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Lundi, Juin 17, 2024
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Protest Bonn2
© 2024 Teo Ormond-Skeaping/Loss and Damage Collaboration

La 60e session de négociations sur le climat – ou “SB60” – vient de s’achever à Bonn, en Allemagne. Le SB60 a notamment abordé la question de l’opérationnalisation du Fonds pour les pertes et dommages (LDF pour son sigle en anglais) et les objectifs de financement du climat pour l’après-2025, également connus sous le nom de Nouvel objectif collectif quantifié (NCQG). Les négociations visent à aboutir à un accord sur ces deux questions lors de la Conférence des Parties (COP29) qui se tiendra cette année en Azerbaïdjan. Les membres du Réseau-DESC ont suivi de près le SB60, prenant activement part à diverses actions inter-constitutions guidées par l‘analyse collective établie après la COP28 à Dubaï.

Pertes et dommages : Imputabilité, responsabilité et paiement équitable pour la dégradation du climat
C’est un progrès de voir que le LDF est presque opérationnel. C’est important car la crise climatique et les injustices nuisent de plus en plus aux communautés et violent les droits humains, en particulier le droit à l’alimentation et à la nutrition. Il est également essentiel de comprendre que les processus de la CCNUCC ne sont pas séparés des questions et des mécanismes relatifs aux droits humains. Nous demandons que le LDF soit basé sur des subventions, fondé sur les droits humains et pleinement opérationnel à l’issue de la COP29 en Azerbaïdjan.
— Vladimir Chilinya, FIAN Zambia

Lors des négociations, le Réseau-DESC, La Ruta del Clima, le Center for International Environmental Law (CIEL), Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD) et Pacific Islands Students Fighting Climate Change (PISFCC) ont co-organisé une conférence de presse officielle pour aborder les obligations des États dans le contexte des pertes et dommages. Au cours de l’événement, les membres ont dénoncé les dommages climatiques transfrontaliers causés par les pays riches et industrialisés. Ils ont exigé des remèdes et des réparations :

Les États-Unis, qui ont une empreinte carbone 1700 fois supérieure à celle du Costa Rica […] ne remplissent pas leurs obligations fondées sur l’article 2 de l’Accord de Paris pour protéger l’environnement. […]Ce qui est négocié ici au SB60 n’est pas seulement irrationnel, mais illégal parce que non conforme aux obligations légales des États. Lorsque les pays disent : “Eh bien, je fais un don. Que voulez-vous que je fasse d’autre ?” Eh bien, nous voulons que vous remplissiez vos obligations légales. C’est tout.
— Adrián Martínez Blanco, La Ruta del Clima

Les membres continuent également de contester le paragraphe 51 de l’Accord de Paris, qui est utilisé par les pays du Nord pour échapper à la responsabilité et à la compensation des pertes et dommages :

Le paragraphe 51 de l’Accord de Paris ne défait pas le droit international des droits humains préexistant (et) […] ne nie pas le droit à un recours et à des réparations complètes qui s’applique dans le contexte des dommages climatiques indépendamment du paragraphe 51.
— Lien Vandamme, Centre for International Environmental Law

Au cours de la conférence de presse, les membres ont fait la lumière sur les distractions dangereuses induites par le marché que les entreprises et les institutions financières internationales (IFI) présentent comme des solutions pour remédier aux pertes et aux dommages, tout en évoquant leurs liens avec le processus de transition juste :

Les options non durables à forte intensité de ressources n’ont pas leur place dans une transition énergétique juste. Il est essentiel de comprendre que les pertes et dommages ne concernent pas seulement les impacts négatifs du changement climatique, mais qu’ils doivent également couvrir les impacts des fausses solutions climatiques qui augmentent la vulnérabilité de la sécurité alimentaire et les dommages environnementaux. L’appel à la réparation climatique doit s’adresser aux actionnaires des IFI et aux décideurs du financement climatique au sein du système des Nations Unies, que les gouvernements des pays industrialisés dominent. Nous devons demander à ces pollueurs mondiaux de rendre des comptes.
— Titi Soentoro, Aksi! Indonesia
Les voies de la transition juste et les objectifs de financement du climat pour l'après-2025 : Comprendre les forces et les faiblesses

Le programme de travail pour une transition juste (JTWP) a été établi lors de la COP27 en Égypte pour répondre aux défis sociaux et économiques découlant de la transition vers des économies à faibles émissions de carbone, en cherchant à rendre la transition équitable et inclusive, en promouvant la protection des travailleur-euse-s et des communautés affectées. Cependant, le processus a été plutôt lent et n’a pas réussi à aborder des questions importantes, telles que les impacts de l’extraction de minerais essentiels à la transition.

À Bonn, les parties ne se sont entendues que sur des conclusions procédurales, mais les organisations de la société civile ont plaidé en faveur de l’inclusion des principes d’une transition juste et des impacts de l’action climatique sur tous les droits humains : droits du travail, droits sociaux, droits économiques et droits environnementaux. La dimension de justice doit également prendre en compte les différences d’impact de la transition dans les différentes régions de la planète, par exemple les impacts de l’extraction des minéraux essentiels à la transition sur les écosystèmes sensibles, mettant en danger les communautés vulnérables et répétant les problèmes que l’extraction des combustibles fossiles a entraînés dans le passé.
— Javier Dávalos González, Interamerican Association for Environmental Defense (AIDA)

S’alignant sur les mouvements de justice climatique à l’échelle mondiale, les membres continuent d’affirmer que la principale cause de la crise climatique actuelle est l’utilisation des combustibles fossiles, qui ont permis aux économies du Nord de se développer. Cependant, comme cela s’est produit lors des négociations, les pays du Nord continuent de refuser de payer leur dette climatique et insistent plutôt sur le fait que chaque pays devrait payer pour sa propre transition.

Au cours des négociations du SB60, nous avons assisté à de nombreuses tentatives de la part des pays du Nord pour faire de la transition juste une action nationale dans les pays du Sud. Une transition sera juste si elle s’attaque aux causes profondes des crises climatiques, en particulier les échanges, les dettes et l’architecture financière qui sont les goulets d’étranglement systémiques, ainsi que les aspects sociaux, culturels, sexospécifiques et environnementaux.
— Wanun Permpibul, Climate Watch Thailand

Un certain nombre de questions restent très controversées, notamment en ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique. Les négociations sur le NCQG devraient être conclues lors de la COP29 en Azerbaïdjan, dans le but de remplacer les 100 milliards de dollars promis lors de la COP15 à Copenhague. Des débats subsistent sur les ambitions globales (quantum), le montant (quantité) requis, le calendrier et le processus de révision de l’objectif. Qui devrait payer et à quoi devrait ressembler le mécanisme de transparence ?

Protest Bonn
© 2024 Teo Ormond-Skeaping/Loss and Damage Collaboration

Les pays du Sud continuent d’appeler à un financement sous forme de dons afin d’éviter un endettement supplémentaire au nom des actions climatiques et ont souligné que l’objectif devrait être centré sur l’apport de fonds publics par les pays du Nord. Toutefois, l’Union européenne a fait valoir que toutes les sources de financement doivent être mobilisées, y compris les sources privées, internationales et nationales.

Alors que le SB60 touche à sa fin, il est très préoccupant de voir comment les pays du Nord continuent de bloquer les actions climatiques urgentes et de détourner la conversation lorsqu’il s’agit des moyens de mise en œuvre et de financement. Sans engagements concrets et adéquats de la part des pays riches et industrialisés, les prochains SB se concluront sans aucun progrès significatif. Nous demandons aux pays du Nord de ne pas répéter l’histoire et de s’attaquer sérieusement à l’aggravation de la crise climatique.
— Ranjana Giri, Asia Pacific Forum on Women, Law and Development