R. C., A. c/ Municipalité de Buenos Aires et al. en amparo, Affaire no A47249/2015

Un jeune homme présentant un handicap intellectuel a introduit un recours en protection en utilisant la procédure d’amparo après que l’école ordinaire qu’il avait fréquentée et les services municipaux en charge de l’enseignement de Buenos Aires ont refusé de lui délivrer un diplôme attestant de l’achèvement de ses études secondaires. L’affaire porte sur la violation du droit à l’obtention d’un diplôme équivalent comme composante essentielle du droit à l’éducation inclusive.

Date de la décision: 
24 oct 2016
Forum : 
Tribunal de première instance no 1 en charge du contentieux administratif et fiscal de la ville de Buenos Aires
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

Dans cette affaire, le droit d’un élève présentant un handicap intellectuel d’obtenir un diplôme officiel attestant l’achèvement de ses études secondaires sur une base d’égalité a été contesté conformément à l’article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui reconnaît le droit à une éducation inclusive et interdit toute forme de discrimination basée sur le handicap.

L’élève a fréquenté une école ordinaire qui lui a fourni une assistance et des soutiens raisonnables, comme le prévoit un instrument appelé « Projet pédagogique individuel pour l’inclusion » (PPI, en espagnol), qui ont été mis en œuvre par l’école avec la participation de l’équipe de soutien à l’inclusion et au su de la famille de l’élève. L’élève a réussi à passer en classe supérieure chaque année au cours de son parcours dans l’enseignement secondaire et a atteint tous les objectifs fixés dans son PPI, ce qui a été attesté par les bulletins scolaires correspondants. Toutefois, à la fin de sa dernière année, l’école l’a informé qu’il ne se verrait pas attribuer un diplôme d’études secondaires au motif qu’il « ne remplissait pas les conditions minimales relatives au contenu pour la délivrance ». Cette situation n’a jamais été communiquée à l’élève ni à sa famille.

L’école a affirmé que les services municipaux en charge de l’enseignement de Buenos Aires ne l’avait pas autorisée à attribuer le diplôme parce que l’élève avait suivi un programme adapté. En raison de cela, elle a décidé - en se référant au règlement de la ville – d’accorder un certificat qui n’attestait pas officiellement de l’achèvement de la scolarité obligatoire.

En conséquence, le jeune homme a introduit un recours en amparo - présentée par l’Asociación Civil por la Igualdad y la Justicia - contre les services municipaux en charge de l’enseignement de Buenos Aires et l’école afin de faire cesser la conduite discriminatoire et de procéder à la préparation et à l’attribution d'un diplôme équivalent qui aurait la même validité que celui délivré à ses camarades de classe. En même temps, une requête a été déposée visant à faire déclarer certaines réglementations locales inconstitutionnelles.

Le Tribunal de première instance no 1 en charge du contentieux administratif et fiscal de la ville de Buenos Aires a estimé que la réglementation internationale qui lie l’État argentin - en particulier la Convention relative aux droits des personnes handicapées - établit le droit à une éducation complète et inclusive, sans discrimination et avec des aménagements raisonnables. Ainsi, il a souligné que le droit à l’éducation n’implique pas seulement le droit d’être placé, d’être inscrit et de rester à l’école et d’assister aux cours, mais comprend également la garantie que l’enseignement sera raisonnablement adapté à l’élève handicapé, et que cela inclut la manière dont l’achèvement de sa scolarité sera évalué et certifié. Il a précisé que l’égalité des conditions n’équivaut pas à des conditions identiques au sens où l'on exige le même contenu pour tous, mais qu’elle signifie plutôt une considération égale, c’est-à-dire que chaque élève est tenu d’atteindre « les objectifs qui - du point de vue institutionnel - lui ont été fixés » et que les circonstances prises en compte pour certifier les élèves sont équitables. Il a également indiqué que l’octroi d’un certificat qui n’atteste pas l’achèvement du processus éducatif implique « la délivrance d’une confirmation que l’élève a fréquenté l’école, qu'il y a été pendant un certain nombre d’années et qu’il a été incorporé, mais pas inclus ». En outre, il a fait valoir que cela porterait préjudice à la réalisation de son projet de vie, que ce soit en termes d’égalité d’accès à l’emploi, ou à des niveaux d’enseignement supérieurs et à d’autres projets pour lesquels un certificat d’enseignement secondaire est requis, ce qui porterait atteinte à ses droits et le stigmatiserait.

Par conséquent, le tribunal a ordonné à l’école de délivrer le diplôme officiel d’enseignement secondaire et aux services municipaux en charge de l’enseignement de légaliser ledit instrument, déclarant inconstitutionnelles les dispositions normatives locales qui constituaient un obstacle à cette fin.

La Cour d’appel - devant laquelle le jugement en question a été porté en appel - a rejeté les recours introduits par l’école et les services municipaux, et a confirmé le jugement attaqué, en fondant sa décision sur le fait que le jeune handicapé avait réalisé son Projet pédagogique individuel et que le fait que son processus éducatif n’ait pas abouti au diplôme correspondant était clairement en contradiction avec les dispositions constitutionnelles en vigueur.

Application des décisions et résultats: 

Pendant la phase d’exécution du jugement, après l’arrêt de la Cour d’appel confirmant la décision du tribunal de première instance, des discussions ont eu lieu sur la manière dont le diplôme devait être rédigé, étant donné que les services municipaux en charge de l’enseignement de Buenos Aires avait rédigé un diplôme avec une formulation particulière qui reflétait les dispositions en vertu desquelles il était délivré (faite après l’obtention du diplôme), formulation qui ne figurait pas dans les diplômes délivrés à ses camarades. En conséquence, il a été demandé qu’un nouveau diplôme soit délivré sans ces références. Le 4 décembre 2017, le Tribunal de première instance a jugé qu’« il est clair que le diplôme du requérant n’a pas été délivré dans les mêmes conditions que celui de ses camarades de promotion de 2013 », en relevant que toute mention ayant pour seul but de différencier arbitrairement certaines personnes ou circonstances constituait une discrimination dans la délivrance du diplôme. En conséquence, il a décidé que la municipalité délivrerait un nouveau diplôme, conformément à la demande du requérant.

En décembre 2017, R., C. A. a obtenu son diplôme d’études secondaires.

Groupes impliqués dans le cas: 
  • Asociación Civil por la Igualdad y la Justicia (sponsor)

  • Asociación por los Derechos Civiles (amicus curiae)

  • Grupo Artículo 24 por la Educación Inclusiva (amicus curiae)

  • Red por los Derechos de las Personas con Discapacidad (amicus curiae)

 
Importance de la jurisprudence: 

Dans cette affaire, un premier jugement a été rendu qui positionne le droit à un diplôme équivalent comme élément central du droit à l’éducation inclusive, et qui établit des normes solides pour comprendre la portée des obligations des États dans ce domaine. L’importante exposition publique dont elle a fait l’objet et la solution judiciaire adoptée ont été fondamentales pour rendre visibles les obstacles auxquels les personnes handicapées sont confrontées dans l’exercice de leur droit à l’éducation. En outre, elle a contribué à promouvoir des réformes réglementaires en termes d’évaluation et de certification des élèves handicapés qui fréquentent l’école en bénéficiant d’une assistance et de soutien.