Indivisibilité, obligations positives des États et conduite de litiges devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies

Date de publication : 
Lundi, 3 août 2015

Les deux derniers mois ont été marqués par des discussions tenues devant le Comité des droits de l'homme (CDH) au sujet de l’indivisibilité des droits humains, ainsi que des obligations positives des États concernant les droits civils, tels que le droit à la vie. Ces débats devraient idéalement ouvrir la voie à une analyse plus progressiste de l’affaire Toussaint c. le Canada, dont est actuellement saisi le CDH, et d’autres affaires de même nature.  L’affaire exige une interprétation plus large des droits civils de sorte que la protection de ces droits soit bien assurée pour les personnes se trouvant dans des situations différentes, ou plus précisément dans ce cas-ci, pour les sans papiers au Canada.

Photo credit: University of Minnesota.

Le 14 juillet 2015, le CDH a tenu une discussion générale visant à élaborer une Observation générale relative à l’article 6 (droit à la vie) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), venant enrichir ses Observations générales No 6 et 14 (de 1982 et 1984).  Le débat au sujet de l’article 6 est d'une importance capitale pour la protection des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) et peut servir à préciser davantage le lien entre le droit à la vie et les DESC, en plus d’apporter une interprétation plus large du droit à la vie, qui permette de mieux protéger les droits de tous et toutes, notamment des personnes vivant dans des conditions de vulnérabilité. Les membres du Réseau DESC et d’autres organisations demandent des directives claires au Comité des droits de l'homme pour ce qui est de renforcer l’indivisibilité et l’interdépendance des droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels et de faire ressortir les obligations des États se rattachant au respect, à la protection et à la mise en œuvre de tous les droits.   Cela permettrait, en partie, de préciser que les violations des DESC pourraient aussi constituer une violation de l’article 6, apportant une orientation essentielle qui contribuerait à garantir l’accès à la justice dans plusieurs juridictions.

Plusieurs membres du Groupe de travail en litige stratégique ainsi que des organisations partenaires ont présenté des mémoires dans le cadre de la discussion générale,  mettant l’accent sur l’indivisibilité des droits, en particulier entre le droit à la vie et les DESC, et sur la nécessité de reconnaître les obligations positives des États concernant le droit à la vie. 

Les mémoires ont également fait ressortir le rôle du droit international relatif aux droits humains dans la protection des groupes vulnérables, notamment les personnes détenues, les femmes et les LGBTQI. Pour garantir la protection des groupes vulnérables, les instances internationales des droits humains, telles que le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, ont la responsabilité d’interpréter les droits du point de vue de ces groupes, c’est-à-dire de comprendre les difficultés particulières qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs droits et d’y réagir.

Le Groupe de travail en litige stratégique était représenté à la discussion générale sur le droit à la vie par Bruce Porter (SRAC).Son intervention a porté essentiellement sur la Communication écrite  présentée au Comité des droits de l'homme par l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels et le Social Rights Advocacy Centre, avec l'appui du Réseau DESC, demandant au Comité de réaffirmer l'indivisibilité des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels (ESC) compte tenu qu’il est aujourd’hui reconnu que les deux catégories de droits sont justiciables et doivent faire l’objet de recours utiles. Cliquez ici pour lire le mémoire présenté au CDH par SRAC et l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels, avec l’appui du Réseau DESC (en anglais seulement).  Les membres et organisations partenaires suivants ont aussi présenté des mémoires concernant le lien entre le droit à la vie et les DESC :

Sanitation and Water for All (Catarina de Albuquerque, ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à l’eau et à l’assainissement, Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Anand Grover, ancien rapporteur spécial sur le droit à la santé, Miloon Kothari, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au logement, Raquel Rolnik, ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit au logement et Magdalena Sepulveda Carmona, ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme)

  • Canada sans pauvreté
  • Center for Human Rights and Development (Mongolie)
  • Avocats sans frontières (Belgique)
  • Amnesty International
  • Commission internationale de juristes
  • Center for Reproductive Rights
  • Human Rights Watch
  • Minority Rights Group International
  • Le  Projet sur les droits économiques, sociaux et culturels, Académie de Genève
  • Economic and Social Rights Centre (Kenya)
  • Danish Family Planning Association
  • Bureau des avocats internationaux et Institut pour la justice et la démocratie en Haïti
  • International Human Rights Clinic, Santa Clara University School of Law
  • Program on Global Health and Human Rights, University of Southern California Institute for Global Health
  • Sexual Rights Centre, Zimbabwe
  • Centre for the Development of People (CEDEP), Malawi
  • United Nations Presbyterian Church (États-Unis)
  • Medical Whistleblower Advocacy Network
  • Advocates for Youth
  • Hun Consultancy (Turquie)
  • Mindy Jane Roseman, J.D., Ph.D., professeure en droit, directrice académique, Programme des droits humains, Harvard Law School
  • Dr Evelyne Schmid de la Faculté de droit de Bâle, Université de Bâle, Suisse
  • Dr. ilise L Feitshans, The Work Health and Survival Project
  • Carol L. Castleberry

En dehors de la discussion générale sur le droit à la vie, le Groupe de travail en litige stratégique s’est uni à des organisations canadiennes à la fin juillet pour souligner les observations finales du Comité des droits de l'homme des Nations Unies concernant le Canada.   Le Comité des droits de l'homme a fait part de sérieuses inquiétudes au sujet de nouveaux enjeux relatifs aux droits humains, notamment l’impact de la Loi antiterroriste, l’atteinte portée à la liberté d’expression et d’association, l’absence de contrôle des activités des sociétés canadiennes actives à l’étranger, la détention illimitée de non ressortissants et la non prestation de soins médicaux à tous les réfugiés et migrants en situation irrégulière.   La situation des droits humains au Canada s’est sérieusement détériorée depuis le dernier examen par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies du dossier du Canada il y a dix ans. Vous trouverez le communiqué de presse ici.  

Les membres du Groupe de travail en litige stratégique envisagent maintenant de présenter collectivement une intervention dans l'affaire Toussaint c. le Canada, s’appuyant sur le principe de l’indivisibilité des droits et des obligations positives des États.

Dans la pratique, les violations sont commises sans distinction entre les droits.  Par conséquent, une protection efficace ne peut pas non plus traiter les droits séparément.