Summary
Nevsun Resources Ltd. (Nevsun), société constituée en Colombie-Britannique qui détient 60% des parts de la Bisha Mining Share Company, en a appelé de l’accord de la Cour d’appel et du juge en cabinet pour ce qui est de rejeter la requête de radiation des actes de procédure présentée par Nevsun. Un recours collectif a été intenté contre Nevsun par plus de 1,000 personnes qui ont affirmé avoir été contraintes de travailler à la mine de la Bisha Mining Share Company entre 2008 et 2012. Dans le cadre de leur service militaire obligatoire, les travailleurs érythréens ont affirmé avoir été contraints, sous peine de châtiments sévères contre eux où leurs familles en cas de désobéissance, de travailler à la mine Bisha dans des conditions dures et dangereuses . Lorsqu’ils ne travaillaient pas, les travailleurs ne pouvaient pas partir sans autorisation.
Les travailleurs érythréens ont réclamé des dommages‑intérêts pour « des délits de droit interne, notamment pour détournement, voies de fait, séquestration (emprisonnement illégal), complot et négligence… [ainsi que pour] la violation des interdictions de droit international coutumier relatives au travail forcé, à l’esclavage, aux traitements cruels, inhumains ou dégradants et aux crimes contre l’humanité. » Nevsun a demandé la radiation de la plainte du fait qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnable, soutenant que la doctrine de l’acte de gouvernement, l’absence de perspectives de succès des plaintes fondées sur le droit international coutumier et le fait que les sociétés privées ne sont pas assujetties au droit international rendaient la plainte d’Araya non justiciable devant les tribunaux canadiens. Le juge en cabinet et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont rejeté la requête en radiation et Nevsun a été autorisée à interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada. Dans sa décision, la Cour suprême a statué sur la question de savoir si la doctrine de l’acte de gouvernement fait partie ou non de la common law canadienne et si les violations du droit international coutumier par une société privée peuvent constituer le fondement d’un recours civil en Colombie-Britannique.
La Cour s’est d’abord penchée sur la doctrine de l’acte de gouvernement, qui empêche un tribunal de se prononcer sur la légalité des actes souverains dans un État étranger. La Cour a conclu que cette doctrine ne fait pas partie de la common law canadienne. Les principes qui sous-tendent la doctrine, le conflit de lois et la retenue judiciaire sont contenus dans la jurisprudence canadienne ailleurs et non en tant qu’éléments d’une doctrine englobante. Les tribunaux canadiens s’abstiendront de tirer des conclusions qui se veulent juridiquement contraignantes pour les États étrangers, mais ils sont libres d’examiner des questions de droit étranger lorsque cela est nécessaire ou accessoire au règlement de différends juridiques internes dont la cour est dûment saisie
La Cour a ensuite examiné le rôle du droit international coutumier au Canada. Selon les demandeurs, le droit international coutumier fait partie de la common law canadienne et, par conséquent, une violation du droit international coutumier ouvre droit à une action en common law. La Cour a statué qu’il n’est pas « évident et manifeste » que la plainte est vouée à l’échec. Le droit international coutumier est automatiquement intégré dans le droit interne canadien par application de la doctrine de l’adoption sauf disposition législative contraire. La Cour a déclaré que l’intégration automatique se justifie par le fait que, citant l’arrêt Hape, « la coutume internationale, en tant que droit des nations, constitue également le droit du Canada ».
La Cour a également déclaré qu’il n’est pas « évident et manifeste » que Nevsun est à l’abri de l’application du droit international coutumier du fait d’être une société. Compte tenu que certaines normes du droit international coutumier sont de nature strictement interétatique, et ne s’appliquent pas aux sociétés et aux acteurs privés, la Cour a signalé que le juge de première instance devra déterminer quelles normes sont, dans le cas présent, de nature interétatique et si la common law devrait évoluer de manière à élargir la portée de ces normes pour que les sociétés y soient assujetties. Cependant, la Cour a statué qu’il suffit de conclure que les violations en question, dont plusieurs sont considérées comme relevant du jus cogens ou droit impératif, pourraient s’appliquer à Nevsun.
Finalement, la Cour s’est ensuite demandé si la common law interne pouvait mettre en place des recours appropriés pour la violation du droit international coutumier. Elle a conclu qu’il n’était pas « évident et manifeste » qu’un recours civil pour les violations par une société du droit international coutumier ne peut pas être développé. De plus, alors que Nevsun soutenait que les préjudices invoqués étaient couverts par des délits de droit interne existants, la Cour a conclu que les normes du droit international coutumier en question sont fondamentalement différentes des délits de droit interne existants et pourraient nécessiter des recours différents. Le juge de première instance pourrait donc envisager la reconnaissance de nouveaux délits ou remédier aux violations en se fondant sur le droit international coutumier.