Budha Ismail Jam y otros c. Corporación Financiera Internacional

Arrêt historique limite l'immunité de la Société financière internationale du Groupe de la Banque mondiale

En 2015 Budha Ismail Jam et d’autres agriculteurs et des communautés de pêcheurs entourant la centrale à charbon polluante Tata Mundra Ultra Mega du Gujarat, en Inde, ont engagé des poursuites contre la Société financière internationale (SFI) pour son rôle dans le financement de construction de la centrale par la société privée Costal Gujarat Power Limited. Les plaignants ont demandé des dommages-intérêts et des mesures injonctives pour négligence, nuisance, violation de propriété et rupture de contrat, alléguant que la construction et l’exploitation de la centrale avaient fait du tort aux terres agricoles, à l’air, à l’eau et à la vie marine. Un audit interne de la SFI a révélé que l’entreprise n’avait respecté le plan environnemental et social exigé dans les conditions du prêt afin de protéger les zones entourant la centrale. L’audit a également révélé que la SFI n’avait pas bien supervisé le projet.  

La question portée devant la Cour suprême des États-Unis était de déterminer si la SFI bénéficiait d’une immunité de juridiction absolue. La Cour a interprété la loi états-unienne comme accordant aux organisations internationales désignées l’immunité plus restreinte dont jouissent actuellement les gouvernements étrangers, et non l’immunité presque absolue accordée à l’origine en 1945. Depuis 1952, les gouvernements étrangers ont généralement pu être poursuivis aux États-Unis pour certaines activités commerciales, même s’ils continuent habituellement de jouir d’une immunité absolue dans d’autres domaines.

Date de la décision: 
27 fév 2019
Forum : 
Cour suprême des États-Unis
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

Au moment de la fondation d’organisations internationales comme la SFI, les Nations Unies et le Fonds monétaire international à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Congrès des États-Unis a adopté la Loi sur l’immunité des organisations internationales de 1945 qui accordaient à ces organisations internationales la « même immunité de juridiction … que celle dont bénéficient les gouvernements étrangers », quoique les organisations puissent limiter ou élargir l’immunité dans leurs chartes. De 1945 à 1952, les tribunaux se sont rangés au point de vue du Département d’État voulant que les organisations internationales devraient jouir d’une immunité absolue au même titre que les gouvernements étrangers. Après 1952, en raison d’une augmentation et d’un élargissement des activités commerciales des États, le Département d’État a déterminé qu’il était nécessaire que les populations touchées par ces activités aient accès aux tribunaux en tant qu’arbitres de leurs droits et a changé d’avis, concluant que les gouvernements étrangers n’avaient droit à l’immunité que pour des actes souverains, et non pour des activités commerciales.

La Cour a statué que la SFI ne bénéficiait pas d’une immunité de juridiction absolue car la Loi sur les immunités des organisations internationales de 1945, en stipulant que l’immunité des organisations internationales devrait être la « même que celle dont bénéficient les gouvernements étrangers », visait à continuer à interpréter l’immunité de ces institutions parallèlement à celle des gouvernements étrangers.  La Cour a argumenté que, comme que le Congrès n’avait fait référence à l’immunité que de manière générale sans préciser le type d’immunité, il avait adopté une loi qui n’était pas statique, mais qui s’était développée parallèlement à l’immunité des États étrangers.

La SFI a contesté affirmant que le fait de réduire son niveau d’immunité nuirait à sa mission en permettant aux tribunaux d’un pays de mettre en question les décisions de ses nombreux États membres, en exposant l’organisation à des dommages-intérêts et en ouvrant grande la voie à l’introduction de procédures par des étrangers du fait qu’une si grande part de ses activités est commerciale. La Cour a manifesté son désaccord et signalé que l’organisation pouvait modifier sa charte pour préciser un niveau d’immunité différent.

Fait important, la Cour n’a pas déclaré que l’activité de la SFI, ou l’activité de prêt d’autres banques internationales de développement, était définitivement commerciale, ni que telle ou telle activité aurait un lien suffisant avec les États-Unis pour permettre que des poursuites soient engagées.

Application des décisions et résultats: 

L’affaire a été renvoyée au Tribunal d’instance pour régler la question de la nature commerciale du prêt de la SFI et celle de savoir si les activités sont suffisamment liées aux États-Unis pour que la SFI soit tenue responsable.

Groupes impliqués dans le cas: 
Importance de la jurisprudence: 

Cette affaire permet que les institutions financières internationales puissent être tenues responsables des préjudices causés par les projets qu’elles financent, puisque la décision réduit le niveau d’immunité des institutions financières internationales en droit interne. Déterminer si les activités d’une organisation dans un cas donné sont commerciales et ont un lien suffisant avec les États-Unis pour donner lieu à une éventuelle responsabilité fera probablement l’objet de litiges factuels qui pourraient être difficiles à prévoir. Par conséquent, cette réduction du niveau d’immunité peut favoriser une meilleure supervision des institutions de prêt internationales ou les dissuader de financer des projets à hauts risques sur le plan environnemental, social ou des droits humains.  

Cette décision pourrait également avoir une incidence immédiate dans d’autres affaires connexes. La même organisation qui représente les plaignants dans l’affaire Jam, l’organisation juridique et environnementale sans but lucratif EarthRights International, a depuis repris la conduite d’un litige contre une plantation de palmiers à huile au Honduras, qui avait aussi reçu un prêt de la SFI. Les forces de sécurité privées de la plantation auraient attaqué et tué des membres de la communauté, faits qui, à l’instar des activités d’audit dans l’affaire Jam, ont été documentés dans des rapports internes de la SFI. Désormais, la SFI pourrait être plus encline à régler les différends en raison de son immunité limitée, surtout si la procédure en première instance dans l’affaire Jam entraîne des dommages-intérêts en faveur des plaignants.

Pour leurs contributions, un remerciement particulier au membre du Réseau DESC : le Programme sur les droits humains et l’économie mondiale (PHRGE) de la Northeastern University.