Sous l’hégémonie néolibérale des États-Unis, la dette est devenue un instrument de plus en plus puissant au service de l’impérialisme économique, redéfinissant les politiques économiques et favorisant la privatisation continue au profit d’intérêts privés étroits. L’histoire longue des dettes imposées à de nombreux pays, ainsi que des politiques colonialistes qui ont entravé leur accès aux marchés mondiaux des capitaux, est non seulement injuste, mais aussi accablante. En effet, ces dettes étaient pratiquement impossibles à rembourser sans contracter de nouveaux emprunts. En cas de défaut de paiement, les pays se voient exclus des marchés mondiaux des capitaux, les privant de la possibilité d’acheter des biens essentiels pour leur population. Dans de telles situations, ces pays se tournent souvent vers le FMI en tant que prêteur de dernier recours. Cependant, les prêts du FMI sont assortis de conditionnalités néolibérales, telles que des programmes d’ajustement structurel, des mesures d’austérité et des stratégies de réduction de la pauvreté. Ces conditionnalités ont forcé les pays, en collaboration avec les détenteurs de dettes privées et publiques, à prioriser le remboursement de la dette, ce qui a entraîné la privatisation (la vente de biens et de services publics), la réduction des dépenses publiques et des allocations de retraite, l’instauration de taxes à la valeur ajoutée (TVA) régressives, la déréglementation du marché du travail, et ainsi de suite. Un exemple concret se trouve au Gabon, où les mesures d’austérité imposées par le FMI ont englobé une réduction substantielle des dépenses publiques et une diminution du déficit budgétaire, passant de 6,6 % du PIB en 2016 à 4,6 % en 2017. Ces mesures ont eu un impact significatif sur la capacité du secteur de la santé à fournir des services. En conséquence, le système de santé public au Gabon s’est effondré, les régimes d’assurance publique ont été affectés, et les citoyens se sont retrouvés dans une situation de vulnérabilité, confrontés à des dépenses imprévues qui ont souvent plongé les familles dans la pauvreté.
Lors de sa création en 1980, le Zimbabwe a hérité d’une dette de 700 millions de dollars du gouvernement rhodésien dirigé par Ian Smith. Ces emprunts avaient été utilisés pour acheter des armes dans les années 1970, en dépit des sanctions de l’ONU. Le Royaume-Uni a octroyé des prêts qualifiés d'”aide” qui étaient liés à l’achat par le Zimbabwe de produits de sociétés britanniques comme General Electric et Westinghouse. De même, l’Espagne a prêté de l’argent pour l’achat d’avions militaires fabriqués par des entreprises espagnoles. De plus, le Royaume-Uni a fourni de nouveaux prêts au gouvernement zimbabwéen pour l’achat d’avions Hawk de fabrication britannique, qui ont ensuite été utilisés dans le cadre de la deuxième guerre du Congo. Cette guerre a impliqué le Zimbabwe ainsi que plusieurs autres pays africains dans le conflit en République démocratique du Congo en 1998. Ces nouveaux prêts ont été en partie destinés à régler les dettes héritées de la Rhodésie, à financer la reconstruction d’après-guerre et à faire face à une sécheresse majeure au début des années 1980. Cependant, la majeure partie de ces prêts a finalement bénéficié à des entreprises espagnoles et britanniques, au détriment de l’augmentation de la dette du Zimbabwe.
Qu’est-ce que l’emprise des entreprises ?
Les membres du Réseau-DESC définissent le terme « emprise des entreprises » comme le processus par lequel une élite économique exerce son influence sur les décideurs nationaux et internationaux ainsi que sur les institutions publiques, compromettant ainsi la réalisation des droits humains et la préservation de l’environnement. Les éléments de l’emprise des entreprises identifiés par les membres du Réseau comprennent diverses pratiques, telles que la manipulation des communautés, la diplomatie économique, l’ingérence dans le système judiciaire, l’influence sur la législation et la politique, la privatisation des services de sécurité publique, les « portes tournantes » (lorsque des individus passent du secteur privé au secteur public et vice versa) et la création de récits qui servent les intérêts de l’élite économique.