Summary
Leopoldo Zumaya et Francisco Berumen Lizalde ont tous les deux été blessés sur leur lieu de travail alors qu’ils travaillaient aux États-Unis sans autorisation de travail. Ils ont tous les deux subi des séquelles physiques et se sont vu refuser l’accès à une compensation uniquement en raison de leur statut migratoire. M. Zumaya a déposé une demande d’indemnité pour accident du travail mais a dû se contenter d’une petite partie seulement de ce qu’il aurait reçu s’il avait été résident permanent ou citoyen des États-Unis. M. Lizalde a été arrêté et expulsé au Mexique -apparemment en réponse directe à sa demande d’indemnité pour accident de travail- et n’a donc pas pu donner suite à cette demande.
Une pétition a été soumise en leur nom auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (Commission), alléguant des violations de plusieurs articles de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme (Déclaration américaine). Ils ont affirmé, en particulier, que la discrimination en fonction du statut migratoire résulte d’une décision de la Cour suprême américaine Hoffman Plastic Compounds, Inc. v. NLRB, 535 U.S. 137 (2002) – qui a statué que les travailleurs sans-papiers renvoyés pour des actions syndicales ne pouvaient pas recevoir d’arriérés de salaire comme compensation – et qu’Hoffman a été indûment étendu au niveau étatique des cours américaines afin de refuser toute forme de protection aux travailleurs sans-papiers dans d’autres contextes, ce qui comprend l’accès à une indemnité dans les cas de préjudice corporel, la protection contre la discrimination, et la responsabilité de l’employeur dans les accidents du travail, qui débouchent souvent sur une intimidation des travailleurs sans-papiers dans le but de les dissuader de recourir au système judiciaire.
La Commission a déclaré que les États-Unis violaient les droits de l’article II (égalité devant la loi) et XVI (sécurité sociale) pour les deux hommes. Elle a aussi déclaré qu’il y avait violation des articles XVII (reconnaissance de la personnalité juridique et droits civiques) et XVIII (procès équitable) pour M. Lizalde. En ce qui concerne l’article II, elle a examiné la signification de “discrimination” en vertu de documents sur les droits de l’homme dont la Déclaration américaine, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, comme énoncé par la cour interaméricaine des droits de l’homme dans son avis consultatif OC-18, qui aborde les droits juridiques des travailleurs en situation irrégulière. Tout en reconnaissant que les États ne sont pas obligés de fournir un accès à l’emploi aux personnes en situation irrégulière, la Commission a considéré qu’il était obligatoire, lorsqu’une relation professionnelle débutait, de fournir une protection juridique aux employés, quel que soit leur situation au regard de l’immigration. La Commission a remarqué un précédent dans plusieurs États des États-Unis qui soutient une distinction entre les employés légaux et illégaux dans les recours auxquels ces travailleurs ont droit, ce qui est dû en partie à Hoffman. Dans ce contexte, la Commission a déclaré que les États-Unis ont manqué à leur obligation de fournir une protection égale à tous les travailleurs.
En discutant le droit à la sécurité sociale, la Commission a constaté que la Charte de l’Organisation des États Américains (Charte de l’OEA) et plusieurs autres sources de droit international requièrent des systèmes qui incluent une compensation pour des accidents du travail et une rémunération lorsque le travailleur/se n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins. La Commission a considéré que les programmes de compensation des travailleurs existants aux États-Unis relèvent du cadre de la “sécurité sociale” dans la mesure où ils cherchent à fournir des protections aux travailleurs se retrouvant dans des situations vulnérables, mais a déclaré qu’aucun des pétitionnaires n’a pu avoir accès aux avantages de ces programmes.
La Commission a aussi déclaré que les États-Unis ont violé les articles XVII et XVIII de la Déclaration américaine dans le cas de M.Lizalde, en raison des poursuites judiciaires, de la détention et de l’expulsion qui a suivi, en réponse à sa demande d’indemnisation pour accident du travail. La Commission a considéré que le droit au travail correspond à l’un des “droits civils”de l’article XVII, et a soutenu que l’absence de recours approprié pour les violations sur le lieu de travail prive les travailleurs à la fois des “conditions décentes” qui leur sont dues en vertu de la charte de l’OEA, et la reconnaissance de leur préjudice conformément à la loi. L’article XVIII garantit un accès équitable aux tribunaux lorsque les droits fondamentaux sont violés. Alors que les États devraient fournir un cadre juridique accessible et efficace pour protéger les droits des travailleurs, aucun des pétitionnaires n’a eu accès à une audience pleine et équitable. La Commission a déclaré que les obstacles rencontrés par les travailleurs sans-papiers aux États-Unis lorsqu’ils essaient de revendiquer leurs droits les amènent à être exploités et discriminés sans vraie protection. La Commission a fait remarquer qu’une demande d’indemnisation pour accident du travail n’était pas suffisante pour suspendre l’expulsion, dans la mesure où les demandes provenant de travailleurs sans-papiers ne seraient probablement pas examinées adéquatement.
La Commission a recommandé aux États-Unis de: fournir une compensation monétaire; de s’assurer que toutes les lois et politiques fédérales et étatiques, à première vue mais aussi dans les faits, interdisent toutes distinctions dans les droits relatifs au travail du fait du statut migratoire et de la possession ou non d’autorisation de travail, à partir du moment où une personne commence à travailler comme employé; défendent aux employeurs de poser des questions sur le statut migratoire d’un travailleur respectant ainsi ses droits liés au travail dans les contentieux ou dans les cas de plaintes administratives; assurer que les travailleurs en situation irrégulière bénéficient des mêmes droits et recours que les travailleurs légaux dans les cas de violations de leurs droits sur le lieu de travail; établir une procédure selon laquelle les travailleurs en situation irrégulière impliqués dans des procédures d’indemnisations pour accident du travail, ou leurs représentants, peuvent demander la suspension de leur expulsion jusqu’à ce que la procédure ait été résolue et que les travailleurs aient reçu le traitement médical adéquat, tel qu’ordonné par les tribunaux; et améliorer et développer le repérage d’employeurs violant les droits liés au travail et exploitent les travailleurs sans-papiers, et leur imposer des sanctions adéquates.