Yemshaw c. London Borough of Houslow, [2009] EWCA Civ 1543, [2011] UKSC 3

Une cour britannique élargit la définition de la violence familiale dans le contexte du droit au logement

La Cour suprême du Royaume-Uni a confirmé que la définition légale du mot « violence » va au-delà du contact physique et englobe la maltraitance émotionnelle et psychologique, ainsi que financière, pour être considéré sans abri et avoir accès au logement social.

Date de la décision: 
26 jan 2011
Forum : 
Cour suprême
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

La requérante était une femme mariée qui avait quitté son foyer familial avec ses deux jeunes enfants car elle estimait que son mari la traitait comme une moins que rien.  Il lui criait après, refusait de lui donner de l’argent et l’a amenée à craindre qu’il ne la frappe ou ne lui enlève ses enfants.  Elle s’est adressée à l’autorité locale du logement pour se faire aider à trouver un hébergement.  Comme son mari ne l’avait jamais frappée ni menacée de lui infliger des sévices corporels, l’autorité du logement a refusé de l’aider. À leurs yeux, comme il n’y avait pas de violence physique, il était raisonnable qu’elle reste au foyer.  

La Section 177(1) de la Loi sur le sans-abrisme (2002) (Loi) stipule qu’il n’est pas raisonnable qu’une personne reste chez celle s’il est « probable que cela entraîne de la violence familiale ou d’autres formes de violence » à l’égard de cette personne ou de membres de sa famille.  Une décision antérieure, Danesh c. Kensington and Chelsea Royal London Borough Council, affirmait que la violence dans le contexte du logement supposait un contact physique et qu'une personne ne pouvait être considérée comme « sans abri » si elle faisait l’objet de violence verbale ou gestuelle.  Néanmoins, la Cour a affirmé que le mot « violence » devait être interprété comme incluant le préjudice psychologique, émotionnel ou financier en plus du préjudice physique.

La Cour suprême a signalé dans ce cas-ci que la Loi avait été modifiée en 2002 pour tenir compte, non seulement des personnes victimes de violence familiale, mais de celles victimes de violence familiale ou autres formes de violence.   Le concept de violence englobe toutes formes de comportement non physique.  Le mot « familial » fait référence au type de relation existant entre les parties, et non au type d’activité.  De plus, la Recommandation générale 19 du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes inclut les préjudices ou les menaces d’ordre  physique, mental, psychologique et sexuel dans sa définition de la violence fondée sur le sexe, définition qui a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies.  Au niveau national, un rapport sur la violence familiale publié en 1992 définissait la « violence » comme allant au-delà de la force physique pour inclure « toute forme d'agression ou de harcèlement à caractère physique, sexuel ou psychologique qui nuit sérieusement à la santé et au bien-être de la victime ». En 2005, le ministère de l’Intérieur a fait valoir une conception semblable de la violence, et souligné qu’il était nécessaire que les organismes gouvernementaux adoptent dette définition commune.  La Cour a affirmé que cette définition élargie de la « violence » était mieux adaptée à notre conception actuelle et qu’elle était nécessaire, puisque la violence familiale peut souvent dégénérer rapidement.  

Application des décisions et résultats: 

L’affaire a été renvoyée au London Borough of Hounslow pour qu'une nouvelle décision soit prise concernant Mme Yemshaw en tenant compte de la définition élargie.  

Groupes impliqués dans le cas: 

Women’s Aid Federation of England

Importance de la jurisprudence: 

Cette décision a des implications importantes pour le droit fondamental à un logement convenable, particulièrement en ce qui concerne l'accès des femmes au logement. Un analyste de la décision a écrit que la définition élargie que donne la Cour suprême de la violence, qui inclut la maltraitance émotionnelle et psychologique, ainsi que financière, a pour conséquence que « quiconque sera menacé de violence familiale, au sens général donné par la Cour suprême, ne sera pas tenu de rester dans un logement social avec son agresseur ». Bien que le jugement, rendu par la baronne Hale, ne mentionne pas les droits humains, il a une incidence manifeste sur le droit à la vie familiale, et…, pourrait  faire augmenter considérablement le nombre de personnes auxquelles les autorités locales sont obligées de fournir un logement. »

Cette décision est particulièrement pertinente étant donné que le sans-abrisme et l'instabilité du logement accompagnent souvent les victimes de violence de la part d’un partenaire intime, qui sont principalement des femmes.  Le Groupe de travail du Réseau DESC sur les femmes et les DESC (FDESC) souligne que la violence familiale, qui a une incidence sur la sécurité d’occupation des femmes, fait obstacle à la pleine réalisation du droit des femmes à la terre, au logement et aux ressources naturelles.  Cela vient réaffirmer le point de vue de Miloon Kothari, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable, qui, à la suite de consultations régionales, a écrit que « [l]’existence quasi généralisée de la violence sexiste constitue un maillon essentiel de cet enchaînement de violations de leurs droits que les femmes subissent, notamment de leur droit à un logement convenable et à la terre ». Compte tenu de l’ampleur mondiale de la violence familiale, cette affaire présente un intérêt pour toutes les juridictions. Pour ce qui est d’établir un lien entre la violence familiale et le droit des femmes à un logement convenable, l'ONU apporte des orientations utiles pour responsabiliser les États et garantir les droits et la dignité de toutes les femmes.  

Un merci particulier au membre du Réseau DESC : Programme sur les droits humains et l’économie mondiale de la Northeastern University (PHRGE).