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Mercredi, Décembre 7, 2016
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Nature of the Case

La Cour pénale internationale a tenu un individu responsable d’un crime de guerre au titre du Statut de Rome en raison de son rôle actif dans la destruction délibérée de sites du patrimoine culturel à Tombouctou, au Mali. Bien que la Cour ne se soit pas arrêtée à cet aspect, ces attaques intentionnelles visant le patrimoine culturel peuvent aussi être considérées comme une violation des droits humains, dont le droit de chaque personne à prendre part à la vie culturelle. 

Summary

Le 27 septembre 2016, le Cour pénale internationale (CPI) a reconnu à l’unanimité le suspect islamiste Ahmad Al Mahdi coupable au-delà de tout doute raisonnable en tant que co-auteur d’un crime de guerre conformément à l’art. 8(2)(e)(iv) du statut de Rome en réponse au attaques dirigées intentionnellement par M. Al Mahdi contre dix des sites du patrimoine culturel les plus importants à Tombouctou, au Mali, en juin et juillet 2012. Ce crime de guerre s’entend du fait de diriger intentionnellement « des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires. » Ces attaques étaient liées à un conflit armé non international qui a eu lieu sur le territoire du Mali et à l’occupation ultérieure de Tombouctou par les groupes armés Al Qaïda au Maghreb islamique et Ansar Dine.

Dans son évaluation de la gravité du délit, la Chambre de première instance VIII (Chambre) de la CPI a estimé que les sites du patrimoine ciblés non seulement étaient des bâtiments religieux, mais qu’ils avaient aussi une très grande valeur symbolique et émotionnelle pour la population de Tombouctou.   Les mausolées des saints et les mosquées de Tombouctou, détruites pendant les attaques, faisaient partie intégrante de la vie religieuse de la population et constituaient un patrimoine commun de la communauté.  La Chambre a de plus signalé que le témoignage de P-431 (expert malien en matière culturelle), qui a déclaré que la destruction des mausolées, auxquelles la population de Tombouctou était très attachée, était un acte de guerre qui visait à abattre la population de Tombouctou dans son âme.  De plus, tous les sites sauf un étaient des sites du Patrimoine mondial de l’UNESCO.  À ce titre, la Chambre a estimé que les attaques dont ils ont fait l’objet étaient particulièrement graves car leur destruction touchait non seulement les victimes directes des crimes, mais aussi toute la population du Mali et la communauté internationale.  

Le procès de M. Al Mahdi s’est tenu du 22 au 24 août 2016, période durant laquelle M. Al Mahdi a fait volontairement et en connaissance de cause un aveu de culpabilité.  Ayant pris note de certains facteurs atténuants, la Chambre a condamné M. Al Mahdi a neuf ans de prison.  

Enforcement of the Decision and Outcomes

M. Al Mahdi est actuellement détenu par la CPI. D’après Fadi ElAbdallah, porte-parole de la CPI, M. Al Mahdi ne purgera pas sa peine au centre de détention de la CPI à La Haye. Il « purgera sa peine dans un établissement national d’un État ayant accepté de recevoir la personne condamnée.   Les décisions en la matière seront prises en temps et lieu par la CPI en concertation avec les États concernés. » 

Significance of the Case

Cette décision revêt une importance particulière car il s’agit des premières poursuites internationales centrées exclusivement sur le crime de guerre consistant en la destruction du patrimoine culturel. La décision a été célébrée comme étant un pas important pour ce qui est de mettre fin à l’impunité de la destruction du patrimoine culturel, une pratique dont la fréquence a augmenté et qui est souvent une stratégie délibérée visant à promouvoir la persécution et l’épuration culturelle. La procureure de la CPI Fatou Bensouda a dit que les accusations portées dans cette affaire « … concernent la destruction de monuments historiques irremplaçables et… d’attaques sérieuses contre la dignité et l’identité de populations entières, contre leurs racines religieuses et historiques.  Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement des murs et des pierres. »

Du point de vue des droits humains, l’affaire est particulièrement importante compte tenu que la destruction intentionnelle du patrimoine culturel est à la fois un crime de guerre et une violation de droits humains, notamment de droits culturels. Les poursuites pénales constituent un moyen d'amener les auteurs de violations de cet ordre à répondre de leurs actes.  Le Secrétaire général des Nations Unis Ban Ki-moon a traité récemment de diverses attaques visant le patrimoine culturel et signalé que la protection de trésors culturels s’inscrit dans le cadre de « … nos efforts visant à défendre les droits humains et sauver des vies humaines. » Il a salué le procès de la CPI, qui a permis de mettre fin à l’impunité.  De plus, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies dans le domaine des droits culturels a salué la décision de la CPI dans son rapport présenté en août 2016 à l’Assemblée générale des Nations Unies (para. 54). Dans ce rapport, la Rapporteuse spéciale traite des liens entre les droits humains et la destruction ciblée du patrimoine culturel.  

Tout en saluant la décision, certains membres de la société civile ont aussi critiqué le fait que la CPI n’avait pas engagé de poursuites pour d’autres crimes graves qui ont été commis au Mali pendant le conflit de 2012, notamment des cas de meurtre, de viol et de torture.  La procureure de la cour a affirmé que son bureau poursuivait son enquête sur d’autres crimes et que ce n’était que leur première affaire au Mali.  D’aucuns espèrent que, compte tenu de la dévastation récente et ciblée de patrimoine culturel en temps de conflit, par exemple, en Syrie, en Iraq et en Afghanistan, cette décision fera clairement comprendre aux groupes armés que la démolition d’artefacts de grande valeur culturelle ne restera pas impunie.

Ruling