Summary
Les requérants étaient des travailleurs à faible revenu qui avaient obtenu des petits prêts d'une société de prêt. Lorsque par la suite, ils n’ont pas été en mesure d’assurer les remboursements des prêts, la société a exigé qu'ils signent des documents supplémentaires qui ont abouti à des jugements par défaut et à des ordonnances de saisie des émoluments (OSE), obtenues par des fournisseurs de crédit et émises par des greffiers des tribunaux de première instance éloignés des lieux de résidence et de travail des requérants, rendant la contestation de ces ordonnances très difficile. Dans certains cas, leurs signatures, ayant permis aux fournisseurs de crédit d'obtenir les OSE, ont été falsifiées. Le montant considérable déduit des salaires des débiteurs les a laissés avec un revenu insuffisant pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles.
En septembre 2014, la Clinique d’aide juridique de l’Université de Stellenbosch (Clinique d’aide juridique) et d'autres ont entamé des procédures devant la Haute Cour du Cap occidental (Haute Cour) afin d’obtenir une ordonnance déclarant les OSE invalides, nulles et sans effet. La Clinique d’aide juridique a affirmé que les ordonnances étaient illégales du fait qu'elles étaient fondées sur des documents frauduleux et avaient été émises par des greffiers de la Cour qui n'avaient pas le pouvoir de les accorder. Ils ont également demandé une ordonnance déclarant que la loi sur les Magistrates Courts (Magistrates’ Court Act –MCA) qui prévoit une méthode rapide de recouvrement de créances, ne permette pas à un débiteur judiciaire de consentir à la compétence d'un tribunal autre que le tribunal de la région où ce dernier réside ou travaille. Les requérants ont également contesté la validité constitutionnelle de la MCA dans la mesure où elle ne prévoit pas de contrôle judiciaire dans de telles circonstances.
En juillet 2015, en déclarant les OSE émises contre les requérants, illégales, invalides, nulles et sans effet, la Haute Cour a conclu que : 1) certains termes de l'article 65 (J) (2) de la MCA étaient inconstitutionnels dans la mesure où ils n’avaient pas prévu de contrôle judiciaire ; et (2) que l'article 45 de la MCA ne permettait pas aux débiteurs de consentir à la compétence d’un tribunal autre que le tribunal de la région où ils résident ou travaillent.
En appel, la Cour constitutionnelle n'a pas confirmé l'invalidité constitutionnelle de l'ordonnance de la Haute Cour, mais a plutôt exigé une modification du libellé de l’article 65 (J) (2) (a) et (b) de la MCA afin que le cadre législatif soit conforme à l'article 34 de la Constitution (qui stipule « qu’en cas de litige, toute personne a le droit que le différend soit résolu par l'application d'une loi lors d’un procès public et équitable devant un tribunal ou, le cas échéant, devant un tribunal ou un forum indépendant et impartial ». ) La Cour a confirmé l'obligation juridique de prendre en compte certains facteurs dans chaque demande d’OSE (c’est à dire, la nature du revenu du débiteur, le montant dont il a besoin pour assurer sa propre subsistance et celle de ses personnes à charge) afin de garantir que chaque ordonnance ne s'applique qu’aux fonds qui excèdent le montant permettant au débiteur d’assurer sa propre subsistance et celle de ses personnes à charge. La Cour a noté que cette obligation était compatible avec le droit international applicable, à savoir la Convention sur la protection du salaire de l'Organisation internationale du travail.
Dans son raisonnement, la Cour a souligné que le manque de contrôle judiciaire menace « les moyens de subsistance et la dignité des personnes à faible revenu, un groupe particulièrement vulnérable dans notre société » et « ... qu’éliminer le revenu de base que les débiteurs démunis utilisent comme moyen de subsistance, sans aucun contrôle judiciaire, se heurte au droit à la dignité (qui est à la base de tous les droits socio-économiques tels que les droits au logement, à l'alimentation et à la santé) ».