Le Réseau-DESC participe à des rencontres internationales à Detroit sur les droits humains à l’eau potable, à l’assainissement et au logement.

Date de publication : 
Mardi, 16 juin 2015

Le Réseau-DESC a participé à des réunions sur la stratégie à Détroit dans le Michigan, en lien avec des violations récurrentes des droits humains à l’eau potable, à un système sanitaire et au logement de milliers de résidents dans l’ancienne capitale industrielle des États-Unis. La réunion a été coordonnée par ceux en première ligne des combats des communautés pour la justice - Michigan Welfare Rights Organization (MWRO) et the Detroit People's Water Board Coalition (PWB)—accompagnés d’Alice Jennings (Avocat principal dans l’affaire contre les coupures d’eau), UUSC, et d’autres organisations communautaires de base et alliés. Bret Thiele, directeur co-exécutif  de l’initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels (IM-DESC), a parlé  de la proposition conjointe en qualité d’amicus du groupe de travail du Réseau-DESC sur le litige stratégique et qui a été proposé dans le cadre de l’affaire contre les coupures d’eau (dont il est question ci-dessous).  Dans son commentaire, Bret a insisté sur le fait que “Le litige doit venir compléter une défense d’intérêts sociaux au sens large et les stratégies juridiques doivent être  informées et menées par les mouvements sociaux communautaires”. Il a aussi souligné que, “Indépendamment de ce que les autorités peuvent suggérer, nous avons un droit humain à l’eau. Les droits ne sont pas donnés par les États-Unis par le biais de la ratification à un traité, et ils ne sont pas non plus donnés par les Nations Unies; les droits humains sont inhérents à nous tous en tant qu’êtres humains. Le problème n’est donc pas de savoir si nous avons le droit ou pas à l’eau mais plutôt de savoir pourquoi ce droit est violé sans impunité” Les membres du Réseau-DESC, dont le IM-DESC et le programme sur les droits humains et l’économie mondiale (PGHRE) de la Northeastern University School of Law ont participé le 29 mai 2015 au sommet international juridique et législatif  sur l’accessibilité à l’eau, à un système sanitaire et au logement, tandis que près de 200 dirigeants communautaires et des défenseurs des droits humains, dont Kairos Center for Religions, Rights, and Social Justice/Poverty Initiative, ont rejoint le rassemblement international des mouvements sociaux sur l’eau et le logement abordable les 30 et 31 mai. Maureen Taylor, Présidente de MWRO, a mis l’accent sur le combat constant pour la justice face aux fréquentes violations des droits humains mais a aussi insisté sur le besoin d’unir les combats de manière stratégique aussi bien dans l’ensemble du pays qu’à un niveau mondial.  

Photo: MWRO

Contexte de coupure d’eau et de saisie de biens immobiliers à Détroit

Le 18 Juillet 2013, la ville de Détroit a déposé son  bilan en vertu du chapitre 9 du code, la plus grande faillite municipale dans l’histoire des États-Unis. En mars 2013, Détroit avait été prise en charge par un gestionnaire d’urgence désigné par l’État qui n’avait presque pas de pouvoir pour négocier le futur de la ville. Ce qui est certainement plus préoccupant sont les coupures d’eau potable et d’eaux usées, affectant environ 30000 foyers en 2014. Ces coupures ont choqué la communauté internationale  suscitant en 2014 la visite et la déclaration de deux rapporteurs spéciaux de l’ONU qui se concentrent sur le droit au logement et le droit à l’eau et à l’assainissement. En réponse à leurs critiques, le gestionnaire d’urgence a simplement insisté sur le fait que quelqu’un devait payer pour pomper et purifier l’eau. Ce  “quelqu’un” était malheureusement des personnes ordinaires, ce qui a eu un impact, plus particulièrement,  sur les résidents du troisième âge, les personnes handicapées, et les résidents à faible revenus, au lieu d’en avoir un sur les entreprises qui continuent de bénéficier de la réduction d’impôts, telles que Marathon Petroleum, qui utilise des millions de litres d’eau pour  raffiner des sables bitumeux (près de 30000 barils de pétrole par jour) mais qui a bénéficié d’un abattement fiscal de 175 millions de dollars en 2007. Les résidents du Michigan avaient notamment rejeté  la loi sur la gestion d’urgence de l’État lors d’un référendum de 2012, mais l’Assemblée législative  et le gouverneur ont fait passer une nouvelle loi de gestion d’urgence plus aggressive (Acte public 436) des semaines plus tard, permettant à l’État d’usurper la gouvernance démocratique, les arrêtés locaux, et les conventions collectives tout en vendant des biens publics. 

Les coupures d’eau potable et d’eaux usées sont immorales et sont des violations des droits humains partout dans le monde; elles sont d’autant plus scandaleuses  si on considère la richesse des États-Unis et le fait que la ville est entourée de 20 pourcents de toute l’eau douce superficielle au monde. Quarante pourcents des résidents de Détroit vivent sous le seuil de pauvreté, et plus de 80 pourcents de la population est afro américaine. En 2013, la population totale avait chuté à 700000 habitants, ce qui représente moins de la moitié de ce qu’elle était quelques décennies plus tôt, l’informatique et l’infogérance ayant contribué à l’élimination de dizaines de milliers de postes dans l’industrie automobile. Au cours des derniers mois, les factures d’eau impayées ont été rattachées aux taxes foncières, et des milliers de personnes sont donc saisies.  De plus, les services de protection de l’enfance retirent les enfants de leur famille, dans les foyers qui ont été victimes de coupures d’eau, au lieu de leur fournir un soutien financier pour leur permettre soit d’avoir de nouveau accès à l’eau soit d’avoir accès à un logement alternatif.

Photo: Elaine Cromie / Mlive

Un combat communautaire a réagi aux coupures, en faisant passer des tuyaux de maison en maison, en créant des brigades de l’eau et des comités de résistance, en protégeant les enfants pour qu’ils ne soient pas injustement retirés de leur famille par les services de protection de l’enfance, en travaillant avec des économistes pour créer des forfaits d’eau alternatifs  abordables et avec des avocats pour faire avancer les affaires juridiques, en collaborant avec les Nations Unies et les médias internationaux, en sensibilisant par la création de chanson et de poèmes, et en posant constamment des questions essentielles quant à leur société, revendiquant les droits humains comme étant le noyau d’un futur juste. En juillet 2014, le “Homrich 9,” dont Marian Kramer de MWRO et la Highland Park Human Rights Coalition, ont été arrêtés et ont encouru des inculpations pour infraction pour avoir empêché des camions de quitter les grilles de la Homrich Corporation. Homrich a reçu un contrat de deux ans et de 5.5 millions de dollars pour exécuter les coupures d’eau pour le compte du département des eaux courantes et des égouts de la ville de Détroit, qui est conseillé par l’entreprise française transnationale Veolia. Marian a déclaré “Si vous coupez, nous rallumerons…L’eau est un droit humain. On peut survivre seulement trois jours sans eau.”

Photo: Katie Bailey / Mlive

Le Réseau-DESC comme amicus curiae dans l’affaire  Lyda et al contre la ville de Détroit

En février 2015, le Réseau-DESC a soumis un mémoire d’amicus curiae en soutien aux demandeurs-appelants. L’affaire judiciaire conteste la décision de la ville de Détroit de couper l’eau potable municipal et l’accès aux eaux usées d’environ 30000 foyers de résidents à faibles revenus, les laissant sans aucun accès à l’eau et à l’assainissement. Ces coupures ont continué depuis que la plainte a été déposée en août 2014. Les objectifs de ce mémoire étaient de présenter à la cour un matériel international et comparatif afin de souligner le fait que les Etats-Unis sont soumis à certaines obligations internationales concernant les droits humains, et que ces obligations s’étendent à tous les niveaux de l’État (dont la ville de Détroit), et que les lois nationales doivent être interprétées en accord avec le droit international. En outre, alors que les États-Unis ne reconnaissent pour le moment pas de droit humain à l’eau (à la différence de la communauté internationale), le mémoire confirme que refuser l’accès à l’eau est susceptible de représenter une violation de plusieurs droits humains et non pas seulement du droit à l’eau. Un deuxième objectif du mémoire d’amicus était- par la diffusion massive- d’assister d’autres avocats et défenseurs confrontés à des problèmes similaires dans le développement d’arguments juridiques concernant les coupures d’eau, en se référant à du matériel international et comparatif pertinent à l’élaboration d’arguments et en partageant des tactiques juridiques et de mise en oeuvre utilisées avec succès dans d’autres juridictions. Le mémoire était un projet commun des membres du groupe de travail sur le litige stratégique du Réseau-DESC dont: le Centre pour l’étude du droit, Justice et société (Dejusticia); IM-DESC; le Centre pour la défense des droits sociaux (CDDS); et l’institut des droits socio-économiques d’Afrique du Sud (SERI); avec le soutien de PHRGE. Le mémoire a été accepté par le juge présidant le tribunal le 17 février 2015, mais deux requêtes d’audiences accélérées par les demandeurs-candidats restent jusqu’à présent sans réponse de la part du juge, son honneur Bernard Friedman, du tribunal de grande instance des Etats-Unis, du district Est du Michigan et du district Sud, et le moment où l’affaire sera résolue reste incertain. Cependant, cette affaire juridique reste une tactique dans un combat plus large pour faire progresser les droits humains pour les résidents de Détroit mais aussi pour les personnes partout dans le monde.