Se souvenir de ceux qui n’ont pas pu venir

Le silence s'est fait entendre. 

Alors que 150 personnes ont pris place, prêtes à inaugurer la réunion de stratégie globale du Réseau-DESC, plusieurs chaises étaient vides dans l'assemblée; elles étaient réservées à ceux qui n'avaient pas pu arriver à temps pour l'événement à Buenos Aires, en Argentine.

Gustavo Castro

Crédit photo: Nicolás Schujman

 

Dans une vidéo projetée lors de la cérémonie d'ouverture, Gustavo Castro, absent, a souhaité bonne chance aux membres pour la réunion à venir. Fondateur de Otros Mundos, à Chiapas, une organisation mexicaine soutenant la résistance populaire contre les projets miniers, les barrages, les projets de monoculture et les organismes génétiquement modifiés (OGM) encouragés par l'industrie agro-alimentaire et contre d'autres activités ayant un impact sur les droits des communautés affectées, Castro a fait l’objet d'une série d'actions urgentes entreprises par le Réseau-DESC. Ces actions ont été menées suite à l'assassinat de son amie, la défenseuse des droits humains Berta Caceres, en mars 2016, et d'une tentative de meurtre à son égard, de la restriction de sa liberté de mouvement et des menaces continues contre sa sécurité. Mentionnant le soutien reçu par le biais du système de solidarité du Réseau-DESC, Castro a souligné que les actions d'urgence du Réseau-DESC sont impressionnantes et que le soutien qu'il apporte permet de donner confiance aux défenseurs des droits humains traversant des moments difficiles. Étant donné les menaces continues à son égard en lien avec le meurtre de Berta, Castro a été contraint à déménager temporairement avec sa famille, jusqu'à ce que la situation dans son pays, en termes de sécurité, s'améliore.

Castro n'est pas seul.

Au cours de l'année écoulée, le Réseau-DESC a vu de nombreux membres être confrontés à de sérieuses menaces et attaques en lien avec leur travail mené pour faire progresser et pour promouvoir les droits humains. Le membre du conseil du Réseau-DESC,  Saeed Baloch a été détenu arbitrairement au Pakistan en janvier, alors qu'au même moment des militants des droits humains des Philippines et du Guatemala étaient eux aussi traités en criminels et se retrouvaient emprisonnés pour des délits fabriqués de toute pièce.

Saeed Baloch 

Le groupe de travail sur le mouvement social (GTMS), lors de sa réunion préliminaire ayant eu lieu avant le début de la réunion de stratégie globale le lundi 14 novembre, a regretté l'absence de Cesar Yovany Bernardez Herrera de l'Organización Fraternal Negra de Honduras (OFRANEH) qui a été arrêté et battu -avec quatre autres membres d'OFRANEH—alors qu'ils tentaient d’embarquer sur un vol pour Buenos Aires. Le jeune leader venait à la réunion de stratégie globale pour représenter le mouvement autochtone Garifuna du Honduras travaillant à la défense des ressources et territoires ancestraux face à l'expansion des entreprises à but lucratif s'imposant sans consentement.

L’absence d’Alfred Brownell s’est aussi fait sentir lors de la réunion. Brownell est le fondateur de l'organisation environnementale d'intérêt public la plus importante du Libéria. Suite à plusieurs années de menaces croissantes en représailles de son travail de plaidoyer des droits humains, il a reçu, avec d'autres membres de son équipe à Green Advocates après lui, un mandat d'arrêt fin novembre. Faisant l'objet de plusieurs pétitions et d' appels urgents, ces mandats, établis de manière arbitraire et irrégulière, ont obligé Brownell, sa famille et les membres de son équipe à se cacher, et restent cachés encore à l’heure actuelle.

Alfred Brownell 

Eang Vuthy d'Equitable Cambodia n'a lui non plus pas pu se rendre à la réunion de stratégie globale, à cause d'efforts récents fournis pour criminaliser des membres de son équipe, et ce en lien évident avec leur travail de défense et de promotion des droits humains des communautés affectées par des concessions de sucre de canne dans trois provinces du Cambodge.

Suite à une recrudescence des attaques à l’encontre des défenseurs des droits humains et des leaders de base travaillant à la promotion et à la défense des droits économiques, sociaux et culturels, les membres du groupe de travail du Réseau-DESC sur le mouvement social se sont rassemblés en avril 2016, pour réfléchir aux tendances récentes et pour stratégiser sur la meilleure façon d’avancer dans leur action collective. Tout en évaluant les multiples types d’attaques et de menaces à l’égard des membres, le GTMS a noté que les agressions en hausse au profit des intérêts économiques mondiaux, soutenu par des acteurs politiques puissants, a abouti à des incidents en hausse, plus graves et, dans de nombreux cas, plus persistants à l’égard des leaders du mouvement international de protection des droits humains. Ce point de vue a été davantage développé dans la Charte commune pour la lutte collective, un document qui a été confirmé par les membres du Réseau-DESC au cours de la réunion de stratégie globale pour guider le travail collectif au vu des conditions mondiales et des défis communs qui caractérisent le monde actuel dans lequel les défenseurs des DESC travaillent. 

Au cours de l’an passé, les membres du Réseau-DESC ont observé que plusieurs de leurs gouvernements sont de plus en plus sous l’emprise des entreprises et autres intérêts privés, ce qui l’emporte le plus souvent sur les obligations de ces mêmes gouvernements à protéger les défenseurs des droits humains. En effet, c’est souvent pour s’opposer à ces intérêts privés puissants -qui se manifestent par de grands projets de barrage, la monoculture, le tourisme de luxe et d’autres mégaprojets - que beaucoup de membres du Réseau-DESC sont amenés à se mobiliser et à intervenir, ce qui aboutit à des menaces à leur égard.

En reconnaissance des menaces sérieuses contre la sécurité auxquelles sont confrontés de nombreux défenseurs des droits humains travaillant à la progression de la justice sociale par le biais des droits humains, les membres du Réseau-DESC s’engagent à renforcer la sécurité et la protection des défenseurs des droits humains affiliés au Réseau.

Sistema de Solidaridad 

Suite à la réunion de stratégie globale, 35 membres sont restés pour une formation facultative sur la sécurité et une session d’information sur le Système de solidarité (SOS) du Réseau-DESC, qui ont été animées en collaboration avec les membres du groupe consultatif du SOS et au cours desquelles ils ont partagé des observations sur leurs routines quotidiennes, les risques en termes de sécurité et ce qui les rend vulnérables dans leurs vie et travail. Ils ont aussi partagé des considérations générales concernant la sécurité et le bien-être des défenseurs des droits humains travaillant en première ligne.