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Nature of the Case

Un organisme de bienfaisance enregistré canadien militant pour l’éradication de la pauvreté a contesté avec succès des restrictions législatives concernant la participation des organismes de bienfaisance à des « activités politiques » non partisanes contribuant à une fin de bienfaisance. La cour a statué que les dispositions qui limitent la capacité des organismes de bienfaisance à plaider en faveur de changements dans les lois ou les politiques représentent une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d’expression.

Summary

Cette affaire concernait des restrictions issues de la common law anglaise à la participation des organismes de bienfaisance à des activités politiques non partisanes visant à obtenir des changements dans les lois ou les politiques pour contribuer à l’avancement de leurs fins de bienfaisance.  Au Canada, ces restrictions ont été intégrées dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (L.R.C.), qui stipulait que les organismes de bienfaisance enregistrés ne pouvaient participer à des activités politiques non partisanes visant à obtenir des changements dans les lois ou politiques que si ces activités étaient « accessoires » à leurs activités de bienfaisance, celles-ci correspondant à la « presque totalité » des ressources de l’organisation.  Se fondant sur la jurisprudence, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a interprété cette disposition comme signifiant qu’un organisme de bienfaisance pouvait consacrer au plus environ 10% de ses ressources à toute activité qui fait valoir explicitement au public qu’une loi, une politique ou une décision d’un ordre de gouvernement au Canada ou à l’étranger devrait être maintenue, contestée ou modifiée.

En 2012, le gouvernement conservateur majoritaire du Canada s’est dit préoccupé du fait que des organisations « radicales » de défense de l’environnement et des droits humains enregistrées comme organismes de bienfaisance utilisaient des dons de bienfaisance pour combattre des politiques gouvernementales.  Le gouvernement a affecté 5 millions $ de financement supplémentaire à l’Agence du revenu du Canada pour assurer la vérification des organismes de bienfaisance soupçonnés d’avoir dépassé la limite de ressources à consacrer au plaidoyer en matière de politiques. Canada sans pauvreté (CSP), qui avait pour objectif d’éradiquer la pauvreté par un accompagnement citoyen des populations à faibles revenus visant à amener des changements dans les politiques, était parmi les douzaines d’organismes de défense des droits humains, de l’environnement et de la justice sociale ayant fait l’objet d’une vérification et l’ARC a annoncé son intention de révoquer son statut d’organisme de bienfaisance. Comme l’a signalé la Cour dans sa décision, l’objectif de bienfaisance de CSP est de réduire la pauvreté, mais contrairement aux organismes de bienfaisance traditionnels qui pourraient fournir de la nourriture aux pauvres, CSP vise à réduire la pauvreté « en partageant avec sa base des idées plutôt que de la nutrition ».

CSP a contesté les restrictions à ses activités de plaidoyer politique pour l’éradication de la pauvreté du fait qu’elles portaient atteinte à la liberté d’expression au titre de l’article 2, alinéa b, de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

CSP a fait valoir que son objectif de bienfaisance qui consistait à réduire la pauvreté au Canada exigeait des changements dans les lois et les politiques et ne se réaliserait pas sans qu’il soit possible d’encourager les populations vivant dans la pauvreté à mener des activités de plaidoyer en faveur de politiques publiques.  Le gouvernement a répliqué que le statut d’organisme de bienfaisance sert effectivement de subvention, et que, bien que CSP ait droit à la libre expression, il n’existe aucun droit à l’expression subventionné.

La Cour a statué que l’interprétation et l’application de la L.R.C. par l’ARC limitaient pratiquement toutes les activités de communication publique de CSP concernant la réforme des lois et des politiques pour réaliser son objectif de bienfaisance qu’est la réduction de la pauvreté. Elle a signalé que l’approche de CSP en matière de réduction de la pauvreté était confirmée par un instrument international faisant autorité, à savoir la Déclaration de Copenhague, qui reconnaît que la pauvreté « se caractérise également par la non-participation à la prise de décisions et à la vie civile et socioculturelle ».  La Cour s’est également fondée sur un rapport du Groupe de consultation de la ministre du Revenu national, qui concluait que les restrictions politiques imposées aux organismes de bienfaisance étaient dépassées et trop restrictives et devaient être révoquées.

Finalement, la Cour a statué en faveur de CSP. Elle a déterminé qu’il avait été porté atteinte à la liberté d’expression de CSP du fait que la L.R.C., et l’interprétation qu’en avait fait l’ARC, alourdissaient l’accès à une plateforme d’expression offerte par l’État (ex. le statut d’organisme de bienfaisance) et que le gouvernement n’avait pas établi d’objectif légitime et réel sous-tendant la restriction. La Cour a ordonné que la restriction soit éliminée et que l’expression « activités de bienfaisance » dans la Loi soit interprétée de manière à désigner notamment les activités politiques non partisanes qui contribuent à l’avancement des fins de bienfaisance d’une organisation.

Enforcement of the Decision and Outcomes

Le gouvernement majoritaire libéral qui était au pouvoir au moment où la décision dans cette affaire a été rendue s’était engagé à revoir les restrictions imposées aux organismes de bienfaisance qui avaient été utilisées par le gouvernement précédent pour supprimer la liberté d’expression. Néanmoins, le gouvernement libéral a annoncé qu’il entendait en appeler de la décision de la Cour supérieure dans cette affaire. Il a proposé de modifier la L.R.C pour éliminer les restrictions législatives qui avaient été jugées inconstitutionnelles, mais en permettant à l’ARC de continuer à appliquer les restrictions du common law aux activités de plaidoyer en matière de politiques publiques.  Cependant, à la suite de très fortes pressions du public, le gouvernement a retiré son appel, permettant le maintien de la décision de la Cour supérieure. Il a également accepté de retirer des modifications à la L.R.C. proposées antérieurement, introduisant de nouvelles modifications à la L.R.C., qui stipule maintenant explicitement qu’à l’expression « activités de bienfaisancesont assimilées les activités qui sont relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration et qui sont exercées en vue de la réalisation de fins de bienfaisance ».  

Significance of the Case

Cette victoire d’une petite organisation de défense des droits sociaux était tout à fait inattendue pour les analystes juridiques conventionnels et au sein du secteur de la bienfaisance en général. La décision a été largement célébrée par les populations vivant dans la pauvreté et les organismes de bienfaisance du fait qu’elle représente un rejet historique des notions stigmatisantes de pauvreté et de bienfaisance, reconnaissant le lien inextricable existant entre le droit à la participation et à l’expression démocratique et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.  La décision devrait aussi avoir un impact positif dans d’autres pays où des restrictions de même nature issues de la common law continuent de s’appliquer. CSP a toutefois souligné que la décision ne s’applique qu’aux organisations ayant des fins de bienfaisance légitimes, telles que la réduction de la pauvreté. La décision ne s’applique pas aux organisations qui tentent de se servir du statut d’organisme de bienfaisance pour faire valoir des intérêts politiques qui ne constituent pas des fins de bienfaisance légitimes.

Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).