Aperçu du processus de soumission de rapports alternatifs

Qu’est-ce que la soumission d’un rapport aux organes de suivi des traités des Nations Unies ?

Au niveau international, tous les États ont accepté d’être liés par les dispositions d’un ou plusieurs des principaux traités internationaux relatifs aux droits humains. Au sein des Nations Unies, des comités spéciaux ont été mis en place pour contrôler et surveiller la mise en œuvre des traités relatifs aux droits humains et donner des orientations à cet égard. À intervalles réguliers de quelques années, les États sont tenus de soumettre à ces organes de traité des Nations Unies des rapports faisant état du progrès accompli dans la mise en œuvre des traités.

Par exemple, l’organe de traité dénommé Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) — composé de 18 experts indépendants — surveille la mise en œuvre du traité relatif aux droits humains intitulé Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

Ce processus de soumission de rapports comprend les éléments suivants :

  • Des rapports étatiques officiels : des informations utiles soumises par l’État sous examen ;
  • Des rapports alternatifs : des informations utiles soumises par la société civile (tout groupe ou individu au sein de la société civile) visant à compléter ou réfuter le contenu du rapport étatique officiel ;
  • Liste de points à traiter (LOI) (dans certains cas ces points sont nommés Points à traiter avant la soumission de rapports (LOIPR)): les comités des NU décident de thèmes et de questions clés pour cette liste, en rapport avec le traité concerné, à propos desquels les États et la société civile devraient soumettre un rapport.
  • Un dialogue formel (ou dialogue constructif): Il s'agit d’une discussion de fond entre le comité et les représentants de l'État examiné sur la liste des questions préalablement convenues. Le dialogue est public et ouvert à la participation de la société civile. Il est diffusé en direct sur le site http://webtv.un.org/
  • Un examen formel : un dialogue en personne entre l’organe de traité et les représentants de l’État sous examen ;
  • Des observations finales : des recommandations écrites émises par l’organe de traité et adressées à l’État, présentant les principales mesures qui devraient être prises par l’État afin de respecter ses obligations en matière de droits humains ; et
  • Un processus de suivi : certains comités des Nations Unies, tels que le CESCR, ont mis en place un processus de suivi de la mise en œuvre des principales observations finales dans un intervalle de 24 mois après leur publication. Les organisations de la société civile ont également la possibilité de soumettre des rapports.

Quelles sont les obligations des États en matière de droits économiques, sociaux et culturels ?

Les États sont tenus par un certain nombre d’obligations générales concernant l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels (telles que décrites à l’article 2 du PIDESC). Ces obligations comprennent les éléments suivants[1] :

- la réalisation progressive et la non-régression : les traités relatifs aux droits humains reconnaissent que tous les États ne sont pas en mesure de garantir immédiatement le plein exercice de l’ensemble des DESC à leurs ressortissants (toutefois, ils sont tenus d’assurer un seuil minimal de base, voir ci-dessous). Pour cela, les États ont l’obligation d’« assurer progressivement » la réalisation des DESC en adoptant des mesures positives garantissant l’exercice d’un droit. En pratique, cela signifie que les personnes devraient bénéficier d’une plus grande jouissance de leurs droits au fil du temps, d’un plus grand accès aux services, etc. Cela implique également que les États ne devraient pas introduire de mesures régressives telles que des coupes budgétaires ou des restrictions légales, qui limiteraient l’accès de tous ou de catégories spécifiques d’individus à un droit spécifique.

- l’utilisation des ressources disponibles maximales : en assurant la réalisation progressive d’un droit, les États devraient faire usage de leurs ressources disponibles maximales, tant au niveau national qu’international (par exemple, en sollicitant des ressources auprès de la communauté internationale). À titre d’exemple, il peut s’avérer utile de comparer les dépenses d’un pays allouées à des secteurs précis (santé, alimentation, éducation) par rapport au produit intérieur brut (PIB) afin de se faire une idée de l’ampleur de l’investissement d’un pays dans les DESC. Pour de plus amples informations concernant la réalisation d’analyses budgétaires orientées sur les DESC, cliquer ici.

- des obligations fondamentales minimales : Les gouvernements, quel que soit le niveau des ressources à leur disposition, sont tenus d’assurer aux personnes relevant de leur juridiction un seuil minimal de protection de chacun de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Les obligations minimales sont généralement précisées dans les traités relatifs aux droits humains et dans les observations générales.

- la non-discrimination : cette obligation implique que les États garantissent l’égalité des chances en termes d’accès aux droits, ainsi que l’absence de discrimination de fait. Les États sont tenus d’éliminer la discrimination formelle, ou de droit, à savoir la discrimination qui existe au sein des cadres juridiques et politiques des États, ainsi que la discrimination concrète ou de fait, que constituent les discriminations subies dans la pratique, généralement par des groupes de population qui sont en butte à des préjugés hérités de l’histoire ou tenaces. Cela impliquerait notamment l’adoption de « mesures nécessaires afin de prévenir, de réduire et d’éliminer les situations et les comportements qui sont à l’origine de la discrimination concrète ou de fait ou qui la font perdurer ».

Pour la réalisation de cette obligation, il est important de prendre en compte différentes formes de discrimination, y compris :

  • La discrimination indirecte, lorsque des lois, des politiques ou des pratiques qui semblent neutres a priori ont un effet disproportionné et négatif sur certains groupes eu égard aux différences biologiques et/ou au genre socialement et culturellement construit, à l’ethnicité, à la classe sociale ou à d’autres identités ou circonstances croisées.
  • Les désavantages hérités de l’histoire et contemporains fondés sur les structures sociales et les relations de pouvoir qui tentent de définir et de limiter la jouissance des droits humains, par exemple, des femmes, des peuples autochtones, des minorités ethniques, et autres.
  • Les stéréotypes, la stigmatisation, les préjugés, et les violences dans toutes leurs formes, liés à la manière dont certains groupes se perçoivent ou sont traités par les autres.
  • Les structures et pratiques institutionnelles, qui reflètent souvent les dynamiques de pouvoir existantes et renforcent les points de vue patriarcaux et tournés vers l’Occident qui ignorent ou sont indifférents envers les expériences de discrimination intersectorielle.
  • L’inclusion sociale et la participation politique, qui peuvent renforcer le leadership et la participation de groupes désavantagés dans des processus formels et informels de prise de décision.
 

[1] Pour une explication globale des obligations des États en matière de DESC ainsi que des exemples relatifs au droit à l’éducation, voir Murphy, E., 2019, Right to Education Handbook, Right to Education Initiative et UNESCO, pages 135-146, disponible au lien suivant : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000366556?posInSet=2&queryId=N-EXPLORE-1d489ce4-6b89-4ce7-bc52-050515d5ef0

Pourquoi soumettre un rapport alternatif?

La soumission de rapports alternatifs est une stratégie qui permet à la société civile de jouer un rôle actif en demandant des comptes aux États au regard de leurs obligations légales. La soumission de rapports alternatifs contribue essentiellement à s’assurer que les organes de traité des Nations Unies ont connaissance et discutent des questions importantes en matière des droits humains, qui ont pu être négligées dans le rapport étatique officiel ou omises de celui-ci, et font des recommandations aux États à cet égard.

En plus de la possibilité de demander directement des comptes aux États au regard de leurs obligations en matière de droits humains, l’interaction avec les organes de traité des Nations Unies au travers de la soumission de rapports alternatifs peut permettre de promouvoir les droits humains au travers d’autres moyens :

- Le processus de soumission de rapports aux Nations Unies constitue un espace public international important dans lequel les droits humains sont sans cesse réitérés, interprétés et appliqués à des situations concrètes. La soumission de rapports alternatifs peut contribuer au développement de normes dans la mesure où de nouvelles questions peuvent être examinées à travers le prisme des droits humains et les revendications sur ces sujets peuvent se baser sur les droits humains.

- La soumission de rapports alternatifs peut amplifier les voix de groupes dont les droits sont violés et qui risqueraient autrement de ne pas recevoir une attention ou un espace adéquat au niveau national.

- La soumission de rapports alternatifs peut accroître la visibilité d’une question spécifique et renforcer le plaidoyer à ce sujet. Le fait d’obtenir la reconnaissance d’une situation au niveau international de la part des Nations Unies et des États peut attirer l’attention des médias et des décideurs au niveau national.

- La soumission de rapports alternatifs offre également un espace/ un processus aux groupes de la société civile leur permettant d’unir leurs forces autour de questions fondamentales en matière de droits humains, de collecter des données utiles et actualisées, de définir des priorités communes et d’élaborer des stratégies de plaidoyer collectif.

Choisir le ou les organe(s) de traité pertinent(s)

Il existe, au total, dix organes de traité (voir ci-dessous), composés d’experts indépendants dans le domaine des droits humains qui sont nommés et élus par les États parties au traité concerné.

Les critères suivants peuvent permettre de déterminer l’organe de traité pertinent :

Afin de démontrer l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits humains — et mettre en lumière les progrès accomplis par un État au regard de ses obligations légales, ou le manque de progrès — il pourrait être utile pour les défenseurs de soumettre des rapports alternatifs à plusieurs organes de traité des Nations Unies de manière stratégique. À titre d’exemple, alors que les droits économiques, sociaux et culturels des femmes sont abordés plus directement dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), d’autres au sein des principaux traités internationaux relatifs aux droits humains peuvent également inclure des dispositions utiles et/ou des orientations.

En outre, il serait également utile de prendre en compte les avantages octroyés par les différents processus de soumission de rapports dans le cadre des mécanismes régionaux, qui peuvent être plus accessibles en raison de facteurs tels que la langue ou le lieu. Par exemple, au niveau de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), le processus de soumission de rapports intervient tous les deux ans et permet aux groupes de la société civile d’utiliser différentes langues africaines dans la rédaction de leurs rapports. La Commission s’appuie sur le droit international et fait référence aux organes de traité, ainsi qu’à un Protocole qui traite spécifiquement des droits des femmes en Afrique (Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique). De plus, du point de vue de certains États, ces mécanismes pourraient être perçus comme ayant une légitimité ou une autorité plus importante que celle des instances des Nations Unies et ainsi peser davantage politiquement.


[1] Murphy, E., 2019, p. 212

INTRODUCTION

1. APERÇU DU PROCESSUS DE SOUMISSION D’UN RAPPORT ALTERNATIF

  • Qu’est-ce que la soumission d’un rapport aux organes de suivi des traités des Nations Unies ?
  • Quelles sont les obligations des États en matière de DESC ?
  • Pourquoi participer à la soumission d’un rapport alternatif ?
  • Choisir le ou les organe(s) de traité compétent(s).

2. COMMENT PARTICIPER AU PROCESSUS DE SOUMISSION D’UN RAPPORT ALTERNATIF?

  • Le déroulement du processus de soumission de rapports
  • Interagir avec les organes de traité avant, pendant et après le cycle d’examen.
  • La procédure de suivi des observations finales.

3. COMMENT ÉLABORER UN RAPPORT ALTERNATIF?

  • Le recours à une approche fondée sur les droits humains dans la collecte des données.
  • Conseils pour l’élaboration de votre rapport alternatif.
  • Quels types de données doivent être inclus ?

4. Guides, exemples et modèles à utiliser en référence pour votre rapport alternatif sur les Femmes et les DESC.

 

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