Le Comité DESC des Nations Unies adresse des recommandations historiques à l’Espagne concernant le droit au logement

Date de publication : 
Jeudi, 17 septembre 2015

Le 17 septembre 2015, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (CDESC) a publié ses premières recommandations en réponse à une plainte individuelle concernant une violation du droit au logement déposée au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PF-PIDESC), tenant compte d'une intervention du Réseau DESC.

Avec son entrée en vigueur en mai 2013, le PF-PIDESC a conféré au CDESC compétence pour recevoir des plaintes de particuliers ou de groupes de particuliers victimes de violations des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) qui n'ont pas pu obtenir justice dans leur propre pays.  Cette affaire crée un précédent important, ouvrant une nouvelle possibilité d’accès à la justice au niveau international, à la suite du plaidoyer mené par la Coalition d'ONG pour la ratification du PF-PIDESC.

Dans l’affaire I.D.G. c. l’Espagne (Communication 2/2014), présentée au nom de la requérante par FR Abogados, le CDESC a établi que l’État était tenu de prévoir des recours utiles dans le cadre des procédures de saisie hypothécaire pour défaut de paiement, de veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour assurer la notification personnelle et de garantir l'adoption de mesures législatives visant à empêcher que des violations du même ordre ne se reproduisent. 

La décision du Comité concorde avec l'intervention de tiers, présentée par le Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels (Réseau DESC) par l’entremise des membres de son Groupe de travail en litige stratégique – le Center for Economic and Social Rights (CESR), l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels et le Socio-Economic Rights Institute of South Africa (SERI) –, qui fait référence aux principes établis et à l’interprétation de ces principes au moyen de la jurisprudence internationale et comparée et d'autres sources.  Il y est souligné que les États parties doivent s’assurer que leur législation interne et son application soient conformes à leurs obligations découlant du PIDESC et garantir la protection judiciaire effective des droits reconnus par le Pacte, notamment le droit à un logement suffisant.  Pour assurer cette dernière protection, l’État doit examiner toutes les solutions envisageables autres que l'expulsion, garantir la plus grande sécurité d'occupation possible, prévoir un délai de notification suffisant et raisonnable en cas d'expulsion, s’assurer que les expulsions n’exposent pas les personnes à d'autres violations des droits humains et offrir une réparation adéquate du préjudice subi.  En acceptant l’intervention du Réseau DESC, le CDESC a appliqué la pratique établie par d’autres instances décisionnelles internationales et régionales et qui consiste à permettre les interventions de tiers qui présentent des éléments se rapportant aux questions en cause.

Cette affaire survient dans un contexte d’atteintes généralisées au droit au logement, touchant de nombreuses personnes en Espagne, qui ont perdu leur maison après avoir manqué à leurs engagements hypothécaires, par suite de la récession économique et du chômage considérable qui frappent le pays.  À cet égard, environ 400,000 saisies hypothécaires ont eu lieu en Espagne entre 2008 et 2012. [1] En 2014, six millions de personnes étaient au chômage en Espagne. De plus, entre 2010 et 2014, le budget national affecté au logement a été réduit de 47 % selon les chiffres officiels. [2]

Cette affaire ouvre une importante possibilité de justice pour les particuliers et les groupes victimes de violations des DESC. Cependant, les pays doivent d'abord ratifier le PF-PIDESC pour que leur population puisse voir accès au CDESC au moyen du mécanisme des communications.  La société civile, principalement à travers la Coalition d’ONG pour le PF-PIDESC coordonnée par le Réseau DESC, a joué un rôle central dans la rédaction et l'adoption du PF-PIDESC et la Coalition continue à faire activement campagne pour encourager les pays à le ratifier et à renforcer leurs obligations actuelles en matière de droits humains en garantissant l’accès à des recours utiles. À ce jour, les pays suivants ont ratifié le PF-PIDESC : Argentine, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Cabo Verde, Costa Rica, Équateur, El Salvador, Espagne, Finlande, France, Gabon, Italie, Luxembourg, Mongolie, Monténégro, Niger, Portugal, Saint-Marin, Slovaquie, et Uruguay.


[1] Observatorio DESC et Plataforma de los afectados por la hipoteca. Housing emergency in Spain. The crisis of foreclosures and evictions from a human rights perspective (2013). Disponible sur: http://observatoridesc.org/sites/default/files/2013-housing-emergency-spain-observatory-desc.pdf

[2] CESR. Visualizing Rights Fact Sheet No. 14 – Spain (2014), disponible sur: http://cesr.org/downloads/FACTSHEET_Spain_2015_web.pdf.