Un expert des Nations Unies rend public son rapport concernant les mesures d’austérité et les droits humains

Date de publication : 
Jeudi, 22 mars 2018

Lors de la récente session du Conseil des droits de l'homme (37ème session, mars 2018), après avoir consulté des organisations de la société civile et diverses parties prenantes, Juan Pablo Bohoslavsky — Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières des États sur les droits de l’homme — a rendu public un rapport sur l’élaboration de principes directeurs pour l’étude de l’impact des réformes économiques sur les droits humains.  

Examinant les effets préjudiciables des récentes réformes économiques, ce rapport s’intéresse de plus près aux « mesures d’austérité » en vogue dans le monde, de leur impact sur nos droits humains, et de l'utilisation qui peut être faire du cadre des droits humains pour évaluer quelles seraient les personnes touchées par les réformes économiques, quels en seraient les effets sur l’exercice des droits et si d’autres mesures pouvaient être appliquées.   

Les mesures d'austérité désignent les compressions budgétaires passant par une hausse des impôts, une réduction des programmes publics d’aide sociale ou les deux.  Les États mentionnent souvent les crises de la dette extérieure pour justifier la réduction de leurs budgets.   Il arrive souvent que les programmes gouvernementaux visant à faire prévaloir le droit de la population à la santé, au travail, au logement et à la sécurité sociale soient sacrifiés pour équilibrer ces budgets publics.  

Des membres du Réseau DESC — Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD), Center for Economic and Social Rights (CESR), Center for Women's Global Leadership (CWGL) at Rutgers University, et Plataforma Dhesca Brasil  — faisaient partie des groupes de la société civile qui ont présenté des observations concernant les normes applicables, des outils et des exemples qui pourraient être utiles à l'élaboration des principes directeurs.  

Ce rapport constitue une première étape dans la réalisation du mandat général des Nations Unies (rés. 34/3 du Conseil des droits de l'homme) consistant à se renseigner sur les effets préjudiciables actuels et permanents des mesures d’austérité et à élaborer des principes directeurs pour l'évaluation par les États de leurs réformes économiques du point de vue des droits humains.  Les prochaines étapes consistent à poursuivre la réflexion avec la participation d’une communauté élargie.

 

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Contexte
Si les graves atteintes aux droits humains causées par la crise financière récente ont fait l’objet de nombreuses études, les mesures adoptées pour faire face à la crise ont montré que les droits humains étaient structurellement et profondément négligés dans l’élaboration des politiques économiques, que les plus vulnérables n’étaient pas suffisamment protégés et que la participation, la consultation, la transparence et la responsabilisation ne bénéficiaient pas de toute l’attention voulue.

De ce constat de négligence, qui se fait de plus en plus évidente, est née la volonté d'élaborer ces principes directeurs — ainsi que des outils méthodologiques et d'analyse — afin de remédier aux impacts des mesures d’austérité.

 

Contenu
Le rapport commence par une présentation détaillée des actions menées pour atténuer les incidences sociales négatives jusqu’à la crise financière de 2007-2008 et de l’évolution des mesures d’ajustement structurel prises pour faire face aux crises financières. Suit une explication de l’incidence que peuvent avoir les programmes d’ajustement structurel sur les droits humains et une présentation d'arguments juridiques et économiques permettant de faire en sorte que les politiques des États s’ajustent au cadre des droits humains.

En conséquence, le rapport fait valoir que les études d’impact fondées sur les droits humains devraient :  

  • renforcer la transparence et la responsabilité publique au niveau de la prise de décisions concernant les politiques économiques, rendant plus visible l’impact potentiel des politiques ;
  • fournir un cadre de référence permettant aux décideurs de déterminer les mesures à prendre, par exemple en évitant les compressions budgétaires radicales qui portent préjudice aux groupes vulnérables ;
  • contribuer à recenser des mesures de prévention, d’atténuation et de réparation qui doivent être intégrées dans les politiques économiques. 

Le rapport fait état des principales difficultés liées à l’élaboration de principes directeurs pour l’évaluation des impacts sur les droits humains, notamment du besoin de données fiables et ventilées pouvant servir de base à d‘autres analyses.

Plus particulièrement, le renforcement des activités statistiques nationales dans le but de surveiller la réalisation des objectifs de développement durable est mentionné comme moyen de faciliter le suivi des progrès accomplis dans la réalisation de certains droits humains, quoique d’autres indicateurs portant sur certains droits puissent être aussi nécessaires.

Il se termine par des recommandations préliminaires pour orienter les débats ultérieurs sur le contenu et la présentation de ces principes directeurs, notamment leur fondement, leur portée, leur contenu, les questions de calendrier, et offre des pistes de réflexion sur la façon de procéder.

Prochaines étapes
Août 2018 : L’expert indépendant fera circuler le projet de principes directeur et sollicitera des commentaires par écrit de l’ensemble des parties prenantes — notamment, des institutions financières internationales, des organismes nationaux de défense des droits humains, des organisations de la société civile et autres parties concernées.  

Fin 2018 : Une deuxième réunion d'experts sera tenue et le projet de texte révisé en fonction des commentaires sera diffusé.  Une consultation publique auprès des États et d'autres parties prenantes devraient aussi être tenue.  

Février 2019 : L’expert indépendant prévoit présenter le texte final des principes directeurs au Conseil des droits de l'homme pour qu'il l’examine lors de sa 40ème session.

 

Accès à la version intégrale du rapport de l’Expert indépendant.