Les mouvements sociaux des pêcheurs: échange contre l’appropriation des terres et des océans

Date de publication : 
Vendredi, 14 octobre 2016

Le Forum mondial des populations de pêcheurs a organisé une activité d’échange au Sri Lanka afin d’étudier les impacts de l’appropriation des terres et des océans sur les droits humains et de concevoir une campagne de défense des droits des pêcheurs.

Le programme, qui a eu lieu du 24 septembre au 1 er octobre, a rassemblé des représentants d’organisations de pêcheurs traditionnels et pratiquant la pêche à petite échelle, issus de plusieurs organisations nationales membres du forum mondial des populations de pêcheurs. Les participants comprenaient un représentant de l’organisation membre du Réseau-DESC, le Pakistan Fisherfolk Forum ainsi que des organisations de pêcheurs d’Indonésie, de Thaïlande, d’Inde, d’Ouganda et de Bélize. Le National Fisheries solidarity Movement (NAFSO) du Sri Lanka, membre lui aussi du Réseau-DESC, a organisé l’échange.

L'échange a consisté en plusieurs visites des communautés affectées par l'appropriation des terres et des océans, mais aussi en plusieurs moments dédié à l'étude des observations de ces visites dans l'intérêt des organisations de pêcheurs afin de développer une campagne mondiale pour affronter ces défis.

Au cours de la première journée de l'échange au Sri Lanka, les participants ont visité le marché au poisson de Negombo. Ils ont ensuite rencontré l'organisation de femmes pêcheurs Sri Vimukthi qui a eu un rôle actif dans la lutte contre l’introduction d’hydravions au lagon de Negombo. L'après-midi, le groupe WFFP a rencontré et a discuté avec les membres du mouvement de campagne anti- ville portuaire contre la construction d'une île à Colombo par une compagnie chinoise. Cette entreprise commerciale est en train de détruire les moyens de subsistance et l’environnement de la communauté de pêcheurs.

Le deuxième jour a consisté en des présentations des pays par plusieurs représentants nationaux, dans le contexte d’une analyse critique concernant le concept d’économie bleue. Le concept se concentre sur le soutien du potentiel de protection des océans, par le biais d’un modèle davantage axé sur le marché de pêche à grande échelle, avec un rôle prédominant pour les acteurs du secteur privé. Selon les participants, les projets et les programmes répondant au modèle de “l’économie bleue” ont été faits au dépens de plusieurs communautés côtières et de pêcheurs à petite échelle dont les moyens de subsistance sont basés sur l’exploitation durable des ressources maritimes, et qui ont été dépossédés à cause de l’appropriation de leurs terres et eaux traditionnelles au profit d’exploitations d’aquaculture à grande échelle, de zones de conservation maritime et de tourisme de luxe, entre autres.

L’échange a ensuite procédé à l’illustration de plusieurs cas dans lesquels les communautés luttent pour la défense de leurs droits humains et leurs moyens de subsistance face à l’usurpation de leurs terres et de leurs voies d’accès à l’eau. Le groupe a d’abord visité la Uwa Wellassa Women Organization de Handapanagala à Wellawaya. Ces femmes leur ont appris que plusieurs actions ont été menées par des fonctionnaires locaux et nationaux et des branches des forces armées pour s’emparer des terres utilisées par des petits agriculteurs et pêcheurs afin de les utiliser au profit de compagnies fruitières et d’entreprises touristiques. Les participants ont ensuite visité la communauté de Pelwatta, dans la jungle du même nom. La Pelwatta Sugar Corporation s’était emparée de terres à cet endroit qui appartenaient  et étaient traditionnellement exploitées par des petits agriculteurs travaillant maintenant pour la compagnie dans des conditions proches de l’esclavage moderne. Les participants ont pris connaissance des conséquences sanitaires de l’exposition aux produits chimiques agricoles utilisés par la compagnie sucrière et les défis considérables auxquels sont confrontés les agriculteurs pour nourrir leurs familles et envoyer leurs enfants à l’école.

Les participants se sont ensuite rendus à Paanama, dans la région de l’Est du Sri Lanka, où ils ont rencontré les résidents des communautés côtières de Raagamwela, Shastrawela, Ulpassa et Egodayaya, Horewkanda. Les populations affectées luttent pour conserver les terres sur lesquelles ils vivent et travaillent depuis des générations, confrontés aux actions menées par la marine nationale et les forces armées du Sri Lanka pour clôturer ces terres et y développer des hébergements touristiques de luxe.

Suite à ces visites de terrain, les participants sont retournés à Negombo. Une fois là-bas, ils ont réfléchi à des stratégies potentielles, en tant que mouvement mondial de pêcheurs, pour affronter les forces perpétuant la saisie des terres côtières et des terres aux abords des lacs et des fleuves appartenant aux pêcheurs à petite échelle, et pour affronter les graves défis en matière de droits humains que ce processus représente.

Le dernier jour du programme, le Réseau-DESC a coordonné une formation sur la sécurité et la protection des leaders des communautés de pêcheurs de base confrontés aux efforts fréquemment menés pour utiliser la loi afin de criminaliser les activités de défense des droits humains et des leaders mobilisant les communautés pour défendre leurs droits face à l’appropriation des terres et des océans.