Déclaration commune : Solidarité avec les défenseurs des droits humains philippins

Date de publication : 
Lundi, 5 décembre 2022

Nous, les organisations soussignées, exprimons notre plus grande préoccupation concernant la criminalisation en cours de dix défenseurs et défenseuses des droits humains et membres de Karapatan, GABRIELA et du Rural Missionaries of the Philippines (RMP) en représailles de leur travail légitime en faveur des droits humains.

Elisa Tita Lubi, présidente de Karapatan, Cristina Palabay, secrétaire générale de Karapatan, Roneo Clamor, secrétaire général adjoint de Karapatan, Gabriela Krista Dalena, trésorière de Karapatan, Edita Burgos, Wilfredo Ruazol et Jose Mari Callueng, membres du Conseil national de Karapatan, Gertrudes Ranjo Libang, présidente de Gabriela, Joan May Salvador, secrétaire générale de Gabriela, et Sr. Elenita Belardo, membre du RMP, sont jugés par la branche 37 du tribunal métropolitain de Quezon City pour des accusations malveillantes et forgées de toutes pièces de "parjure" en représailles à leurs actions visant à obtenir une protection juridique pour les défenseur/euse-s des droits humains. Le verdict sera rendu dans la semaine du 2 janvier 2023. Si ils ou elles sont reconnues coupables, ils/elles risquent jusqu'à quatre mois ou plus de deux ans d'emprisonnement.

Le 6 mai 2019, en raison de l'augmentation alarmante de la violence à l'encontre des défenseur/euse-s des droits humains aux Philippines, les défenseurs et défenseuses des droits humains susmentionnés de Karapatan, Gabriela et du RMP ont déposé une pétition pour le writ of amparo (ordonnance de protection) et habeas data (accès à l'information) devant la Cour suprême, afin d'obtenir une protection contre les menaces, les attaques et le harcèlement de la part des représentants du gouvernement. Cependant, la cour d'appel des Philippines a rejeté leur requête en juin 2019.

Après le rejet de la pétition, les autorités ont répondu par des mesures de représailles contre les 10 défenseur/euse-s des droits humains. Le 2 juillet 2019, le général Hermogenes Esperon, alors conseiller à la sécurité nationale, qui était nommé dans la pétition, a déposé une plainte alléguant que les 10 défenseurs et défenseuses avaient commis un "parjure" en déclarant que le RMP était une organisation non gouvernementale enregistrée auprès de la Securities and Exchange Commission dans la pétition qu'ils/elles avaient déposée devant la Cour suprême. Alors que la plainte pour parjure avait été initialement rejetée pour "absence de cause probable et/ou insuffisance de preuves", en février 2020, le procureur de Quezon City a soutenu une motion de réexamen déposée par le conseiller à la sécurité nationale et a trouvé une cause probable pour accuser les 10 défenseurs et défenseuses des droits humains de "parjure". Les accusations portées contre les 10 défenseur/euse-s des droits humains ont été largement condamnées par des organisations de la société civile régionales et internationales, ainsi que par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains.

Depuis que les accusations de "parjure" ont été déposées, le ministère de la justice a inculpé au moins 16 personnes, dont des religieuses, liées aux Missionnaires ruraux des Philippines pour financement du terrorisme en vertu de la section 8(ii) de la loi de la République 10168 ou loi sur le financement du terrorisme.

Aux Philippines, les défenseurs et défenseuses des droits humains continuent d'être victimes d'attaques, d'assassinats, de harcèlement judiciaire, de détentions arbitraires et de campagnes de stigmatisation de la part d'agents de l'État, de mandataires, de partisan-e-s et de facilitateur/rice-s. Depuis juin 2016, date de l'arrivée au pouvoir du président Duterte, le climat d'impunité pour les attaques contre les défenseur/euse-s des droits humains s'est aggravé. Les meurtres de défenseur/euse-s ont rarement fait l'objet d'une enquête, ce qui accroît la vulnérabilité de ceux et celles qui restent actifs ou actives, tout en sapant la confiance de la communauté des droits humains dans le système judiciaire. En outre, la loi antiterroriste, qui a été adoptée en juillet 2020, a encore aggravé la situation précaire des défenseur/euse-s des droits humains en officialisant juridiquement la pratique de l'"étiquetage rouge" des défenseur/euse-s avec des définitions trop larges et vagues du terrorisme. La gravité de la situation des droits humains aux Philippines, y compris l'assaut continu contre les défenseur/euse-s des droits humains, a donné lieu à l'expression de graves préoccupations de la part du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains (HCDH) en juin 2020 et, plus récemment, de plusieurs membres du Parlement européen. De même, en avril 2020, neuf expert-e-s des droits humains des Nations unies ont exprimé leur inquiétude concernant les meurtres, les menaces, les détentions et la criminalisation des défenseur/euse-s des droits humains aux Philippines. Le HCDH et les expert-e-s des droits humains de l'ONU ont tous deux recommandé la mise en place d'une enquête internationale indépendante sur les violations des droits humains aux Philippines.

Nous demandons au nouveau président des Philippines, Ferdinand Marcos Jr, de prendre ses distances avec l'administration précédente et de s'engager fermement à respecter le droit de défendre les droits humains. Le président Marcos Jr. doit cesser les menaces et les attaques contre les défenseur/euse-s des droits et assurer la protection de leurs droits, notamment le droit à la vie, à une procédure régulière, à la liberté d'expression et à la liberté de réunion pacifique. Nous demandons instamment aux autorités de mettre immédiatement fin au harcèlement judiciaire contre Elisa Tita Lubi, Cristina Palabay, Roneo Clamor, Gabriela Krista Dalena, Edita Burgos, Wilfredo Ruazol, Jose Mari Callueng, Gertrudes Ranjo Libang, Joan May Salvador et Sœur Elenita Belardo. De même, nous demandons aux autorités d'abroger la loi antiterroriste et d'adopter le projet de loi sur la protection des défenseur/euse-s des droits humains. 

Le travail, le courage et l'engagement de Karapatan, du RMP, de Gabriela et de tou-te-s les défenseur/euse-s des droits humains philippin-e-s nous inspirent, et nous sommes solidaires avec eux et elles.

Nous sommes inspirés par le travail, le courage et l'engagement de ces défenseurs/euses des droits de l'homme, et nous sommes solidaires de chacun d'entre eux.

Signataires

  1. ACAT – Germany
  2. Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) - Luxembourg
  3. ALTSEAN – Burma
  4. Anti-Death Penalty Asia Network (ADPAN)
  5. Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD)
  6. Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
  7. Associació Catalana per la Pau – Catalonia/Spain
  8. AWID – International
  9. Banglar Manabadhikar Surakhsa Mancha (MASUM) – India
  10. Business and Human Rights Resource Centre (BHRRC) – International
  11. Canada-Philippines Solidarity for Human Rights – Canada
  12. Capital Punishment Justice Project – Australia
  13. Centre for Philippine Concerns - Canada
  14. Changement Social Bénin – Benin
  15. Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos (CMDPDH) – Mexico
  16. CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation – International
  17. Environmental Defender Law Center – United States
  18. ESCR-Net - International Network for Economic, Social and Cultural Rights
  19. Federal Association of Vietnamese Refugees in the Federal Republic of Germany
  20. Filipino Women's Organization in Quebec (PINAY) – Canada
  21. Front Line Defenders – International
  22. Fundación Promoción Humana – Argentina
  23. Greek Helsinki Monitor – Greece
  24. Human Rights Defenders Alert (HRDA) – India
  25. Human Rights First - International
  26. Human Rights Watch – International
  27. IBON International
  28. International Coalition for Human Rights in the Philippines (ICHRP) – International
  29. International Federation for Human Rights (FIDH), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
  30. International League of People’s Struggle - Canada
  31. International Service for Human Rights (ISHR) – International
  32. Judicial Reform Foundation – Taiwan
  33. KAIROS Canada
  34. La Voix des Sans Voix pour les Droits de l'Homme (VSV) – Democratic Republic of the Congo
  35. Lawyers' Rights Watch Canada
  36. Lok Shakti Abhiyan – India
  37. London Mining Network – United Kingdom
  38. Malaya Movement – Canada
  39. Malaya Movement – United States
  40. Mesoamerican Initiative of Women Human Rights Defenders (IM-Defensoras)
  41. Migrante - Canada
  42. Narasha Community Development Group – Kenya
  43. National Autonomous Union of Public Administration Staff (SNAPAP) – Algeria
  44. National Fisheries Solidarity Movement – Sri Lanka
  45. National Lawyers Guild San Francisco Bay Area Chapter – United States
  46. Netherlands Philippines Solidarity Movement – Netherlands
  47. Odhikar – Bangladesh
  48. ONG Construisons Ensemble le Monde – Democratic Republic of the Congo
  49. Project South – United States
  50. Public Service Alliance of Canada - Alliance de la Fonction publique du Canada – Canada
  51. Rural People's Sangam – India
  52. Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network – International
  53. SOHRAM-CASRA – Turkey
  54. Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles (SFVS) – Democratic Republic of the Congo
  55. Tapol – Indonesia
  56. The Open University – United Kingdom
  57. The Uplands Center – United States
  58. United Church of Canada – Canada
  59. Universidad Nacional José Faustino Sánchez Carrión - Huacho – Peru
  60. Viva Salud – Belgium
  61. Women of Diverse Origins - Canada
  62. Women's Global Network for Reproductive Rights (WGNRR) – International
  63. Women Human Rights Defenders International Coalition
  64. World Organisation Against Torture, in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

 

Signataires individuels:

  1. Bronwyn Dudley
  2. Emile Kinley-Gauthier
  3. Florfina Marcelino