La Cour africaine confirme les droits fonciers des Ogiek du Kenya
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya, CAfDHP, Requête no 006/2012 (2017)
En octobre 2009, le Service des forêts du Kenya a émis un avis d’expulsion demandant aux Ogiek, une communauté vivant dans la forêt et l'un des peuples autochtones les plus marginalisés du Kenya, de quitter la Forêt de Mau dans un délai de 30 jours. En novembre 2009, , accompagné du Centre for Minority Rights Development (CEMIRIDE) et, plus tard, de Minority Rights Group International (MRGI), a envoyé une communication à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Commission), soutenant que l’expulsion avait violé plusieurs des dispositions de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte), notamment le droit à la propriété (article 14), le droit à la non discrimination (article 2), le droit à la vie (article 4), la liberté de religion (article 8), le droit à la culture (article 17(2) et (3)), le droit à la libre disposition des richesses et ressources naturelles (article 21) et le droit au développement (article 22), ainsi que l’article 1 (qui oblige tous les États membres de l'Organisation de l'Union africaine à faire respecter les droits garantis par la Charte).
Pendant des dizaines d’années, les Ogiek ont constamment fait face à des expulsions forcées de leur terre ancestrale dans la Forêt de Mau menées arbitrairement par le gouvernement. Ces violations systématiques ont eu une incidence extrêmement négative sur leur style de vie traditionnel. Les Ogiek dépendent de la forêt pour se nourrir, se loger, assurer leur subsistance et préserver leur identité. L’avis d’expulsion d’octobre 2009 a donc été qualifié dans cette affaire de « perpétuation des injustices subies depuis toujours par les Ogiek » et auxquelles l’État kenyan n’avait pas remédié, malgré plusieurs contestations judiciaires devant les tribunaux nationaux et actions de plaidoyer auprès des autorités kenyanes.
Pour l’une des premières fois dans l’histoire institutionnelle, la Commission a renvoyé l’affaire à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour) au motif que la preuve de l'existence de violations graves ou massives des droits humains avait été établie. Le 26 mai 2017, à la suite d’un procès d'une durée de huit ans, la Cour a rendu un jugement confirmant les droits relatifs à la terre du peuple ogiek et statuant qu'il avait été porté atteinte à chacun des droits invoqués, à l'exception du droit à la vie.
La Cour a ordonné au gouvernement de prendre toute les mesures nécessaires dans des délais raisonnables pour remédier aux violations. La Cour a déclaré qu’elle trancherait la question des réparations séparément et qu’une décision devrait être rendue en 2018 ou avant.
"Pour les Ogiek, c’est une nouvelle page de l’histoire qui s’ouvre. La question des droits fonciers des Ogiek a finalement été entendue et l’affaire leur a permis de se sentir importants en tant que peuple autochtone. Je sais que la décision donne aussi espoir à d’autres peuples autochtones. » Daniel Kobei, directeur général de l’OPDP
Cette décision historique marque la première fois que la Cour, qui existe depuis 2006, a rendu un verdict dans une affaire concernant les droits des peuples autochtones.
Lucy Claridge, directrice juridique de MRG, qui a plaidé la cause devant la Cour, signale que « Cette décision est d'une importance fondamentale pour les peuples autochtones en Afrique, et particulièrement dans le contexte des conflits entre communautés qui sévissent sur tout le continent et qui ont éclaté en raison de pressions sur les terres et les ressources... Fait fondamental, la Cour a reconnu que les Ogiek – et, par conséquent, plusieurs autres peuples autochtones en Afrique – ont un rôle de premier plan à jouer en tant que gardiens des écosystèmes locaux et dans la conservation et la protection des terres et des ressources naturelles… ».
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