Lettre collective au Président de la Colombie - Stop à la violence contre les défenseur/euse-s des droits humains

Date de publication : 
Mercredi, 11 août 2021

 En un peu plus d'un an, le Réseau-DESC a envoyé une deuxième lettre collective au Président de la Colombie, Iván Duque Márquez, concernant de nouvelles menaces qui proviendraient du groupe paramilitaire Águilas Negras contre le Comité Ambiental en Defensa de la Vida et d'autres défenseur/euse-s des droits humains et dirigeant-e-s politiques à Tolima (Colombie).

Le 20 juillet 2021, plusieurs dirigeants sociaux et politiques ont reçu un message WhatsApp menaçant qui émanerait du groupe paramilitaire Águilas Negras. Le message déclarait que plusieurs dirigeant-e-s politiques, sociaux, environnementaux, autochtones et défenseur/euse-s des droits humains étaient des cibles militaires, les décrivant comme des "racailles" (escoria) qui cherchent à "déstabiliser" le pays.

Dans la première lettre envoyée en mai 2019, le Réseau dénonçait déjà le groupe paramilitaire pour avoir prétendument envoyé un courriel de menaces à plusieurs membres d'organisations environnementales de Cajamarca, les accusant de tirer profit de leur travail en faveur des droits humains et d'être liés à la guérilla. La menace semblait être liée à la résistance des organisations aux projets miniers dans la région. En mars 2017, les organisations ont soutenu des consultations publiques, au cours desquelles les communautés de Cajamarca ont rejeté les activités minières sur leur territoire.

Le Réseau-DESC réitère sa préoccupation et alerte sur le fait que Águilas Negras a été inclus dans la liste des "nouveaux groupes paramilitaires" dans un rapport de 2010 du Rapporteur spécial des Nations Unies (ONU) sur les exécutions extrajudiciaires.

Le Réseau place ces menaces répétées dans le contexte historique et actuel des violations brutales commises par les groupes paramilitaires en Colombie, aggravées après la grève nationale (Paro Nacional) du 28 avril, au cours de laquelle divers secteurs de la société colombienne ont exercé leur droit de protester en raison de l'augmentation proposée des taxes sur les produits de première nécessité, le carburant et les services publics. Cette protestation a été suivie de vastes manifestations qui ont été sévèrement réprimées par le gouvernement d'Iván Duque. Dans la lignée des déclarations de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), le Réseau-DESC a condamné la répression dans une déclaration collective.

Le Réseau-DESC pointe du doigt la responsabilité du gouvernement colombien dans l'escalade de la violence contre les défenseur/euse-s des droits humains: "Le manque de respect de l'État pour les droits humains des manifestants a donné confiance aux groupes d'extrême droite en Colombie, tels que les Águilas Negras", indique la lettre.

Selon un rapport récent du HCDH, entre mars et juin 2021, celui-ci a reçu des informations sur les meurtres de 49 défenseur/euse-s des droits humains en Colombie (5 documentés et 44 en cours de vérification). Au total, 71 meurtres ont été signalés en 2021 (7 documentés et 64 en cours de vérification).

Le Réseau note l'importance de lier les menaces à "un effort illégal de réduire au silence et entraver la défense légitime des droits humains par les défenseur/euse-s des droits humains".

Dans une lettre ouverte adressée à la communauté nationale et internationale et signée, entre autres, par le Comité Ambiental en Defensa de la Vida, l'escalade de l'insécurité à Tolima est décrite comme un "affront à la participation politique, au droit d'opposition, à la liberté d'expression, à la protestation sociale et au rassemblement pacifique, ainsi qu'aux mécanismes de participation qui ont réussi à faire entendre la voix du peuple, comme les consultations populaires, qui ont réussi à confronter et à remettre en question le modèle extractiviste qui représente, pour l’élite, le développement".

Entre autres actions urgentes, la lettre demande aux autorités colombiennes d'enquêter sur les menaces, de trouver et de sanctionner les responsables et d'assurer la sécurité des membres du Comité Ambiental en Defensa de la Vida et des autres organisations, ainsi que des défenseur/euse-s des droits humains et des dirigeant-e-s politiques; de prendre les mesures nécessaires et appropriées pour démanteler les groupes paramilitaires à Tolima et dans le pays; et de ratifier l'Accord régional sur l'accès à l'information, la participation du public et la justice en matière d'environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes (Accord d'Escazú).