Ahmad Shah Ayubi c. Bezirkshauptmannschaft Linz-Land

Les réfugiés avec une résidence temporaire doivent être traités de la même manière que les citoyens aux fins des prestations sociales, d’après la Cour de justice de l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne a statué que tous les réfugiés, y compris ceux et celles qui n’ont qu’un droit de séjour temporaire, ont droit à la « la garantie de ressources minimales pour assurer la couverture des besoins » offerte par le gouvernement autrichien à l’ensemble de ses citoyen-ne-s. Ahmad Shah Ayubi, ressortissant d’un pays tiers bénéficiant du statut de réfugié et d’un droit de séjour temporaire, en a appelé d’une décision voulant que le gouvernement lui verse des prestations minimales de subsistance, faisant valoir avec succès que le droit de l’Union européenne (UE) exige que l’ensemble des réfugié-e-s, citoyen-ne-s et autres pouvant bénéficier de l’assistance de l’État se voient accorder le même traitement.

Date de la décision: 
21 nov 2018
Forum : 
Cour de justice de l’Union européenne
Type de forum : 
Regional
Résumé : 

Le statut de réfugié de M. Ayubi lui donnait droit à un titre de séjour de trois ans et lui permettait de demander une aide de l’État. En vertu du droit autrichien, le statut de séjour temporaire de M. Ayubi ne lui permettait de recevoir que le montant minimal de prestations, et l’autorité administrative du district de Linz-Land lui a accordé une prestation de base et une majoration provisoire.

La législation autrichienne en matière d’assistance publique réformée en 2015 stipulait que les réfugiés ayant un droit de séjour temporaire devaient se voir accorder le même traitement que les bénéficiaires du « statut conféré par la protection subsidiaire » (ressortissants de pays tiers qui nécessitent une protection contre de graves préjudices mais n’ont pas droit au statut de réfugié). Les deux groupes ne pouvaient bénéficier que d’une prestation de base et d’une majoration provisoire. Le montant de cette aide était inférieur à celui de la « la garantie de ressources minimales pour assurer la couverture des besoins » offerte aux réfugiés bénéficiant d’un droit de séjour permanent et autres  résident-e-s permanent-e-s (ex. les citoyen-ne-s).

La Cour a signalé que la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés stipule que les réfugiés et les nationaux devraient bénéficier du même traitement en matière d’assistance publique. Elle a tenu compte de cette disposition dans son interprétation de l’article 29 de la Directive 2011/95 du droit de l’UE, qui exige que les États membres qui accordent à une personne une protection telle que le statut de réfugié lui accorde aussi la même assistance sociale que celle prévue pour leurs citoyens.  Cette directive permet uniquement aux États de limiter aux « prestations essentielles » l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire (et même là, seulement au même niveau et dans les mêmes conditions d’accès que ceux applicables à leurs propres ressortissants).

La Cour a signalé que les réfugiés nouvellement arrivés pourraient être dans une situation plus précaire, et que le fait de limiter leurs prestations ne saurait atténuer leurs difficultés.  De plus, elle a mis en doute l’affirmation du gouvernement selon laquelle d’autres formes de prestations, comme le logement, viendrait effectivement compenser la réduction de l’assistance sociale.

Application des décisions et résultats: 

La Cour a déclaré que l’article 29 de la Directive 2011/95 s’oppose aux lois nationales des États membres de l'UE qui limitent l’assistance accordée aux réfugiés bénéficiant d’un droit de séjour temporaire à un montant inférieur à celui accordé aux nationaux et aux réfugiés qui sont résidents permanents.  Elle a de plus statué que les réfugiés pouvaient demander l’application correspondante de cette loi de l’UE devant les juridictions nationales.

Importance de la jurisprudence: 

Cette décision va à l’encontre de l’offensive générale menée par les membres conservateurs et d’extrême droite du gouvernement de coalition autrichien pour restreindre les droits des réfugiés et des migrants. Le chancelier Sebastian Kurz, en poste depuis décembre 2017, a fait campagne sur un engagement à restreindre les prestations d’assistance sociale des réfugiés et le gouvernement a promu des politiques à cette fin.  La décision rendue dans l’affaire Ayubi assure la protection du droit des réfugiés temporaires à recevoir la même assistance que tous les citoyens et à recourir aux tribunaux nationaux pour exercer leurs droits. Cela pourrait apporter un peu de poids juridique pour contrer les manœuvres conservatrices visant à restreindre les droits des réfugiés en l'Autriche et dans toute l’Union européenne.

De façon plus générale, cette affaire ajoute une dimension à un corpus de jurisprudence visant à enrayer la discrimination fondée sur le statut migratoire.  Il convient de rappeler la décision rendue en 2018 par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans l’affaire Nell Toussaint, où il a été conclu que le Canada avait porté atteinte au droit de l’auteur à la vie et à la discrimination en lui refusant l’accès à des soins de santé essentiels du fait de son statut de migrante en situation irrégulière.

Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).