Summary
En tant qu’assistante personnelle, Rita Marque Mbatha a été victime de harcèlement sexuel répété de la part du PDG de CZI. Malgré le signalement du harcèlement à l’entreprise, celui-ci s’est poursuivi sur le lieu de travail. Le harcèlement sexuel à l’encontre de la plaignante s’est déroulé sur une période de neuf mois, de fin 2002 à 2003, après quoi elle a été licenciée abusivement. Les preuves contre le premier défendeur, PDG et auteur du harcèlement, étaient substantielles. Le deuxième défendeur, le président de CZI, a activement dissuadé la plaignante de signaler le harcèlement et a traité ses accusations de manière factieuse. La plaignante a porté son affaire devant les tribunaux, où elle a continué à faire face à des obstacles systémiques à l’accès à la justice.
L’affaire a d’abord été entravée par une procédure d’arbitrage, au cours de laquelle les défendeurs ont systématiquement eu recours à des tactiques dilatoires pour retarder son traitement. Malgré ces manœuvres, en mars 2014, le tribunal arbitral a conclu que Rita Mbatha avait été victime de harcèlement sexuel et de licenciement abusif. Forte de cette décision, la plaignante a intenté une action en justice contre les deux défendeurs afin d’obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Elle a toutefois été confrontée à de nombreux obstacles procéduraux, mais a persisté et demandé un jugement par défaut contre le directeur général, sur la base d’un rôle de requête non contesté. En examinant sa requête, la Haute Cour a établi que le harcèlement sexuel constitue un délit civil pouvant faire l’objet d’une action en justice en vertu de la lex Aquilia[1]. Pour évaluer les dommages, la Cour a qualifié le harcèlement sexuel de préjudice extra-patrimonial[2]. Elle a également reconnu que les atteintes physiques et psychiatriques sont des préjudices concrets, en soulignant que les troubles psychiatriques peuvent avoir des effets encore plus graves sur l’intégrité d’une personne.
Soulignant l’importance du droit à la dignité humaine (article 51) ainsi qu’à la sécurité personnelle (articles 52 et 53) garantis par la Constitution du Zimbabwe, la Cour a estimé qu’une demande de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel constitue une tentative légitime de faire valoir des droits constitutionnels bafoués. Pour que cette demande aboutisse, le demandeur doit prouver que l’acte du défendeur était illicite et qu’il a directement causé le préjudice allégué. Ce préjudice ne doit pas être trop éloigné de l’acte fautif, et la responsabilité doit être attribuable au défendeur, que ce soit par action directe ou par négligence. Afin d’évaluer les dommages à accorder, la Cour a pris en compte plusieurs facteurs, dont les rapports de pouvoir, les inégalités socio-économiques, l’écart d’âge, ainsi que la fréquence des comportements inappropriés entre l’auteur et la victime. En définitive, Rita Marque Mbatha a obtenu gain de cause, se voyant accorder environ 220 000 USD de dommages-intérêts à l’encontre du premier défendeur, tenu solidairement responsable avec toute autre partie reconnue coupable envers la plaignante.
[1] La lex Aquila est une ancienne loi romaine qui prévoyait l’indemnisation des dommages causés par la faute d’autrui.
[2] Le préjudice extra-patrimonial est « la diminution, par suite d’un fait dommageable, de la qualité des intérêts hautement personnels (ou de la personnalité) d’une personne dans la satisfaction de ses besoins légalement reconnus, mais qui n’affecte pas son patrimoine ».