Élaborer le traité sur les entreprises et les droits humains : visions de l’Asie-Pacifique

Date de publication : 
Lundi, 11 mai 2015

À Bougainville, en Papouasie Nouvelle Guinée, les catastrophiques dégâts environnementaux et les bouleversements sociaux causés pas la mine de cuivre de Panguna ont donné naissance à une guerre civile qui a duré une dizaine d’années et qui a fait des milliers de morts, a déclenché des vagues de violence sexiste et a déchiré le tissu social de l’île. Des pourparlers sont maintenant en cours pour rouvrir cette mine.

Au Bangladesh, deux ans après 1100 personnes ont été tuées dans l’effondrement de Rana Plaza, les travailleurs de l’industrie du vêtement continuent d’être confrontés à la violence et l’intimidation pour avoir tenté de créer des syndicats et de réclamer leur droit à un travail décent. Les survivants et les familles des victimes attendent toujours des compensations financières de la part des entreprises européennes et américaines qui faisaient fabriquer leurs vêtements chez Rana Plaza pour couvrir leurs dépenses médicales et compenser la disparition de leur moyen de subsistance.

Aux Philippines, le gouvernement continue de déployer des unités militaires et paramilitaires associés depuis longtemps à une violation des droits humains, dans le cadre de forces de défense des investissements qui « assurent la sécurité » de projets de développement à large échelle –et en général malgré la résistance des peuples autochtones dont les droits sont régulièrement bafoués. Et en Asie du Sud-Est, les investisseurs étrangers sont libres de se prévaloir des clauses de règlement de différends entre l’investisseur et le pays lorsque les gouvernements prennent des mesures pour l’intérêt public mais qui sont perçues comme une réduction de leurs profits.

Étant donné l’impunité avec laquelle les entreprises en Asie-Pacifique opèrent, l’adoption l’année dernière par le conseil des Nations Unies d’une résolution pour élaborer un instrument contraignant pour « réguler, par le droit international relatif aux droits humains, les activités des entreprises transnationales et autres entreprises »  fournit une occasion cruciale pour faire progresser la responsabilité des entreprises. Du 1 au 3 mai, la société civile s’est réunie à Chiang Mai, en Thaïlande, afin de discuter de la façon de s’assurer que le processus de développement du traité réponde aux besoins des communautés qui sont victimes de violations des droits humains causées par les entreprises. La consultation, qui a été convoqué par le Réseau-DESC, la FIDH, et le Asia Pacific forum on Women, Law and Development, a rassemblé des communautés affectées venant de la région ainsi qu’un groupe d’experts juridiques qui travailleront collectivement pour développer des propositions sur la meilleure façon de combler des lacunes dans la responsabilité des entreprises. C’est la première de trois consultations régionales de la société civile qui vont être convoquées dans le courant de l’année à venir alors que le groupe de travail intergouvernemental établi sous la résolution commence son travail de définition du contenu et de la forme du traité.

Les participants de la société civile à Chiang Mai ont discuté de la nature des violations des droits humains auxquelles ils ont été confrontés faisant suite aux activités des entreprises, des défis rencontrés dans la recherche d’un recours, ainsi que des recours et des mécanismes qu’il faudrait pour protéger et satisfaire leurs droits humains. Le groupe juridique a réfléchi à la façon dont cela peut permettre d’élaborer des propositions pour les obligations d’État et d’entreprise au titre du traité, y compris les différentes théories de responsabilité civile et pénale, ainsi que des moyens efficaces de recours à un niveau local, national et international. La consultation a aussi offert des stratégies pour les réseaux et les mouvements sociaux dans la région pour l’utilisation du processus de traité afin de renforcer leur propre travail sur la responsabilité des entreprises. Les participants de la société civile travaillent maintenant au développement d’une déclaration commune qui expose leurs demandes pour le traité.   

Alors que le rôle attendu du secteur privé dans le financement et la mise en place du prochain agenda de développement continue de s’étendre, le processus d’élaboration d’un nouveau cadre de travail est une occasion pour la société civile de défier le discours selon lequel on peut faire confiance aux acteurs des entreprises –en l’absence de réglementation contraignante – pour qu’ils agissent en conformité avec les objectifs d’un développement et de droits humains équitables et durables. Le groupe de travail intergouvernemental établi sous la résolution se réunira pour la première fois à Genève en juillet, démarrant la prochaine étape de ce nouveau processus fondamental.

Pour plus d’informations sur le processus, veuillez visiter la page web du traité.

Pour en savoir plus sur le travail de APWLD sur les obligations extraterritoriales, veuillez visiter leur page web.