Kenya: Justice pour le meurtre de Willie Kimani, un défenseur des droits humains, et de ses associés, Josephat Mwenda et Joseph Muiruri

Nairobi, 5 juillet, 2016

À l’attention de: Monsieur Uhuru Kenyatta, Président du Kenya

Re: Enquête et imputabilité concernant l’enlèvement et le meurtre de  Willie Kimani, Josephat Mwenda et Joseph Muiruri 

Nous soussignés, vous écrivons afin d’exprimer notre profonde précoccupation au sujet de l’enlèvement récent et du meurtre du défenseur des droits humains et avocat, Willie Kimani, de son client,  Josphat Mwenda, et de leur chauffeur, Joseph Muiruri. Nous demandons une enquête rapide et effective ainsi qu’une imputabilité pour ces crimes. 

Willie Kimani, son client, Josephat Mwendwa, et leur chauffeur de taxi,  Joseph Muiruri, ont été portés disparus le jeudi 23 juin, suite à leur comparution devant la cour de justice de Mavoko. Kimani, qui travaillait en tant qu’avocat pour International Justice Mission (IJM), était au tribunal avec son client, Mwendwa. Mwendwa avait été confronté à des problèmes juridiques et à un harcèlement de la part des autorités depuis qu’il avait déposé plainte auprès de l’ Independent Police Oversight Authority (IPOA) concernant un incident qui avait eu lieu le 10 avril 2015 et au cours duquel il s’était fait tirer dessus par un officier de l’Administration de Police lors d’un contrôle routier. Les trois hommes auraient été  enlevés et détenus par l’Administration de Police. Le 30 juin 2016, leurs corps ont été découverts dans une rivière dans le comté de Machakos, présentant des signes de torture. Kimani avait consacré sa carrière à la défense des droits humains, à la protections des droits des victimes de torture, et à la transformation du système de justice criminelle. 

Nous accueillons l’enquête lancée par l’inspecteur général de police, Joseph Boinnet, mais nous nous inquiétons de voir que cet incident est indicateur d’une escalade alarmante de l’intimidation et du harcèlement des défenseurs et avocats des droits humains au Kenya, tel que l’indiquaient les rapports du rapporteur spécial  sur les défenseurs des droits humains de la Commission africaine.

Nous souhaiterions rappeler au Kenya ses obligations en matière de droits humains en vertu de sa constitution et en tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, impliquant ainsi son devoir de garantir le droit à la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique et le droit à la liberté d’association. Le Kenya a également l’obligation, en vertu de sa constitution, ainsi que des traités des droits humains internationaux et régionaux, de faire respecter le droit à ne pas être soumis à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, à la protection contre l’arrestation ou la détention arbitraire, et le droit à la vie. Nous rappelons aussi au Kenya son obligation à garantir les droits et la sécurité des défenseurs des droits humains et à assurer “que les responsables de violations et d’atteintes à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme...soient promptement traduits en justice à l’issue d’enquêtes impartiales” tel que le reconnaît la Résolution 70/161 de l’Assemblée générale. Finalement, la Résolution 119 de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples  rappelle aux Etats leurs obligations en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains, et “exhorte les Etats parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer à tous les défenseurs des droits de l’homme un environnement propice à l’exécution de leurs activités sans crainte d’actes de violence, de menaces, de représailles, de discrimination, d’oppression ou d’actes arbitraires de la part d’acteurs étatiques ou non étatiques, suite à leurs activités de défenseurs des droits de l’homme”

Par conséquent, nous vous exhortons, ainsi que toutes les autres autorités concernées à prendre les mesures suivantes: 

  • Mener une enquête rapide et efficace sur l’enlèvement et le meurtre de Kimani, Mwenda, et Muiruri et de poursuivre en justice les responsables de ces actes;
  • Garantir en toutes circonstances la sécurité physique et psychologique et l’intégrité de tous les défenseurs des droits humains au Kenya;
  • S’abstenir de tout harcèlement et intimidation à l’égard des défenseurs des droits humains empêchant ou faisant obstacle à un travail légitime sur les droits humains;
  • Etre conforme à toutes les provisions de la Constitution du Kenya, le ICCPR, la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, la Résolution 70/161 de l’Assemblée Générale; la Résolution 22/6 du conseil des droits de l’homme, et la Résolution 119 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

 

Respectueusement,