Mendoza Beatriz Silvia et autres c. l'État argentin et autres pour dommages (dommages résultant de la pollution environnementale de la rivière Matanza/Riachuelo Dossier M. 1569. XL

Des résidents et résidentes de la région de Matanza/Riachuelo ont intenté une action en justice affirmant avoir subi des dommages en raison de la pollution de la rivière Matanza/Riachuelo

Les voisins du bassin hydrographique de Matanza Riachuelo ont intenté une action en justice pour les dommages subis du fait de la contamination de la rivière Matanza-Riachuelo.

Date de la décision: 
7 aoû 2008
Forum : 
Cour suprême de justice de l’Argentine
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

En juillet 2004, un groupe de résidentes et résidents du bassin de la rivière Matanza/Riachuelo ont intenté une action devant la Cour suprême de l’Argentine contre le gouvernement national, la Province de Buenos Aires, la Ville de Buenos Aires et 44 entreprises demandant l'indemnisation des dommages causés par la pollution du bassin, l'arrêt des activités polluantes et la réparation du préjudice environnemental collectif.  En juillet 2008, la Cour a rendu une décision obligeant le gouvernement national, la Province de Buenos Aires et la Ville de Buenos Aires à prendre des mesures afin d'améliorer la qualité de vie des résidents, de réparer le préjudice environnemental et de prévenir d’éventuels dommages. La Cour a établi un plan d’action obligeant l’organisme gouvernemental responsable du bassin de la rivière Matanza/Riachuelo, ACUMAR[1], à appliquer certaines mesures, notamment : a) production et diffusion d’informations publiques, b) contrôle de la pollution industrielle, c) nettoyage des décharges de déchets, d) élargissement des travaux d’alimentation, d'égouts et de drainage, e) élaboration d’un plan d’assainissement d’urgence et f) adoption d’un système de mesure national visant à évaluer la réalisation des objectifs des plans.   Afin d’en assurer la bonne application, la Cour a confié à une cour fédérale, le Juzgado Federal de Primera Instancia de Quilmes, le processus de surveillance de l’exécution de la décision.  De plus, la Cour a créé un Groupe de travail formé du médiateur national et des ONG[2] qui étaient intervenues dans l'affaire à titre de tierces parties, visant à renforcer et favoriser la participation citoyenne au suivi de l’exécution de la décision. Dans sa décision, la Cour n'a pas expressément abordé la question sous l’angle des droits humains.  Cependant, la Cour a déclaré que le plan d’action devait avoir pour objectif d’améliorer la qualité de vie des résidents et résidentes et exigé l'adoption de programmes d’assainissement particuliers pour répondre aux besoins de la population du bassin.  Le libellé de la décision laisse ouverte la possibilité de promouvoir les questions relatives aux droits humains pendant la phase d’exécution. De plus, les ONG, dans les communications qu’elles ont présentées en tant que tierces parties, ont fait valoir que, dans cette affaire, plusieurs droits économiques, sociaux et culturels sont directement touchés. Le droit le plus touché est le droit à la santé, qui couvre des facteurs sanitaires de base, dont, entre autres, l'accès à une eau propre et potable, à des conditions sanitaires adéquates et à un environnement sain. 


[1] Cette organisme multijuridictionnel, qui regroupe des autorités du pouvoir exécutif national, de la Province de Buenos Aires et de la Ville de Buenos Aires, est chargé de l’exécution d’un plan intégral d’assainissement environnemental couvrant l’ensemble du bassin (Plan Integral se Saneamiento Ambiental de la Cuenca Matanza Riachuelo). Pour en savoir plus, voir http://www.acumar.gov.ar/causamendoza/?tipo=fallo

[2] Asociación Ciudadana por los Derechos Humanos, Asociación de Vecinos de la Boca, Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS), Fundación Ambiente y Recursos Naturales, Fundación Greenpeace Argentina.

Application des décisions et résultats: 

La Cour a ordonné aux autorités gouvernementales jugées responsables de remplir les objectifs et respecter les échéances établis dans la décision.  Tout au long de l’exécution de la décision, la cour en charge a cherché des moyens de cibler des actions concrètes et d’élargir lesdits objectifs et ACUMAR, à travers le Plan de Saneamiento Integral présenté en février 2010, a élargi les objectifs encore davantage. Dans les mois ayant suivi la sentence, le groupe de travail a déclaré que, même si ACUMAR s’était efforcé en 2010 de travailler à la réalisation des conditions établies dans la décision, elle n’avait encore satisfait à aucune des obligations énoncées dans la décision et dans le plan établi par ACUMAR.  Il a donc été demandé à plusieurs reprises d’imposer des amendes aux fonctionnaires responsables.  Le processus prévoyait également l’établissement d’indicateurs (http://www.acumar.gov.ar/pagina/204/indicadores-informes, 2011 et 2012), d’audiences, d’échéanciers et de la responsabilité d’autorités gouvernementales précises, pour que la cour chargée de l’exécution puisse définir les modalités non fixées dans la décision et connaître l’état d’avancement de certaines mesures individuelles.

En 2016, la Cour suprême a pris note des problèmes de mise en œuvre de la décision de 2008 et ordonné à l’Autorité du bassin, ACUMAR, d’élaborer un plan détaillé visant à en assurer l’application.

Au cours d’une audience tenue en novembre 2016, des requérant-e-s avaient démontré qu’ACUMAR ne respectait pas la décision de 2008. En réponse, la Cour a ordonné à ACUMAR de produire au plus tard le 1er mars 2017 un rapport décrivant en détail un plan de conformité, contenant notamment des échéanciers de mise en conformité ; la Cour a de plus obligé ACUMAR à publier des rapports d’avancement périodiques afin d’en assurer le suivi.  La décision de 2016 a rappelé que, dans la décision précédente, la Cour avait ordonné à ACUMAR, à l’État argentin, à la Province de Buenos Aires et à la Ville de Buenos Aires de mettre en œuvre un Plan intégral d’assainissement environnemental (PISA).  Le PISA devait viser trois objectifs : amélioration de la qualité de vie des résidentes et résidents du bassin de la rivière, assainissement de l’environnement et prévention de dommages prévisibles.

La Cour de 2016 a souligné qu’ACUMAR doit remplir tous les objectifs du PISA et identifié sept aspects à traiter en priorité : 1) Un système efficace de contrôle et de surveillance de la pollution industrielle doit être mis en place ; 2) ACUMAR doit travailler avec la Ville de Buenos Aires et les localités de cette province à l’enlèvement des déchets, en particulier aux alentours des rives de la rivière, afin d'éviter les décharges à ciel ouvert ; 3) ACUMAR doit élargir l’accès aux services d’eau potable et d’égout et assurer le suivi de la mise en place des systèmes d’égout ; 4) ACUMAR doit se conformer à la convention-cadre  concernant la relocalisation de la population des villages et des colonies de peuplement à risque, et la Ville de Buenos Aires devrait poursuivre la construction des chemins de passage vers les villages 21-24 et 26, et la relocalisation de la population ; 5) la Ville de Buenos Aires, par l’entremise d’ACUMAR, doit fournir des informations à jour sur les complexes résidentiels qu’elle s’était engagée à construire pour y relocaliser les résident-e-s des villages 21-24 et 26 et préciser la date de fin des travaux de construction ; 6) ACUMAR doit mettre en œuvre un plan effectif de santé publique, prévoyant notamment des soins préventifs, des soins d’urgence et des soins continus pour les personnes souffrant de problèmes de santé dans les zones vulnérables ou très pauvres du bassin.   ACUMAR doit fournir des informations détaillées concernant le nombre et la distribution géographique des personnes souffrant de problèmes de santé liées à la pollution et le traitement qui leur est donné et informer des progrès accomplis dans la mise en place des systèmes de soins de santé ; 7) ACUMAR doit mettre en place un système d’indices de qualité qui soit conforme aux normes internationales afin de surveiller la qualité de l'environnement, particulièrement en ce qui concerne l’état des eaux de surface. Mettant particulièrement l’accent sur ces priorités, la Cour a ordonné aux juges fédéraux des juridictions inférieures d’intensifier le contrôle de la conformité d’ACUMAR aux objectifs du PISA.  

Au-delà de son exécution, cette décision a changé la manière dont se fait la politique dans le bassin en établissant que l’autorité en charge de l’exécution du plan de nettoyage serait ACUMAR, un organisme interjuridictionnel ayant pour fonction de remédier aux problèmes de coordination entre les organismes et les règlements applicables et d'améliorer la surveillance des activités polluantes.  De plus, la décision a ouvert la porte à la participation de la société civile aux processus d’élaboration et de suivi des politiques.  Le groupe de travail participe de façon permanente au suivi des ordonnances de la Cour suprême, répondant aux requêtes de la cour et organisant des rencontres avec des organisations de base afin de favoriser et renforcer la prise de conscience citoyenne et canaliser les préoccupations des résidents et résidentes du bassin.

Groupes impliqués dans le cas: 

Asociación Ciudadana por los Derechos Humanos, Asociación de Vecinos de la Boca, Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS), Fundación Ambiente y Recursos Naturales, Fundación Greenpeace Argentina, y Asociacion Civil por la Igualdad y la Justicia (ACIJ).

Importance de la jurisprudence: 

Cette affaire a montré l’importance d’élargir le réseau d’eau potable et d’égout et d’établir un plan sanitaire d’urgence et des plans de relocalisation des populations des zones polluées.  Bien que la Cour n’ait pas examiné les questions liées à l’eau, à l’assainissement, à la santé et au logement avec la précision requise par les traités internationaux relatifs aux droits humains, elle a tout de même fait référence à ces grands enjeux, fixant comme principal objectif l’amélioration de la qualité de vie et la satisfaction des besoins de la population en général.  De plus, la Cour a reconnu l’existence d’une violation d'un droit environnemental collectif exigeant l’intervention des autorités. La Cour a également créé un système de suivi de l’exécution et reconnu et tenté de résoudre les difficultés qui empêchent souvent le respect des obligations imposées aux organismes publics, en ordonnant une exécution coordonnée entre juridictions et en mettant en place un nouveau modèle créatif d’intervention des tribunaux.  

Dernière mise à jour : 2 janvier 2019