Rapport de l’atelier sur la critique systémique: "Recentrer le système d’aide et de soins, promouvoir la justice en matière de dette" (Buenos Aires, Argentine)

Date de publication : 
Vendredi, 28 juillet 2023

12-16 juin 2023

30 membres du Réseau-DESC provenant de plus de 15 pays se sont réunis à Buenos Aires (Argentine) du 12 au 16 juin 2023, à l’occasion de notre troisième atelier consacré à la critique systémique et intitulé « Recentrer le système d’aide et de soins, promouvoir la justice en matière de dette ». Le projet de critique systémique est une initiative d’éducation politique lancée au sein du réseau qui a permis de mettre en place un espace dédié aux échanges et apprentissage vitaux sur le système économique capitaliste néolibéral dominant, avec pour objectif de promouvoir des visions alternatives pour l’avenir destinées à faire des droits humains et de la justice sociale une réalité en faveur de tou·tes.

Ce tout dernier atelier a porté sur les liens existant entre les crises de la dette, les crises du système d’aide et de soins et les crises climatiques. Collectivement, les membres ont présenté une analyse intersectionnelle partagée, soulignant l’importance de comprendre les répercussions des crises dites de la dette tenant compte du genre, en les connectant de manière explicite à la crise du système d’aide et de soins. Pour la première fois, des membres représentant le Groupe de travail sur les politiques économiques (PE) et le Groupe de travail sur les femmes et les DESC ont pu se réunir en personne pour apprendre, partager, élaborer des stratégies et nouer de vraies relations de solidarité.

Grâce à cet atelier, les membres du Réseau-DESC ont pu commencer à analyser les liens profondément ancrés entre les crises du système d’aide et de soins et les crises de la dette. Les membres du Groupe de travail sur les politiques économiques ont réfléchi au rôle essentiel joué par les travailleur·es sociaux·ales dans la mise en place de la reproduction sociale nécessaire au fonctionnement de notre société. Dan Owala (PHM Kenya) a indiqué qu’il n’avait pas réalisé à quel point le secteur de l’aide et des soins était déterminant et qu’il avait eu un déclic en pensant à ce qui se passerait si tou·tes les travailleur·es de ce secteur se mettaient en grève. Tout au long de l’atelier, les liens directs entre la dette souveraine et la dette des ménages ont mis en évidence la nécessité de disposer d’une meilleure analyse féministe intersectionnelle lorsque l’on aborde ces questions. Les membres des deux groupes de travail ont estimé que l’espace était productif et inspirant, et qu’il existait une volonté évidente de créer un nombre plus important d’espaces pour élargir l’éducation politique à l’ensemble des membres.

Après avoir consacré beaucoup de temps à expliquer le concept, l’histoire et les incidences des crises de la dette et des crises du système d’aide et de soins, l’atelier a également permis aux membres d’imaginer un monde nouveau, en approfondissant leur réflexion sur ce à quoi pourrait ressembler une économie véritablement solidaire et les implications d’une telle expérience.

Les membres ont d’abord discuté des crises actuelles de la dette, soulignant les graves injustices auxquelles les communautés sont confrontées en raison de dettes injustes et illégitimes. Comme l’a fait remarquer à juste titre Radiatu Sheriff (NRWP), « nous payons le prix de décisions que nous n’avons pas prises », un sentiment largement partagé par les membres qui ont fait le lien entre les décisions prises par les puissances coloniales et la dette elle-même, « une forme de colonialisme », selon Carolina Tamagnini (FUNDEPS). C’est une entrave qui tient en otage plusieurs générations au sein de nos communautés.

« Nous savons que cette dette ne sera pas payée avant de nombreuses années et que nos enfants et petits-enfants seront condamnés à la payer. » - Juana Toledo (Consejo de Pueblos Wuxtaj).

Il était essentiel pour les membres d’établir des liens entre la dette et le patriarcat, en soulignant les impacts sexospécifiques des crises de la dette sur les femmes et les personnes d’autres genres opprimés. Comme l’a affirmé Hans Cediel (RIPESS LAC), « nous devons surmonter le patriarcat en combattant le capitalisme. »

La pandémie a mis en lumière à quel point les activités d’aide et de soins à la personne et les travailleur·es de ce secteur sont indispensables, mais elle a également montré dans quelle mesure ce type de travail est invisibilisé et sous-évalué. 

« Ce qui est rendu visible, c’est le travail des hommes, qui est valorisé à un certain niveau, alors que le travail des femmes est souvent invisible et non valorisé » - Norma Palacios (SINACTRAHO).

Les membres ont confronté leurs visions transformatrices au système économique néolibéral actuel, qui s’appuie sur l’extraction, l’exploitation et l’oppression pour assurer sa pérennité. Ils ont commencé à élaborer une vision collective d’une économie solidaire centrée sur les principes d’attention, de coopération et de solidarité. Cette économie donnerait la priorité à l’attention portée aux autres, à la terre nourricière et aux générations à venir. Le travail d’aide et de soins est ce qui rend tout travail possible, c’est ce qui maintient la vie. Les membres ont souligné la nécessité de consolider un mouvement mondial qui relie les demandes collectives de justice en matière de dette et d’environnement, dans un cadre basé sur l’aide et le soin.

L’organisation de l’atelier avec le CELS, notre membre en Argentine, a permis à des membres du Réseau-DESC issus de différents pays d’ancrer les conversations dans une riche histoire d’organisation et de résistance. Nous avons eu la chance de pouvoir créer un espace dans lequel les membres ont pu entrer en contact direct avec des mouvements sociaux locaux et des militant·es qui luttent depuis longtemps pour l’égalité des genres et la justice économique. Des leaders des mouvements de La Garganta Poderosa, un mouvement révolutionnaire latino-américain né dans les quartiers informels de Buenos Aires, ainsi que des leaders féministes de base du mouvement Ni Una Menos, ont partagé leurs expériences, donnant aux membres le temps d’apprendre et de mieux comprendre.

Au fil de la semaine, nous avons commencé à faire des progrès importants en termes de consolidation de nos objectifs de plaidoyer et de campagne. Les membres ont identifié plusieurs espaces de plaidoyer clés sur lesquels nous devrions nous concentrer pour promouvoir les revendications portant sur la justice en matière de dette et un nouveau pacte social pour l’aide et les soins. Les membres ont accordé la priorité aux réunions annuelles à venir du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, au contre-sommet prévu, à la COP28, et à la 112e session de la Conférence de l’Organisation internationale du travail (OIT) (2024).

Lors de la réflexion sur les revendications actuelles portant sur la justice en matière de dette, les membres se sont clairement engagés à trouver davantage de moyens d’articuler explicitement la question de l’aide et des soins à celle de la dette dans l’analyse en cours. Il s’agit notamment de faire le point sur les revendications des membres sur la justice en matière de dette et d’intégrer un volet plus important sur cette question dans le Pacte social pour l’aide et les soins élaboré par les membres.