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Lundi, Janvier 30, 2017
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Nature of the Case

Cette affaire de la Cour constitutionnelle s’est axée sur le contrôle judiciaire des pratiques de recouvrement de créances en Afrique du Sud, par des sociétés de prêt contre des travailleurs à faible revenu. La Cour a reformulé la législation pertinente afin de garantir qu'aucune ordonnance de déduction des paiements des salaires des personnes en défaut de paiement de petits prêts, ne puisse être effectuée sans un contrôle judiciaire adéquat. Notamment, aucune ordonnance de ce genre ne peut être émise sans qu'un magistrat, et non pas un simple greffier de la Cour, ait autorisé l'ordonnance après s’être assuré que l'ordonnance soit juste et équitable et appropriée compte tenu des circonstances financières du débiteur.

Summary

Les requérants étaient des travailleurs à faible revenu qui avaient obtenu des petits prêts d'une société de prêt. Lorsque par la suite, ils n’ont pas été en mesure d’assurer les remboursements des prêts, la société a exigé qu'ils signent des documents supplémentaires qui ont abouti à des jugements par défaut et à des ordonnances de saisie des émoluments (OSE), obtenues par des fournisseurs de crédit et émises par des greffiers des tribunaux de première instance éloignés des lieux de résidence et de travail des requérants, rendant la contestation de ces ordonnances très difficile. Dans certains cas, leurs signatures, ayant permis aux fournisseurs de crédit d'obtenir les OSE, ont été falsifiées. Le montant considérable déduit des salaires des débiteurs les a laissés avec un revenu insuffisant pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. 

En septembre 2014, la Clinique d’aide juridique de l’Université de Stellenbosch (Clinique d’aide juridique) et d'autres ont entamé des procédures devant la Haute Cour du Cap occidental (Haute Cour) afin d’obtenir une ordonnance déclarant les OSE invalides, nulles et sans effet. La Clinique d’aide juridique a affirmé que les ordonnances étaient illégales du fait qu'elles étaient fondées sur des documents frauduleux et avaient été émises par des greffiers de la Cour qui n'avaient pas le pouvoir de les accorder. Ils ont également demandé une ordonnance déclarant que la loi sur les Magistrates Courts (Magistrates’ Court Act –MCA) qui prévoit une méthode rapide de recouvrement de créances, ne permette pas à un débiteur judiciaire de consentir à la compétence d'un tribunal autre que le tribunal de la région où ce dernier réside ou travaille. Les requérants ont également contesté la validité constitutionnelle de la MCA dans la mesure où elle ne prévoit pas de contrôle judiciaire dans de telles circonstances.                                                                                          

En juillet 2015, en déclarant les OSE émises contre les requérants, illégales, invalides, nulles et sans effet, la Haute Cour a conclu que : 1) certains termes de l'article 65 (J) (2) de la MCA étaient inconstitutionnels dans la mesure où ils n’avaient pas prévu de contrôle judiciaire ; et (2) que l'article 45 de la MCA ne permettait pas aux débiteurs de consentir à la compétence d’un tribunal autre que le tribunal de la région où ils résident ou travaillent.

En appel, la Cour constitutionnelle n'a pas confirmé l'invalidité constitutionnelle de l'ordonnance de la Haute Cour, mais a plutôt exigé une modification du libellé de l’article 65 (J) (2) (a) et (b) de la MCA afin que le cadre législatif soit conforme à l'article 34 de la Constitution (qui stipule « qu’en cas de litige, toute personne a le droit que le différend soit résolu par l'application d'une loi lors d’un procès public et équitable devant un tribunal ou, le cas échéant, devant  un tribunal ou un forum indépendant et impartial ». ) La Cour a confirmé l'obligation juridique de prendre en compte certains facteurs dans chaque demande d’OSE (c’est à dire, la nature du revenu du débiteur, le montant dont il a besoin pour assurer sa propre subsistance et celle de ses personnes à charge) afin de garantir que chaque ordonnance ne s'applique qu’aux fonds qui excèdent le montant permettant au débiteur d’assurer sa propre subsistance et celle de ses personnes à charge. La Cour a noté que cette obligation était compatible avec le droit international applicable, à savoir la Convention sur la protection du salaire de l'Organisation internationale du travail.

Dans son raisonnement, la Cour a souligné que le manque de contrôle judiciaire menace « les moyens de subsistance et la dignité des personnes à faible revenu, un groupe particulièrement vulnérable dans notre société » et « ... qu’éliminer le revenu de base que les débiteurs démunis utilisent comme moyen de subsistance, sans aucun contrôle judiciaire, se heurte au droit à la dignité (qui est à la base de tous les droits socio-économiques tels que les droits au logement, à l'alimentation et à la santé) ».

Enforcement of the Decision and Outcomes

Bien que les OSE émises contre les requérants aient été déclarées non fondés et rejetées, l'ordonnance de la Cour concernant la MCA ne s'applique pas rétroactivement aux autres OSE en place. L’arrêt n’aborde pas non plus la validité des créances judiciaires sous-jacentes. Chaque cas doit encore être étudié individuellement. L'ordonnance garantit cependant que les fournisseurs de crédit ne puissent plus demander d’OSE dans des juridictions inexactes ou auprès des greffiers. Une OSE ne peut être émise que si un magistrat l’a autorisée après avoir examiné les circonstances du débiteur.

Significance of the Case

Les créances irrécouvrables et les OSE qui en résultent alimentent une grande entreprise de recouvrement de créances en Afrique du Sud, ce qui a des répercussions sur la vie de millions de personnes dans toutes les régions du pays. En 2007, le « Summit Financial Partners » a vérifié 70 000 des 1,75 millions d’OSE et a constaté des abus de « ... plus d'un milliard de rands qui ont été déduits d’emprunteurs déjà en difficulté et qui se sont retrouvés dans les poches de prêteurs peu scrupuleux ». (SJH van der Merwe. Manquement aux obligations: Une discussion sur le recours juridique insuffisant accordé aux débiteurs judiciaires dans le contexte sud-africain, 2008, http://scholar.sun.ac.za/handle/10019.1/79636) Dans le cas d’espèce, les documents judiciaires ont démontré que (en date juin 2013), l'industrie du crédit commercial en Afrique du Sud soutenait 20 millions de consommateurs de crédits pour une population de 52 millions d'habitants.

La Clinique d’aide juridique a initié des procédures dans le cadre de plus de 10 ans d'interventions ad hoc et de recherches concluantes confirmant l'abus généralisé des OSE. (Theo Broodryk, Coordinateur de la clinique d’aide juridique de l’Université de Stellenbosch, courriel à Alexis Ekert, envoyé le 16 janvier 2017) Il sera probablement impossible de mesurer un jour l'impact social et économique complet qu’ont eu les collectes illicites de créances sur la vie des débiteurs et de leurs familles. Compte tenu de la stigmatisation associée à la dette, la majorité des gens portent ce fardeau en silence avec un sentiment de honte. Et pourtant, les gens se retrouvent dans cette situation non seulement en raison de leur propre irresponsabilité, mais en raison d'une combinaison de facteurs. Ces facteurs incluent souvent une publicité et un marketing agressifs, des prêts imprudents, une industrie du crédit jusqu’alors non réglementée, une absence de politiques et de lois appropriées en matière de crédit, des désavantages historiques, un manque d'éducation des consommateurs et une détresse pour satisfaire des besoins fondamentaux tels que la nourriture et l’habillement. (Theo Broodryk, Coordinateur de la clinique d’aide juridique de l’Université de Stellenbosch, courriel à Alexis Ekert, envoyé le 16 janvier 2017)

Dans le cadre de pratiques répandues de recouvrement de créances exerçant d’importantes pressions économiques et autres sur les travailleurs vulnérables à faible revenu, l’arrêt confirme au plus haut point que l'accès à la justice requiert, entre autres, un contrôle judiciaire approprié qui prenne en compte les circonstances particulières de chaque cas.

Groups Involved in the Case

Clinique d'aide juridique de l'Université de Stellenbosch, Commission sud-africaine des droits de l'homme