, et la lutte contre la violence de genre ont été soulevées. Nous avons beaucoup à apprendre de nos collègues argentins et de la Vague verte. 

Était également présent le souvenir affectueux de la féministe et leader autochtone hondurienne Berta Cáceres, assassinée en 2016 pour avoir défendu l'environnement, de la conseillère municipale brésilienne Marielle Franco, assassinée pour avoir défendu les droits des afro-descendant-e-s, des femmes et des collectifs LGTBI à Rio de Janeiro en 2018, et d'autres collègues défenseur/euse-s des droits humains qui ont été assassiné-e-s pour avoir défié le pouvoir des entreprises et le patriarcat. Des appels forts ont été lancés pour la libération des prisonnier-e-s politiques au Nicaragua, la répudiation de la violence contre les peuples Mapuche et les femmes leaders Garifuna au Honduras confronté-e-s à des expulsions violentes et revendiquant leurs terres ancestrales.

La journée s'est achevée par une déclaration officielle qui contribuera aux engagements des autorités d'Amérique latine et des Caraïbes lors de la conférence régionale sur les femmes en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Enfin, comme l'indique la déclaration officielle :

"Aujourd'hui, les diagnostics, les bonnes intentions et les déclarations mondiales ne suffisent pas, il est essentiel de promouvoir et de construire des réponses structurelles concrètes avec la participation de multiples acteurs, dans une perspective fondée sur les droits humains et l'égalité des sexes, qui soit intersectionnelle, transversale et inclusive de toutes les diversités qui, aujourd'hui, sont discriminées et exclues. Aujourd'hui, plus que jamais, nous réclamons la justice sociale, la justice économique et la justice de genre !"