Comment participer au processus de soumission d’un rapport alternatif?

Le déroulement du processus de soumission de rapports

Le processus de soumission de rapports peut se dérouler de deux manières: par la procédure normale ou par la procédure simplifiée. La procédure simplifiée permet aux États de soumettre plus facilement un rapport, mais elle tend à limiter la portée de l’examen à quelques questions sélectionnées (les comités émettent toutefois encore quelques observations générales sur la mise en œuvre du traité). Les États peuvent choisir d’utiliser la procédure simplifiée après avoir subi au moins un cycle (trois dans le cas du CESCR) de rapport dans le cadre de la procédure normale.

Le processus de soumission de rapports se déroule ainsi :

1. L’État soumet un rapport à l’organe de traité compétent en décrivant les progrès réalisés pour la mise en œuvre des obligations énoncées dans le traité.

2. Environ un an plus tard, les groupes de la société civile peuvent soumettre des rapports alternatifs.

3. En fonction des rapports reçus de la part de l’État et de la société civile, le comité élabore une liste de points à traiter (LOI) et des questions spécifiques auxquels l’État devrait répondre par écrit. La LOI est définie par un groupe de travail (composé de membres du comité) d’avant session qui se réunit en amont de la session proprement dite du comité.  Les groupes de la société civile peuvent soumettre un bref rapport avant la réunion d’avant session pour mentionner les questions choisies (voir p.12 ci-dessous) 

4. Dès lors que l’État a fourni des réponses écrites, elles sont discutées dans le cadre d’un dialogue constructif entre l’État, les groupes de la société civile et l’organe de traité.

5. En tenant compte des informations soumises par l’État et les groupes de la société civile, ainsi que du dialogue constructif, l’organe de traité émet ensuite un rapport qui comporte un ensemble de recommandations (observations finales) qui présentent les mesures qui doivent être prises par l’État pour respecter, protéger et réaliser les droits énoncés dans le traité.

6. Plusieurs organes de traité (y compris le CEDAW et le CESCR) ont adopté une procédure de suivi pour surveiller la mise en œuvre d’observations finales essentielles. Conformément à cette procédure,  les États doivent soumettre des informations supplémentaires dans un délai précis (24 mois dans le cas du CESCR) concernant plusieurs observations finales essentielles, que l’organe de traité juge plus urgentes et réalisables dans le délai en question. La société civile et les institutions nationales de droits de l’homme peuvent également soumettre des informations à ce stade.

En vertu de la procédure simplifiée, les États n'ont plus l’obligation de présenter un rapport (étape 1 ci-dessus). Les groupes de la société civile peuvent soumettre un bref rapport pour suggérer des questions que le Comité devrait prioriser (étape 2 ci-dessus). Le Comité sélectionne une liste de questions et de points clés pour l'État (voir les exemples de questions que le CESCR et le CEDAW ont posées lors des sessions précédentes selon l’étape 3 ci-dessus). Cette liste est appelée liste de points à traiter avant la soumission de rapports (LOIPR). La réponse de l'État à ces questions constituera le rapport principal et servira de base de discussion au cours du dialogue formel (étape 4 ci-dessus). Les groupes de la société civile peuvent toujours soumettre des rapports alternatifs qui traitent des questions sélectionnées pour examen et peuvent participer au dialogue formel. Les étapes 5 et 6 ci-dessus restent inchangées.

Photo: CTI, UNCTAD Implementation Tool 3/2017

Interagir avec les organes de traité avant, pendant et après le cycle d’examen:

Il existe trois étapes clés au cours desquelles les groupes de la société civile peuvent apporter leur contribution et s'engager auprès des organes de traité :

1. Informer le choix des questions à examiner et des questions à poser à l'État:

Un rôle clé que les groupes de la société civile jouent dans le cadre de la procédure de rapport simplifiée est de fournir des informations à l’organe de traité pour la sélection des questions qui doivent être examinées lors de l’examen. La sélection a lieu au cours de pré-sessions qui se tiennent généralement quelques jours avant une session donnée de l’organe de traité. Cette étape est importante car elle permet de fixer l’ordre du jour de ce qui vient après, c’est-à-dire les questions sur lesquelles les États seront invités à soumettre un rapport et, par conséquent, l’objet des observations finales que le Comité publiera. L’organe de traité dispose d’une certaine marge de manœuvre pour ajouter de nouvelles questions à un stade ultérieur, mais en général, si une question n'est pas incluse dans la liste des points à traiter, il est peu probable qu’elle soit examinée lors de l’examen.

La société civile peut soumettre des informations avant la pré-session et participer à la pré-session (à distance ou en personne).

Lorsque vous soumettez des informations pour la liste de points à traiter, il est important d'expliquer pourquoi l'organe de traité doit se concentrer sur ces points (par exemple, s'agit-il de graves violations des droits humains), qui sont concernés et comment. Il n'est pas si important de fournir une image détaillée ou complète d'un problème, mais il est préférable de se concentrer sur les récits et les expériences vécues des personnes touchées par une question spécifique (voir plus bas).

Les rapports de pré-session doivent se concentrer sur les informations particulièrement pertinentes pour l'adoption des LOIPR et doivent généralement être soumis entre 10 et 8 semaines avant le début du groupe de travail de pré-session. La page web de chaque organe de traité contient des informations sur les rapports alternatifs, y compris la limitation du nombre de mots. Les rapports au CESCR doivent être soumis par le biais d'une plateforme en ligne et de plus amples informations sont disponibles ici.

La participation aux pré-sessions est un excellent moyen de nouer un dialogue direct avec les membres de l’organe de traité. Elle donne l’occasion d’aborder des questions qui pourraient être soulevées à la suite des informations écrites de s’assurer que des sujets spécifiques sont intégrés aux LOIPR et par conséquent sont discutés avec les États. Il est possible de faire des déclarations orales en personne au cours de la première matinée de la réunion du groupe de travail de pré-session. Certains organes de traité, comme le CESCR, permettent également aux organisations qui ont soumis un rapport de faire une intervention publique lors d’une réunion publique organisée par l’organe de traité et/ou une réunion informelle organisée à l’heure du déjeuner.

2. Contribuer au dialogue formel et informer les observations finales:

Comme pour la pré-session, les groupes de la société civile peuvent également apporter leur contribution et participer au dialogue constructif entre les États et les organes de traité. C'est l'étape centrale de l'examen des États. Les membres des organes de traité discutent avec les États sur la base des rapports soumis par les États et les organisations de la société civile (rapports alternatifs).  À l'issue de ce dialogue, les organes de suivi des traités émettent des recommandations à l'intention des États (observations finales) afin de garantir le respect, la protection et la réalisation des droits prévus par le traité concerné.

Les groupes de la société civile peuvent jouer un rôle clé en proposant une alternative narrative à celle de l’État et en contrant les informations fournies par l’État en soumettant un rapport alternatif avant la session et en participant à la session du dialogue formel. Les rapports doivent être transmis directement au secrétariat de l’organe de traité (p. ex. cedaw@ohchr.org), entre 6 et 3 semaines avant la session. La page web de chaque organe de traité contient des informations sur les rapports alternatifs, y compris les limites de mots. Les rapports au CESCR doivent être soumis par le biais d'une plateforme en ligne. Le prochain chapitre de ce guide portera sur la manière d’élaborer un rapport alternatif.

Comme pour les pré-sessions, les groupes de la société civile peuvent participer au dialogue formel en personne ou par vidéoconférence. Au cours du dialogue formel, il est possible de faire une présentation orale sur les questions qui sont discutées, en particulier pour fournir une alternative ou un point de vue différent sur la façon dont ces questions affectent les femmes de certains groupes. Alternativement au dialogue formel, les groupes de la société civile peuvent également organiser des séances d'information à l'heure du déjeuner, qui sont plus informelles et peuvent être utilisées pour informer les membres des organes de suivi des traités sur une question spécifique.

Voici quelques conseils pour organiser votre participation aux pré-sessions ou aux sessions[4] :

  • Prenez contact avec les membres du Réseau-DESC basés à Genève qui peuvent vous aider à identifier les principaux membres des organes de traité, d’autres alliés de la société civile, ainsi que vous fournir des conseils et des suggestions sur la manière de participer efficacement ; pour ce faire, contactez le secrétariat du Réseau-DESC qui sera heureux de vous mettre en relation avec les membres basés à Genève.
  • Si vous êtes en mesure de vous déplacer à Genève, à l’occasion de la pré-session ou de la session de l’organe de traité, essayer d’organiser une séance d’information avec les membres de l’organe de traité qui s’occupent de votre sujet de préoccupation. En général, un groupe de trois ou quatre experts sont en charge d’examiner des droits en particulier. Pour ce faire, vous devez prendre contact avec le secrétariat du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (OHCHR) qui coordonne et soutient le travail de l’organe de traité concerné - par exemple, pour le CESCR : cescr@ohchr.org et pour la CEDAW cedaw@ohchr.org. L’OHCHR recommande aux groupes de la société civile de se coordonner entre eux et d’organiser des séances d'information communes. Nos membres basés à Genève peuvent vous aider dans ce processus.

  • Si vous ne pouvez pas vous déplacer à Genève, vous pourrez peut-être participer par vidéoconférence.  Pour ce faire, vous devez prendre contact avec le secrétariat de l’OHCHR qui coordonne et soutient le travail des organes de traités. N'oubliez pas que la vidéoconférence n'est pas toujours possible en raison de difficultés techniques.  
  • Nouer un dialogue avec des journalistes pour encourager une reprise médiatique de la question pendant la session et publier un communiqué de presse mettant en lumière les préoccupations et recommandations émises par les experts dans leurs observations finales.


Au cours du processus de soumission de rapports alternatifs, il peut être utile de réfléchir à la façon dont les communautés touchées et d’autres acteurs solidaires avec elles ou dans une situation similaire, pourraient exploiter et développer les recommandations de manière stratégique au fil du temps. Par exemple, les défenseurs des droits humains utilisent les observations finales pour plaider en faveur de changements au niveau national, soutenir le contentieux stratégique et éduquer et mobiliser des communautés autour de questions fondamentales.

De manière générale, une stratégie de mise en œuvre efficace doit intégrer les éléments suivants :

  • Élaborer une stratégie collective pour suivre la mise en œuvre des recommandations. Le travail collectif peut permettre d’accroître la pression qui s’exerce sur le gouvernement en faveur de la mise en œuvre des recommandations et créer un consensus au sein des groupes de la société civile autour de questions précises. L’établissement d’un collectif ou d’une alliance entre groupes peut également ouvrir des possibilités de dialogue direct avec le gouvernement sur la mise en œuvre des recommandations.
  • Sensibiliser les organisations de la société civile au système des organes de traité et les encourager à se servir des observations et des recommandations finales pour leur propre plaidoyer.
  • Écrire aux représentants de l’État chargés de la question, ou les rencontrer, pour discuter des mesures prévues pour traiter le problème. Cette action sera plus efficace si elle est menée en partenariat avec d’autres organisations.
  • Nouer un dialogue avec les députés et les encourager à poser des questions au gouvernement et aux organismes gouvernementaux compétents.
  • Sensibiliser les médias en prenant contact avec des journalistes et en les informant des développements.

3. Surveiller et présenter un rapport sur la mise en œuvre des observations finales par le biais de la procédure de suivi:
Les procédures de suivi exigent des États qu’ils rendent compte au Comité dans un délai d’un ou deux ans, des mesures prises pour donner effet aux « recommandations de suivi » que l’organe de traité a considéré comme urgentes ou réalisables dans la période de temps déterminée. Les groupes de la société civile peuvent participer à ces processus, en soumettant leurs propres rapports sur les progrès réalisés par l’État en matière de mise en œuvre des observations sélectionnées pour un suivi. Il s’agit d’un moyen important pour maintenir la pression sur l’État et partager des préoccupations et des commentaires sur les mesures prises par l’État pendant la première ou les deux premières année(s). Il sera également demandé aux États de présenter un rapport sur les progrès réalisés en matière de mise en œuvre des observations au début du processus d’examen suivant. Ainsi, il est important que la mise en œuvre des observations fasse l’objet d’un suivi continu après la procédure de suivi et pendant le cycle d’examen suivant.

Les procédures de suivi du CESCR et de la CEDAW: Conformément à sa procédure de suivi, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels identifie, dans ses observations finales, jusqu’à trois recommandations exigeant une action urgente et qui devraient être mises en œuvre dans un délai de vingt-quatre mois. L’État partie est tenu de donner suite aux recommandations retenues dans un délai de vingt-quatre mois. Ses réponses constitueront le rapport de suivi et seront publiées sur la page Web du Comité. La société civile et les institutions de la société civile peuvent également présenter des informations pertinentes. Une fois que le CESCR dispose de toutes les informations nécessaires, il détermine si l’État a réalisé des progrès suffisants.

La procédure de suivi utilisée par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes exige que l’État partie fournisse des informations dans un délai d’un ou deux ans sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre des observations spécifiques (« jusqu’à quatre alinéas » parmi les observations formulées), dont la sélection se fonde sur la perception qu’un défaut de mise en œuvre constituerait un obstacle majeur à la mise en œuvre de la Convention et sur le fait que leur mise en œuvre est réalisable dans le délai suggéré. Le comité dispose d’un rapporteur chargé du suivi et d’un rapporteur adjoint qui examine et évalue les informations de suivi.

Autres informations sur les autres procédures de suivi.


[1] Pour plus d’informations sur les organes conventionnels des Nations Unies et le plaidoyer, voir : OHCHR, Suivi des recommandations des Nations Unies en matière des droits de l’Homme – Guide pratique pour la société civile, 2016.

[2] Pour plus d’informations sur l’interaction avec le CESCR, voir https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CESCR/Pages/NGOs.aspx.

[3] International Women’s Rights Action Watch, NGO Shadow Reporting to CESCR: a procedural guide, disponible au lien suivant http://hrlibrary.umn.edu/iwraw/shadow/CESCRNGOguideJune2003.doc

[4] Cette section est une adaptation de Murphy, E., 2019, pp. 216-17.

INTRODUCTION

1. APERÇU DU PROCESSUS DE SOUMISSION D’UN RAPPORT ALTERNATIF

  • Qu’est-ce que la soumission d’un rapport aux organes de suivi des traités des Nations Unies ?
  • Quelles sont les obligations des États en matière de DESC ?
  • Pourquoi participer à la soumission d’un rapport alternatif ?
  • Choisir le ou les organe(s) de traité compétent(s).

2. COMMENT PARTICIPER AU PROCESSUS DE SOUMISSION D’UN RAPPORT ALTERNATIF?

  • Le déroulement du processus de soumission de rapports
  • Interagir avec les organes de traité avant, pendant et après le cycle d’examen.
  • La procédure de suivi des observations finales.

3. COMMENT ÉLABORER UN RAPPORT ALTERNATIF?

  • Le recours à une approche fondée sur les droits humains dans la collecte des données.
  • Conseils pour l’élaboration de votre rapport alternatif.
  • Quels types de données doivent être inclus ?

4. Guides, exemples et modèles à utiliser en référence pour votre rapport alternatif sur les Femmes et les DESC.

 

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