La COP 27 progresse sur les pertes et dommages mais échoue sur les combustibles fossiles

Date de publication : 
Lundi, 21 novembre 2022

Rien que cette année, nous avons assisté à des événements météorologiques extrêmes et à des processus à évolution lente entraînant des pertes et des dommages catastrophiques (impacts du changement climatique qui ne peuvent être évités par des activités d'adaptation et d'atténuation), entraînant de graves atteintes aux droits humains dans le monde entier, affectant des millions de personnes, pour lesquels la responsabilité historique et actuelle incombe aux pays riches et hautement industrialisés et aux puissantes entreprises. Les pertes et dommages sont une crise des droits humains (plus d'informations sur notre analyse ici), et les États, en particulier les nations riches et hautement industrialisées, ont des obligations légales claires pour traiter de manière urgente et significative les pertes et dommages, à la fois en termes de symptômes et de causes profondes. De nombreux membres du Réseau-DESC sont confrontés aux impacts climatiques sur la ligne de front et résistent avec force aux facteurs structurels qui en découlent. Les pertes et dommages ont donc été considérés comme une priorité collective du Réseau-DESC au cours des trois dernières années.

Avant et pendant la COP 27, la conférence annuelle des Nations Unies sur le changement climatique, les membres du Réseau-DESC se sont joints à d'autres alliances pour lancer un puissant appel à l'action, exhortant les États à agir à grande échelle en matière de pertes et de dommages.

LIRE : Demandes conjointes pour des résultats à la COP27 ICI et une version résumée ici.

Que s'est-il passé à la COP 27 sur les pertes et dommages ?

Lors de la COP 27, qui s'est tenue cette année du 6 au 18 novembre à Sharm el-Sheikh, plus de 30 membres du Réseau-DESC - dont des leaders autochtones, féministes et de mouvements sociaux - étaient présent.e.s pour plaider en faveur des droits humains au cœur des négociations sur le climat et d'une action significative sur les pertes et dommages, s'engageant aux côtés d'autres alliés de la société civile et des mouvements dans un plaidoyer et une action intenses pour peser sur les résultats des négociations, soulevant des demandes transrégionales et mettant en avant une analyse systémique des causes profondes du changement climatique et des inégalités mondiales qu'il intensifie.

Dans une décision historique, après 30 ans de retard et d'inaction, les Parties à la COP 27 ont établi un fonds pour les pertes et dommages, un premier pas vers la réparation et la responsabilité pour les dommages aux droits humains causés à des millions de personnes confrontées aux impacts climatiques en première ligne. 

Selon le texte de la décision en question :

« La Conférence des Parties ...

Reconnait la nécessité urgente et immédiate de disposer de ressources financières nouvelles, supplémentaires, prévisibles et adéquates pour aider les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques à faire face aux pertes et dommages économiques et non économiques liés aux effets néfastes des changements climatiques, notamment les phénomènes météorologiques extrêmes et les phénomènes à évolution lente, notamment dans le cadre des actions en cours et a posteriori (la réhabilitation, le redressement et la reconstruction) ;

Décide de mettre en place de nouveaux mécanismes de financement pour aider les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique, à faire face aux pertes et aux dommages, notamment en mettant l'accent sur la lutte contre les pertes et les dommages en fournissant et en aidant à mobiliser des ressources nouvelles et supplémentaires, et que ces nouveaux mécanismes complètent et incluent des sources, des fonds, des processus et des initiatives dans le cadre et en dehors de la Convention et de l'Accord de Paris ;

Décide également, dans le cadre de la mise en place des nouveaux dispositifs de financement mentionnés... ci-dessus, de créer un fonds de réponse aux pertes et dommages dont le mandat comprend un volet consacré à la prise en charge des pertes et dommages. »

Le fait que nous disposions d'un fonds témoigne de l'immense pouvoir collectif de l'unité des mouvements sociaux et des dirigeant.e.s autochtones, des militant.e.s de la société civile et du G77 plus la Chine, qui s'appuient sur des efforts inlassables déployés depuis des décennies, en faisant face à des initiatives incessantes de la part de pays comme les États-Unis et certains pays de l'UE visant d’emblée à bloquer le fonds.

Il reste encore beaucoup à faire en termes d'opérationnalisation et de mise en œuvre du fonds pour les pertes et dommages afin de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une coquille vide, mais d'un fonds adapté à son objectif, doté de ressources suffisantes et conforme aux droits humains, à la justice climatique et aux besoins des communautés et des peuples autochtones. En outre, bien que nous nous félicitions de la mise en place d'un mécanisme de financement, nous reconnaissons qu'aucune somme d'argent ne peut dédommager les communautés qui ont subi des pertes irréparables de leurs territoires, cultures et traditions.

Lors de la COP 27, nous avons également assisté à l'opérationnalisation de l’instrument de mise en œuvre du Mécanisme international de Varsovie pour les pertes et les dommages (MIV), à savoir le Réseau de Santiago, un élément important pour s'assurer que le MIV remplit sa troisième fonction : renforcer l'action et le soutien en catalysant l'assistance technique. Un texte a été adopté affirmant que l'assistance technique fournie par le Réseau de Santiago pour les pertes doit être conforme au texte du préambule de l'Accord de Paris sur les droits humains, incluant également d'autres termes et considérations alignés sur les droits humains, tels que la représentation des femmes et du genre, des organisations de peuples autochtones et des organisations non gouvernementales d'enfants et de jeunes au sein du Conseil consultatif du Réseau de Santiago, et l'établissement de rapports sur le genre, notamment par l'utilisation de données ventilées par sexe. Le texte est loin d'être parfait mais il crée une base pour les approches basées sur les droits humains. Nous savons qu'une action climatique basée sur les droits humains conduit à des résultats plus effectifs –  ce qui sera important maintenant, c'est de surveiller comment tout cela se passe dans la pratique, en renforçant les obligations existantes des États en matière de droits humains.

En conclusion

Cette COP a été difficile à organiser dans un contexte de répression intense de la société civile, alors qu'il devrait être évident qu'il ne peut y avoir d'action climatique juste et durable sans un espace civique ouvert et une protection efficace des défenseur.e.s au sein de la CCNUCC et bien au-delà. Comme les organisateurs et les militant.e.s l'ont clamé haut et fort : aucune justice climatique n'est possible sans les droits humains. La conférence a également été marquée par un conflit d'intérêts scandaleux et par une emprise manifeste des entreprises, avec la participation d'un nombre record de lobbyistes du secteur des combustibles fossiles, qui ont fait passer leurs intérêts étroits et destructeurs de la planète avant les besoins des personnes les plus affectées par la crise climatique (une crise provoquée par l'industrie des combustibles fossiles), et qui ont influencé les résultats de la conférence. Nous insistons pour que les grands pollueurs soient expulsés de la CCNUCC. Il s'agit d'un point de départ essentiel pour résister à l’emprise des entreprises sur l'élaboration des politiques climatiques, l'un des principaux obstacles à la mise en œuvre de véritables solutions.

En termes de résultats clés pertinents pour notre travail collectif, la COP 27 a été le premier processus de négociation environnementale à inclure une référence explicite au droit humain à un environnement propre, sain et durable. Cela a été rendu possible grâce à un plaidoyer soutenu de la société civile et, nous l'espérons, contribuera à renforcer la gouvernance environnementale dans son ensemble. Nous prenons un moment pour célébrer les progrès réalisés en matière de pertes et de dommages, tout en reconnaissant que le véritable combat reste à mener pour traduire les étapes initiales en résultats significatifs pour les personnes les plus touchées par les impacts climatiques. Nous dénonçons également avec force l'échec lamentable des Parties à réaliser des progrès collectifs significatifs sur l'élimination de tous les combustibles fossiles. Les pertes et dommages ne peuvent être traités de manière adéquate sans s'attaquer aux causes profondes de la crise climatique. La poursuite de la dépendance aux combustibles fossiles ne fera qu'aggraver les impacts, entraînant des dommages continus et dévastateurs pour les droits humains. Nous continuerons à résister à la production et à l'expansion des combustibles fossiles et à lutter pour une élimination progressive juste et équitable de tous les combustibles fossiles. De manière générale, les membres du Réseau-DESC poursuivront la lutte collective pour placer les droits humains et la justice climatique au cœur de toute action climatique.


Réactions des membres:

Patricia Wattimena, Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD), Thaïlande
« L'incapacité de la COP27 à aborder l'élimination immédiate, juste et équitable des combustibles fossiles est extrêmement dangereuse. Cette industrie monstrueuse détruit la planète à grande échelle, menace les communautés et est à l'origine des meurtres de défenseur.e.s de l'environnement et des droits humains des femmes. Nous ne pouvons pas maintenir l’objectif du 1,5 degré, ni remédier aux pertes et aux dommages, tout en permettant aux combustibles fossiles de continuer à brûler. Les vraies solutions climatiques et l'industrie des combustibles fossiles ne peuvent pas vivre sous le même ciel. »

Laura Duarte Reyes, European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
« La décision, attendue depuis longtemps, de créer un fonds pour les pertes et les dommages est une victoire pour les pays et les communautés en première ligne de la crise climatique. Le défi consiste maintenant à s'assurer qu'il est mis en œuvre conformément aux droits humains et qu'il répond aux besoins des personnes les plus touchées par le changement climatique. Pour progresser véritablement vers la justice climatique, les principaux pays émetteurs doivent respecter leurs engagements juridiques internationaux et éliminer progressivement tous les combustibles fossiles. Si ces engagements ne sont pas respectés, les tribunaux interviendront de plus en plus pour demander des comptes aux États et aux entreprises. »

Martha Devia, Comité Ambiental en Defensa de la Vida, Colombie

 « Il est tout à fait clair que les catastrophes naturelles, causées par de multiples raisons telles que la cupidité débridée de ce système économique mondial et les émissions exorbitantes de gaz à effet de serre, provoquent non seulement une augmentation accélérée du réchauffement climatique, mais aussi des pertes et des dommages irréparables aux écosystèmes, réduisant considérablement la richesse de la flore et de la faune et affectant profondément la vie des êtres humains. Il n'y a pas assez d'argent pour atténuer ces problèmes et il n'y a pas de réparation ou de justice pour la perte des visions du monde et des pratiques ancestrales des communautés autochtones et paysannes. La seule issue est d'arrêter la machine et d'évoluer vers d'autres formes de vie plus équilibrées et en harmonie avec notre environnement naturel. »

Daniel Kobei, Ogiek Peoples’ Development Program, Kenya

« A mon avis, c'était la première fois qu'un grand nombre de peuples autochtones et leurs organisations participaient à la COP, et il y a donc eu beaucoup de discussions, notamment sur les pertes et dommages, et ce que cela signifie pour nous, les peuples autochtones. Nous apprécions le fait que les parties se soient mises d'accord sur la création d'un fonds pour les pertes et dommages, mais comme il s'agit toujours de fonds importants, les peuples autochtones et les communautés locales, qui sont ceux qui ressentent le plus les impacts climatiques, risquent d'être moins bien lotis. Nous avons la sécheresse, à laquelle sont confrontés les éleveurs au Kenya, les inondations, les glissements de terrain.  L'érosion de la culture, de la langue et le déni de la spiritualité ne sont pas toutes tangibles ; c'est pourquoi la compensation dans de tels contextes est également intangible. L'implication des peuples autochtones et de leurs organisations dans les cas de pertes et de dommages est essentielle car leurs problèmes sont davantage uniques. Il est fondamentalement important que les peuples autochtones soient impliqués dans le fonds pour les pertes et dommages dès le départ et pas seulement à l'avenir ».

Ahmed Elseidi, Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR), Égypte

« Le fait que les Parties n'adoptent pas un discours incluant l'élimination progressive des combustibles fossiles et un discours incluant le respect des droits humains vide de son contenu tout progrès réalisé dans la mise en place du fonds pour les pertes et dommages, car cela aura pour conséquence d'augmenter la gravité de l’impact du changement climatique d'une part, et d'autre part, le fait d'ignorer les droits humains dans l'action climatique augmentera les violations des droits humains réduisant les capacités des peuples à faire face aux impacts climatiques, et cela augmente à son tour les dommages résultant du changement climatique, ainsi que les montants nécessaires pour le fonds pour pertes et dommages ; ce qui confirme la marche dans un cercle vicieux. »

Radiatu H.S. Kahnplaye, Natural Resource Women Platform, Libéria

« S'il a fallu 30 ans de négociations sur le climat pour que les pays développés acceptent de fournir des fonds pour aider à sauver et à reconstruire les pays les plus pauvres frappés par des catastrophes liées au climat, connues sous le nom de "pertes et dommages", j'espère qu'il ne faudra pas encore de nombreuses années pour traduire cet accord en actions concrètes visant à faire passer les droits humains avant les profits des entreprises et à garantir un partage égal et équitable pour tous, en particulier pour les femmes qui subissent les pires conséquences des crises climatiques. Que l’Accord de Paris permette ou non la responsabilité pour les pertes et les dommages, il est clair qu'il y a tellement de questions de responsabilités lorsqu'il s'agit de pertes et de dommages. Nous continuerons à examiner en profondeur ces questions de responsabilité comme base pour garantir une véritable justice climatique. »

Christine Kandie, Endorois Indigenous Women Empowerment Network (EIWEN), Kenya
« C'était ma première participation à la COP et je suis heureuse d'avoir participé à cette opportunité exceptionnelle pour moi et ma communauté. Avec d'autres membres du Réseau-DESC, nous avons fait campagne pour les pertes et dommages en contribuant aux efforts de la société civile et des mouvements pour obtenir un fonds pour les pertes et dommages. Je suis fière d'avoir participé à un événement parallèle sur le handicap et le changement climatique, qui a permis de recueillir des témoignages de personnes en situation de handicap qui sont le plus souvent ignorées dans les discussions sur le changement climatique, alors qu'elles sont les plus touchées par les impacts climatiques. La justice pour les personnes en situation de handicap doit être au cœur de l'action climatique. Nous, à EIWEN, continuerons notre bon travail pour faire avancer la justice climatique et les droits humains. »

Kavita Naidu, Avocat spécialisé dans les droits humains internationaux

« Le mérite de l'obtention d'un accord sur la création d'un fonds pour les pertes et dommages revient au lobbying infatigable des militant.e.s dans les salles stériles des COP depuis des décennies. Mais un accord est bien loin de ceux qui risquent déjà de perdre leur vie et de subir des dommages permanents et irréversibles, comme on le constate de plus en plus dans le Sud. Les dirigeants des pays développés concèdent à contrecœur parce que la pression monte pour agir. La question est de savoir quand ces accords se traduiront par une mise en œuvre honnête, comme l'élimination progressive des combustibles fossiles ? La protection des droits humains ? Le paiement de parts équitables ? Les accords ne signifient rien pour les personnes qui perdent tout. »

Francisco Rocael, Consejo de Pueblos Wuxhtaj, Guatemala

« Sans aucun doute, les accords de la COP 27, notamment le fonds pour les pertes et dommages, ne sont pas suffisants pour atteindre la justice climatique, mais ils représentent une avancée significative sur laquelle il faudra insister et dont il faudra surveiller la conformité et la mise en œuvre, surtout pour garantir que les financements parviennent à ceux qui sont en première ligne, selon des procédures démocratiques et sans conditions, et que la voix des femmes et des peuples autochtones soit prise en compte. Nous tenons à préciser que la justice climatique et la réduction du réchauffement de la planète ne seront possibles qu'avec un changement de paradigme et de modèle de vie, où la distribution prime sur l'accumulation des richesses, où les droits humains sont plus importants que l'investissement, où l'austérité passe avant la consommation illimitée, où les droits collectifs des peuples autochtones et les droits de la terre mère sont respectés. »

Hala Murad, Dibeen Association for Environmental Development, Jordanie

« Lors de la Conférence des Parties sur le changement climatique COP 27, des étapes importantes ont été franchies dans certains domaines de négociation, tandis que nous avons assisté à de sérieux reculs dans d'autres domaines. Cela était attendu étant donné la réalité des conditions géopolitiques auxquelles le monde est confronté.  La COP27 ne peut être qualifiée de conférence de mise en œuvre comme cela avait été annoncé, car pour parvenir à cette mise en œuvre, nous ne devons pas nous contenter de traiter les impacts du changement climatique, mais réduire les émissions par tous les moyens possibles afin de rester en deçà du seuil de 1,5 degré Celsius. En fait, cette conférence peut être appréhendée sous le titre général de conférence de la compensation pour les pertes et les dommages, mais tous les décideurs doivent reconnaître que le financement seul ne sera pas la solution parce que la perte est plus grande que n'importe quel type de compensation, en particulier la perte de la vie humaine, qui est désormais fortement menacée dans de nombreuses régions du monde en raison des multiples manifestations du changement climatique.»

Sabine Pabst, FIAN International

« Le travail de plaidoyer dévoué effectué, et en particulier les expressions vocales des personnes les plus touchées, pour qu'enfin cette importante avancée sur les pertes et dommages à la COP 27 puisse être réalisée, est en effet louable. Nous demandons instamment aux États de prendre au sérieux les pertes et dommages et de mettre un terme à l'utilisation des combustibles fossiles ainsi qu'à l'agro-industrie et de s'engager sérieusement dans la transition nécessaire, notamment la transformation des systèmes alimentaires. Les pratiques de production et de gestion des peuples autochtones, des paysans, des pêcheurs, des pasteurs, des travailleurs agricoles et des autres communautés locales, en particulier l'agroécologie, doivent être encouragées et défendues conformément aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan.e.s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), contre le système alimentaire industriel dominant, principal moteur de l'urgence climatique et de l'éco-destruction. Il sera important de continuer et de renforcer la documentation et l'analyse des cas de pertes et de dommages du point de vue des droits humains, ainsi que le suivi des lois et des politiques, afin d'aborder et de dévoiler les récits sur le climat dominés par les entreprises et les fausses solutions, de tenir les autorités en charge pour responsables et de demander réparation. »


Voir aussi:

REGARDEZNotre événement parallèle à la COP27 - Pertes et dommages, droits humains et responsabilité des États et des entreprises : Notre combat pour la justice climatique (disponible uniquement dans la langue de la prise de parole)

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