Nature of the Case
Affaire de la Cour suprême confirmant l’obligation de l’État de fournir au peuple Naso des droits collectifs à la terre sous la forme d’une comarca.
Affaire de la Cour suprême confirmant l’obligation de l’État de fournir au peuple Naso des droits collectifs à la terre sous la forme d’une comarca.
Le peuple Naso Tjer Di est considéré comme l’un des sept peuples autochtones qui ont traditionnellement habité le Panamá. Leur occupation de la province de Bocas del Toro est attestée depuis avant le XIXe siècle.
En 2018, l’Assemblée législative de Panamá a envoyé le projet de loi n° 656 au président pour qu’il le signe. Le projet de loi n° 656 vise à créer la région Naso et à officialiser la propriété des terres, sous la forme d’une comarca (région traditionnelle ou division administrative locale des terres), au peuple Naso. Au lieu de signer le projet de loi, le président de l’époque a déclaré qu’il était inapplicable parce qu’inconstitutionnel. Au Panamá, les articles 171 de la Constitution et 2555-56 du Code judiciaire permettent au pouvoir exécutif de demander à la Cour de statuer sur la constitutionnalité d’un projet de loi qui n’a pas encore reçu de « vie juridique ». Cette affaire a été introduite en vertu de ce mécanisme. Le président a fait valoir que les terres à donner au peuple Naso étaient des terres protégées et que les réglementations existantes de l’État ne reconnaissaient pas les droits de propriété collective.
La Cour a souligné que l’article 127 de la Constitution définit spécifiquement l’obligation de l’État de fournir des terres aux peuples autochtones par le biais de la propriété commune. L’article stipule expressément que l’appropriation privée de ces terres est interdite. La Cour cite également la Convention 107 de l’Organisation internationale du travail sur les populations autochtones et tribales, que le Panamá a adoptée. Les articles 11 et 13 de cette convention portent sur l’octroi de droits de propriété aux autochtones. En outre, la Cour déclare que l’adoption par le pays de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones signifie que le pays doit respecter les articles de la Déclaration. Bien que les droits de propriété collective ne correspondent pas nécessairement aux conceptions traditionnelles de la propriété, la Cour a déjà établi qu’ils méritent une protection égale en vertu de l’article 21 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. À la lumière de ces lois, la Cour déclare que les peuples autochtones du Panama ont droit aux terres, territoires et ressources qu’ils ont traditionnellement et ancestralement possédés, occupés, utilisés ou acquis. Étant donné que le pays envisage de transférer certaines terres aux peuples autochtones en tant que droit protégé par la Constitution, il serait incohérent de soumettre la propriété collective aux mêmes exigences juridiques que la propriété privée. La Cour rappelle également aux parties que le Panamá a déjà défendu ces droits en accordant de nombreuses comarcas aux communautés autochtones.
En ce qui concerne le caractère protégé des terres en question, la Cour examine les nombreuses façons dont les communautés autochtones sont d’importants protecteurs de la terre et de l’environnement, et donc le fait qu’elles habitent les terres en question ne portera pas atteinte à leur statut de protection. Le mode de vie des autochtones est propice à la conservation et à la protection des ressources naturelles. Même le législateur panaméen l’a reconnu, comme le montre l’article 97 de la loi 41 de 1998, “Environnement général de la République”.
S’agissant du caractère protégé des terres concernées, la Cour souligne que les communautés autochtones jouent un rôle essentiel dans la préservation de la terre et de l’environnement. Leur présence sur ces terres ne remet donc nullement en cause leur statut de protection. Le mode de vie autochtone favorise en effet la conservation et la protection des ressources naturelles – une réalité reconnue par le législateur panaméen lui-même, comme en témoigne l’article 97 de la loi n°41 de 1998 sur la politique environnementale nationale.
Les Comarcas autochtones font partie du « patrimoine historique » du pays, et le projet de loi n° 656 a été jugé exécutoire.
Selon le Center for International Environmental Law, la décision exige constitutionnellement que le président ratifie la loi n° 656, ce qui a été fait le 4 décembre 2020. Le Congrès nord-américain sur l’Amérique latine indique que « la prochaine étape consiste à réunir le Conseil général du Naso et à commencer à établir de nouvelles règles internes qui régiront la comarca ».
Cette affaire représente l’aboutissement d’une lutte menée par le peuple Naso depuis plus de 50 ans. Dans les années 1980, le gouvernement panaméen a créé, sans l’autorisation des Naso, le parc international de La Amistad et la forêt protégée de Palo Seco en tant que zones protégées. Ces deux zones chevauchent les terres du peuple Naso. Jusqu’à cet arrêt, les Naso étaient l’un des deux groupes autochtones du Panamá à ne pas avoir obtenu de reconnaissance officielle de leur droit de propriété sur les terres.
Dans cette affaire, la Cour a confirmé la propriété des Naso sur les terres en question et a consolidé l’importance des lois internationales dans la jurisprudence du Panamá, ainsi que la possibilité d’accorder aux peuples autochtones des titres de propriété collectifs qui intègrent des terres protégées.
Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).