Déclaration commune sur la crise alimentaire mondiale

Publish Date: 
Friday, August 3, 2012

Cet événement fondamental devrait apporter la certitude que le Conseil des Droits de l’Homme et le système des Droits de l’Homme des Nations Unies dans son intégralité suivront le débat de près. Il devrait également jouer un rôle capital dans la reconnaissance et la prise en compte des violations massives du droit à une alimentation adéquate dans le monde, violations qui sont à la base de la crise actuelle. Il permettra de souligner l’importance d’une cohérence politique tant sur le plan national qu’international, et l’importance du respect des normes et des principes ayant trait aux Droits de l’Homme. Enfin, cet événement sera également prépondérant dans la préparation de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale et les défis du changement climatique et des bioénergies qui se tiendra à Rome du 3 au 5 juin 2008. 

 

Les mouvements sociaux et les organisations de la société civile n’ont cessé de mettre en garde les Etats et les organisations intergouvernementales contre les politiques internationales limitant les gouvernements dans leur capacité à déterminer leurs politiques agricoles nationales. Elles les ont aussi mis en garde contre les politiques de sécurité alimentaire portant atteinte à la souveraineté alimentaire étant donné leur impact négatif sur la réalisation du droit à une alimentation adéquate et d’autres droits de l’Homme de même que sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle nationale. 

 

Nous, contrairement à ce qu’avaient affirmé les Nations Unies au moment de la mise en place d’une force d’intervention contre la crise alimentaire mondiale,  constatons que la crise actuelle trouve son origine dans le mauvais choix de politiques internationales qui, pendant des décennies, n’ont pas permis de créer ni de maintenir un environnement propice au respect, à la protection et à la mise en œuvre par les Etats du droit à une alimentation adéquate étant donné que ces politiques n’ont pas tenu compte de la nécessité de faciliter l’accès des pauvres du milieu rural aux ressources productives; qu’elles ont conduit à une diminution des investissements dans le secteur agricole, en particulier dans l’agriculture traditionnelle et l’agriculture paysanne diversifiée et qu’elles ont dérégulé le commerce agricole international. Cela s’est fait sous la direction des institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale), et plus récemment de l’OMC, maintenant appelées à jouer un rôle majeur dans la force d’intervention.

 

Il est urgent d’agir sur le plan international pour que le droit à une alimentation adéquate soit garanti aux populations les plus vulnérables, directement touchées par la crise. Cependant, il importe que cette action ne se limite pas seulement à une aide alimentaire ni à la mise en place de filets de sécurité ou de programmes de revenu minimum garantis axés sur les droits de la personne. Cette action urgente doit comporter des mesures politiques pour garantir une protection immédiate contre les facteurs qui aggravent indubitablement la crise tels que les mégaprojets de développement, responsables de l’expulsion massive de populations indigènes et paysannes et qui ne prévoient pas de mesures de réparation adéquates; l’augmentation de la demande de production d’agrocarburants, demande basée sur les quotas établis par l’UE et les Etats-Unis, et la spéculation sur le marché à terme des denrées alimentaires.

 

Le monde a besoin d’autres remèdes. Nous mettons en garde l’opinion publique internationale sur l’impact négatif potentiel de certaines propositions des Nations Unies à moyen et long terme telles que la promotion en Afrique de l’agriculture intensive en capital, la fameuse “nouvelle révolution verte” et l’accélération du processus de dérégulation du commerce, avec la fin du cycle de Doha. La mise en place de ces recommandations susciterait l’application de politiques semblables à celles qui ont abouti à la crise actuelle et à l’accélération des changements climatiques. Le rapport international sur les savoirs, les sciences et les technologies agricoles pour le développement (IAASTD), écrit conjointement par 400 scientifiques et adopté par 60 pays en avril 2008, confirme ces inquiétudes et prône l’arrêt de la promotion et de l’expansion du modèle agricole agro-industriel.

 

Cette crise démontre que le tout marché mondial envahissant ne garantira pas la sécurité alimentaire ni le droit à l’alimentation. Des mouvements sociaux et des organisations de la société civile ont réclamé un système de production basé sur les principes de la Souveraineté alimentaire et des Droits de l’Homme avec une attention particulière au droit à une alimentation adéquate, à la participation et à  l’accès aux ressources productives telles que la terre, l’eau, les semences, notamment. Plusieurs gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes se sont associés à cet appel dans la Déclaration du Sommet sur la Souveraineté Alimentaire qui s’est tenu le 7 mai à Managua.

 

Pour préparer les événements internationaux à venir, nous demandons aux gouvernements et aux organisations intergouvernementales de :

 

1.      veiller à ce que tous les mécanismes de coordination qui seront créés pour traiter l’urgence alimentaire actuelle prévoient la participation de représentants du Bureau du Haut Commissaire pour les Droits de l’Homme, du Conseil des Droits de l’Homme et du Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation, ainsi qu’une forte représentation des mouvements sociaux qui sont composés des personnes les plus touchées par les violations des droits humains, notamment du droit à l’alimentation, de même que des organisations de la société civile qui travaillent avec ces victimes.

2.      veiller à ce que la promotion et la protection du droit à l’alimentation soient au centre de tous les efforts menés au niveau international pour résoudre la crise alimentaire mondiale, en reconnaissant que les violations du droit à l’alimentation sont à la racine de cette crise et qu’il faut s’y attaquer et les corriger.

3.      prendre les mesures qui s’imposent pour que soit adopté, sans plus de délais, le protocole facultatif au PIDESC.

4.      se mettre d’accord au niveau du Conseil des Droits de l’Homme ainsi qu’au plus haut niveau de la Conférence de la FAO sur des stratégies nationales et internationales qui reconnaissent explicitement le droit à l’alimentation et le mettent en œuvre en tant qu’obligation contractée par la plupart des pays membres des Nations Unies.

5.      se mettre d’accord pour que toute politique internationale qui touche à la situation de sécurité alimentaire des communautés ou des pays ait pour principe de ‘’ne pas nuire’’. Il faut ainsi mettre fin à toute politique qui génère la faim.

6.      imposer un moratoire immédiat sur l’expansion de l’agriculture liée à l’agro-alimentaire.

7.      tenir compte des Directives Volontaires sur le droit à une alimentation adéquate approuvées par le conseil de la FAO en 2004 ainsi que des ‘’Principes de base et directives sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement " (A/HRC/4/18), établis par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable et les mettre en œuvre pleinement.

8.      demander à la Cour internationale de Justice d’émettre un avis consultatif sur les politiques internationales qui violent le droit à l’alimentation et les droits de l’Homme en général et de définir des critères pour que les politiques internationales, notamment dans les domaines du commerce, de la finance et de l’aide au développement, ne violent pas les traités des Droits de l’Homme, avec une attention particulière pour le droit à l’alimentation.

9.      demander au Conseil des Droits de l’Homme de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour enquêter sur la responsabilité des acteurs étatiques et non étatiques dans des cas spécifiques qui ont conduit à l’aggravation de la crise alimentaire, comme par exemple la spéculation, le stockage spéculatif de nourriture, et de prendre des mesures pour corriger toute irrégularité.

10. demander au Conseil des Droits de l’Homme d’enquêter sur les droits des paysans ainsi que l’avait demandé le précédent Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation et ce en confiant à son comité consultatif le soin de mener une étude préalable afin de mieux identifier la nécessité de droits spécifiques aux paysans qui sont l’un des groupes les plus vulnérables aux violations des droits de l’Homme et aux violations du droit à l’alimentation ainsi que pour identifier des insuffisances dans la protection de ces droits et faire des propositions concrètes pour s’attaquer à ces lacunes et les combler.

11. prendre immédiatement des mesures pour aider les gouvernements nationaux à garantir aux victimes de faim aiguë et chronique aide et soutien dans leur quête de survie et de recouvrement de leur capacité de produire ou d’acquérir de la nourriture ou les moyens nécessaires pour se nourrir eux-mêmes, dans la dignité. Ceci doit être la priorité numéro un au niveau international et national avec allocation de fonds appropriés.

12.  Garantir la participation des mouvements sociaux et des représentants de la société civile lors de la Conférence de juin à Rome, en leur permettant de s’exprimer oralement durant la session selon la pratique instaurée à la FAO depuis quelques années.

 

Et, résultat concret des événements internationaux programmées, les Etats :

 

13. s’engagent à respecter leurs obligations au titre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des normes internationales de Droits de l'Homme, en agissant d’urgence pour imposer des régulations à l’expansion actuelle du processus de libéralisation agricole assistée par le marché , afin de respecter, protéger et garantir les droits de l'Homme, avec une attention spéciale à la promotion du droit à se nourrir qui inclut l’accès aux ressources productives dans le cadre de la souveraineté alimentaire.

14. veillent à ce que toutes les politiques alimentaires nationales et internationales soient en cohérence avec les obligations contractées au titre du droit à l’alimentation. Les politiques relatives à l’agriculture et à la pêche, au commerce et aux investissements, au développement et à l’énergie, devraient contribuer à promouvoir la pleine réalisation du droit à l’alimentation et ne jamais l'entraver. Imposent un moratoire immédiat sur les objectifs visés par la production d’agro carburants afin d’éviter l’aggravation de la crise alimentaire actuelle.  Toutes les politiques de développement devraient conduire à la promotion des droits de l'Homme.

15. font de la promotion de la protection du droit à l’alimentation l’un des objectifs stratégiques de la FAO dans le contexte du processus de réforme en cours.

16. mettent en œuvre partout dans le monde des mesures pour appuyer la production durable et agro-écologique de nourriture diversifiée par les petits paysans et les agriculteurs.

17. garantissent que la discussion d’actions pour lutter contre le changement climatique soit menée de façon participative à tous les niveaux et que les alternatives choisies tiennent compte du principe de précaution et de la nécessité d’inclure effectivement socialement et économiquement les plus exclus et les plus pauvres.

18. veillent à ce que les stocks internationaux de nourriture destinés à l’aide correspondent aux besoins réels, indépendamment du prix. 

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