Summary
L’Avis consultatif a été demandé par le Costa Rica, qui souhaitait obtenir des précisions sur les obligations relevant de la CADH concernant l’identité de genre et l’union entre personnes du même sexe et leur application à son ordre juridique interne.
Le 24 novembre 2017, la Cour a rendu l’avis consultatif selon lequel elle reconnaissait que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression du genre sont des catégories protégées par les garanties d’égalité et de non-discrimination prévues dans la Convention.Selon la Cour, l’article 1(1) de la CADH interdit la privation ou la restriction de droits « reconnus à la personne » au motif de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de l’expression du genre.Par conséquent, toute mesure publique donnant lieu à un traitement différencié des personnes appartenant à l'une de ces catégories doit satisfaire à trois critères :1) le but poursuivi doit être impérieux ; 2) les moyens doivent être adéquats, contribuer effectivement à la réalisation du but et être nécessaires (c’est-à-dire, ne pouvant être remplacés par des moyens moins préjudiciables) ; et 3) la mesure doit être proportionnelle au sens strict, c’est-à-dire que ses bénéfices doivent l’emporter nettement sur les restrictions imposées aux principes des droits humains. La Cour a souligné que la controverse ou le manque de consensus entourant les questions relatives aux LGTBQ ne peuvent servir à justifier une restriction des droits humains.
La Cour a reconnu le droit à une rectification complète des données inscrites aux registres publics pour les faire correspondre à la perception de sa propre identité de genre aux termes des articles 18 (droit à un nom), 3 (droit à la reconnaissance de la personnalité juridique), 11(2) (droit au respect de la vie privée) et 7 conjugué à 11(2) (droit au libre développement de la personnalité) de la Convention. Pour en arriver à sa conclusion, la Cour a fait observer que :
l’identité de genre [est] l’expérience interne et individuelle du genre ressentie par chaque personne, qui peut correspondre ou non au sexe assigné à la naissance.[L]e sexe, ainsi que les identités, attributs et rôles socialement construits qui sont attribués aux différences biologiques correspondant au sexe assigné à la naissance, loin de constituer des caractéristiques objectives et immuables de l’état civil qui individualise la personne – du fait de leur nature physique ou biologique – sont finalement des caractéristiques qui dépendent de l’appréciation subjective de la personne concernée, et repose sur la construction d’une identité de genre autoperçue, qui dépend du libre développement de la personnalité, de l’autodétermination sexuelle et du droit au respect de la vie privée.Par conséquent, quiconque décide d’assumer cette identité de genre est titulaire d’intérêts protégés par la loi, qui ne peuvent faire l’objet d’aucune restriction du simple fait que la société dans son ensemble ne partage pas des styles de vie particuliers et singuliers, en raison de peurs, de stéréotypes et de préjugés sociaux et moraux dénués de fondement raisonnable.
Les États sont donc obligés de reconnaître, règlementer et mettre en place les procédures correspondantes de rectification des registres publics conformément à l’obligation qui revient à l’État de garantir le droit à l’égalité et à la non-discrimination (articles 1(1) et 24 de la Convention américaine). En particulier, la Cour a souligné que ces procédures doivent : a) être adaptées intégralement pour rendre compte de l’identité de genre définie par la personne présentant la demande ; b) être fondées uniquement sur le consentement libre et éclairé de la personne présentant la demande, sans exigences excessives ou pathologisantes, comme des certificats médicaux ou psychologiques ou des rapports de police ; c) être confidentielles ; d) être rapides et peu coûteuses ; et e) ne pas exiger d'attestation de traitement chirurgical ou hormonal. La Cour a signalé que ces procédures doivent être accessibles aux enfants ainsi qu’aux adultes. Tout en signalant que les États jouissent d’une certaine latitude pour déterminer les mécanismes juridiques nécessaires à la réalisation de ces objectifs, la Cour a fait observer qu’une simple procédure administrative gratuite serait idéale.
Concernant l’union entre personnes du même sexe, la Cour a reconnu que celle-ci était protégée par les articles 11(2) (protection de la vie privée et familiale), 17 (protection de la famille) et 1(1) conjugué à 24 (égalité et non-discrimination) de la Convention. L’État doit donc reconnaître tous les droits liés aux relations entre personnes de même sexe au même titre que pour les couples hétérosexuels, ce qui pourrait comprendre les aspects concernant les impôts, l’héritage, les droits de propriété, les règles de succession, le pouvoir de prendre des décisions d’ordre médical, les droits et bénéfices des survivant-e-s, les certificats de naissance et de décès, les normes d’éthique professionnelle, les restrictions financières aux contributions électorales, les indemnités pour accidents de travail, l’assurance-santé et la garde des enfants. L’État doit également garantir aux couples de même sexe le plein accès à tous les mécanismes prévus dans sa législation interne, dont le droit au mariage.