Novembre 2015 discussion: l'utilisation des indicateurs pour améliorer les examens des pays par les organes conventionnels des Nations Unies

Date de publication : 
Mercredi, 4 novembre 2015

Bienvenue à notre discussion mensuelle ! Mon nom est Pauline Vata et je travaille pour Hakijamii, une ONG basée au Kenya et défendant les droits économiques et sociaux des groupes marginalisés, spécialement ceux des zones urbaines. Lors de la dernière discussion en ligne, nous avons abordé le potentiel des indicateurs ODD en ce qui concerne l’augmentation de la responsabilité dans le domaine des droits humains. Suite à notre conversation sur les moyens d’identifier des indicateurs pertinents relatifs aux droits humains, ce mois-ci, je voudrais vous proposer de réfléchir à la façon dont nous pouvons améliorer l’utilisation d’indicateurs au sein d’organes conventionnels de l’ONU relatifs aux droits humains, afin de fournir des lignes directrices plus utiles aux États concernant leur respect des obligations du traité. 

Il y a trois semaines, le 16 octobre 2015, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC), l’organe de traité de l’ONU responsable de vérifier le respect du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) par les États, a publié sa liste de points en lien avec les rapports combinés -du deuxième au cinquième- du gouvernement du Kenya. CDESC utilisera  la liste de points pour l’aider lors de l’évaluation du respect du PIDESC par le Kenya, lors de la session de février 2016. Le rapport périodique initial du Kenya a été examiné par le CDESC en 2008 et il s’agissait étonnamment du premier examen depuis l’accès du pays au PIDESC en 1972. Alors que sept ans se sont écoulés depuis le premier examen du Kenya, il convient de noter qu’il n’y a pas de grandes différences  entre la liste de points de 2008 et celle de 2015. Par exemple, en ce qui concerne les conditions de vie adéquates (article 11 du PIDESC), des enjeux similaires ont été soulevés dans les listes de points de 2008 et de 2015, comme suit :    

  • « Veuillez fournir des informations plus détaillées sur l’impact des programmes et des politiques destinés à combattre la pauvreté (tels que le Plan national d’éradication de la pauvreté)» (extraits de la liste de points de 2008) ;
  • « Veuillez fournir des informations sur l’impact du plan national d’éradication de la pauvreté de 1999 à 2015, particulièrement en ce qui concerne la jeunesse, les femmes et les peuples vivant sur des terres arides et semi-arides (ASAL en anglais) et les niveaux actuels de pauvreté, ventilés par région » (extraits de la liste de points de 2015).

Cette similitude pourrait venir du fait que le gouvernement du Kenya n’a pas pris de mesures progressives  pour éradiquer la pauvreté étant donné que des questions en lien avec cela sont posées sur une période de sept ans, ou doivent représenter un problème persistant, omniprésent et répandu inquiétant le CDESC. S’agit-il là d’une banale formalité menée tous les cinq ans, limitant l’efficacité du CDESC dans la pratique ? Ou est-ce que le CDESC devrait poser plus de questions dans sa liste de points, particulièrement dans les cas de suivi d’enjeux déjà soulevés dans des examens précédents des États ? Est-ce que d’autres membres du groupe de travail peuvent partager leurs expériences et les leçons qu’ils ont tirées de leur travail mené pour influencer les listes de points des organes de traité et/ou les questions finalement posées dans le processus d’examen ? Comment pouvons-nous mieux identifier et utiliser les indicateurs pour un examen efficace des pays par les organes de traité ?

Pendant ce temps, CDESC a déjà relevé dans ses observations concluantes de décembre 2008 « l’absence de données statistiques ventilées dans le rapport, qui auraient permis au comité de mieux évaluer la mise en œuvre du pacte par l’état partie. » Les organisations de la société civile au Kenya ont eu du mal à obtenir des données pertinentes sur la situation des droits humains. Il faut souligner que la promulgation de la nouvelle constitution du Kenya en 2010 a annoncé un nouveau chapitre dans le droit à l’information au Kenya, et l’article 35 de celle-ci a codifié pour la première fois le droit à l’information. À la différence d’autres dispositions dans la déclaration des droits qui confèrent le droit spécifique de « chaque personne », l’article 35 de la constitution emploie les mots « chaque citoyen ». Dans l’arrêt de la requête No 43 de la haute cour du Kenya de 2012, Famy Care Limited contre le conseil d’examen administratif des acheteurs publics & autre [2012] eKLR, la cour a fait deux découvertes concernant le droit à l’accès à l’information au Kenya : 1) Les « citoyens kenyans » sont les seuls à pouvoir bénéficier du droit à l’information et pas les citoyens étrangers ; et 2) seuls les « citoyens nationaux du Kenya » peuvent bénéficier du droit à l’information, et pas les personnes juridiques du Kenya telles que les entreprises ou les associations. C’est ainsi que nonobstant les dispositions de la constitution, obtenir des données statistiques en lien avec les enjeux des droits humains est toujours une tâche ardue au niveau national, et il est donc nécessaire que des informations ventilées essentielles et pertinentes soient demandées et produites par le gouvernement du Kenya par le biais de procédures internationales tels que les organes de traité. Est-ce que des membres du groupe de travail ont eu recours à des processus internationaux, comme la procédure de rapports des états auprès d’organes de traité, afin d’obtenir des informations pertinentes qu’ils trouvent difficiles à obtenir à un niveau national ?

Avant les sessions d’examen de leur pays, les organes de traité de l’ONU doivent mener une recherche poussée des données et informations qu’ils demandent aux États soumis à l’examen, afin de donner des observations finales sûres pour que l’État agisse en conséquence. C’est à cet égard que l’identification d’indicateurs pertinents est une étape cruciale dans la demande de telles données et informations. Je suis pressée d’entendre vos opinions ou toutes autres stratégies auxquelles nous pourrons collaborer, en ce qui concerne l’utilisation des indicateurs  en vue d’un examen efficace des pays par les organes de traité.  

Facilitateur: 
Pauline Vata (Hakijamii)