Le groupe de travail pour l’application de la décision relative à la communauté endorois se réunit pour la première fois

Date de publication : 
Dimanche, 30 novembre 2014

Le 23 octobre 2014, le Conseil de protection sociale des Endorois (Endorois Welfare Council - EWC) et des membres du Réseau DESC, notamment la Kenyan Human Rights Commission (KHRC), la Kenyan Land Alliance (KLA), Minority Rights Group International (MRG) et Dejusticia, ainsi que M. le professeur Michelo Hamsungule et une personne représentant le Secrétariat du Réseau DESC ont participé à une première réunion du groupe de travail créé par le gouvernement du Kenya pour donner suite à la décision rendue par la CADHP dans l’affaire de la communauté endorois. Il s’agissait là d’un pas en avant vers l’application de la décision, mais reste à voir s'il sera suffisant.

Contexte

Dans les années 1970, le gouvernement du Kenya a expulsé des centaines de familles endorois de leurs terres aux alentours du lac Bogoria dans la vallée du Rift pour mettre en place une réserve faunique destinée au tourisme.  Les Endorois, un peuple traditionnellement pastoral, s’étaient fait promettre une indemnisation et des bénéfices, mais ceux-ci ne se sont jamais entièrement concrétisés et l’accès de la communauté aux terres a été restreint de manière discrétionnaire par l’administration de la Réserve faunique. La communauté a ainsi été empêchée de pratiquer son mode de vie pastoral, notamment d’utiliser les sites cérémoniels et religieux et d'avoir accès aux plantes médicinales traditionnelles.

Les Endorois, avec l’aide de MRG, ont porté l’affaire devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), laquelle a statué en 2010 que le gouvernement du Kenya avait porté atteinte au droit des Endorois à la pratique de la religion, à la propriété, à la culture, à la libre disposition des ressources naturelles et au développement, que confère la Charte africaine (articles 8, 14, 17, 21 et 22 respectivement). La Commission a également établi que le gouvernement devait restituer aux Endorois leurs terres ancestrales, leur garantir l’accès sans restriction au lac Bogoria, verser des dédommagements adéquats pour toutes les pertes subies, verser des redevances provenant des activités économiques existantes et engager un dialogue avec les requérants. Quatre ans plus tard, la décision n’a pas encore été exécutée par le gouvernement du Kenya.

En 2012, des membres du Réseau DESC, par l’intermédiaire du Groupe de travail sur le litige stratégique (SLWG), ont décidé d’œuvrer collectivement à promouvoir l’application de cette décision, à la suite de discussions tenues dans le cadre d’une rencontre régionale africaine qui a eu lieu en mars 2012. Des membres et partenaires ont depuis lancé périodiquement des appels collectifs à l'action, organisé trois réunions stratégiques réunissant des organisations internationales et nationales à Nakuru et à Nairobi, organisé un atelier avec des dirigeants de la communauté endorois pour examinerdifférentes options de restitution des terres et d’indemnisation, mené des enquêtes sur les pertes immatérielles, analysé des données sur les pertes matérielles et soutenu la participation d’organes de l’Union africaine à l’application de la décision de la CADHP (Lettre d’appui, en anglais, du SWLG). Par ailleurs, des organisations clés du Kenya, telles que la KHRC et la KLA, sont intervenues auprès de différents organismes gouvernementaux de façon à trouver des espaces permettant un dialogue plus fécond entre les Endorois et le gouvernement du Kenya. Finalement, tous ces efforts ont été menés en coordination avec des initiatives juridiques entreprises par l'EWC et MRG afin de faire en sorte que la restitution ne soit pas entravée par des actions du gouvernement, concernant, par exemple, la délivrance à des tiers de titres fonciers sur les terres des Endorois.    

Le groupe de travail

En septembre 2014, le gouvernement du Kenya a créé le groupe de travail pour l’application des recommandations de la CADHP. La création du groupe de travail est un pas en avant, mais elle a soulevé certaines préoccupations, qu’ont relevées les organisations membres du Réseau DESC participant à la mise en œuvre des recommandations : (i) le groupe de travail n’est pas tenu de consulter le Conseil de protection sociale des Endorois ni aucun de leur représentant, et les Endorois ne sont pas non plus représentés au groupe de travail – en fait, les Endorois n’ont pas été consultés au sujet de la mise en place du groupe de travail ; (ii) il est composé uniquement de responsables gouvernementaux, et (iii) il a été créé principalement pour « étudier la Décision », « donner son avis sur les implications de la Décision sur le plan politique, économique et de la sécurité » et « évaluer les impacts potentiels de son application sur l’environnement du Lac Bogoria et de la région environnante ». Le produit final du groupe de travail est un rapport devant être présenté au président du Kenya dans un an.

Ces dispositions sembleraient en contradiction avec les recommandations de la CADHP. Quatre années ont passé depuis que la CADHP a rendu sa décision. À ce stade-ci, le gouvernement ne devrait pas se limiter à analyser la décision. Il devrait en fait prendre des mesures concrètes pour assurer l’application de la décision en étroite concertation avec la communauté.

Le gouvernement pourrait être disposé à permettre la participation d’experts indépendants au groupe de travail. Indépendamment d’une telle participation, l’application de la décision de la CADHP exige que le gouvernement assure la participation utile de la communauté endorois et l’adoption des mesures nécessaires à la restitution des terres, ainsi qu’au versement des redevances et des dédommagements.

Autres informations à ce sujet

Application de la décision de la CADPH dans l’affaire de la communauté endorois. http://www.escr-net.org/node/365651 

Un groupe de défense des droits exhorte le gouvernement du Kenya à cesser de morceler le territoire de la communauté endorois sans consultation. http://www.escr-net.org/node/365423

La communauté endorois précise ses priorités en ce qui concerne la restitution des terres et les réparations, faisant valoir l’application des recommandations historiques adressées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples au Kenya. http://www.escr-net.org/node/365247

Le consentement des Endorois devrait être obtenu en ce qui concerne les décisions touchant à leurs terres. http://www.escr-net.org/node/365553

Restitution des terres au peuple endorois : un processus de 40 années. http://www.escr-net.org/node/365038

Photo Credit 1: EWC

Photo Credit 2: MRG/Emma Eastwood

Photo Credit 3: JARED NYATAYA |  NATION MEDIA GROUP