Empregados da Fábrica de Fogos de Santo Antônio de Jesus e seus Familiares vs. Brasil

Cette affaire explore les responsabilités des États de protéger activement les groupes à plus haut risque, en particulier les femmes et les enfants, contre les dangers de conditions de travail à risque, insalubres et particulièrement dangereuses. La simple promulgation de règlements exigeant leur protection ne suffit pas. L'État doit jouer un rôle actif dans l'application et le contrôle de la mise en œuvre des réglementations de protection.

Date de la décision: 
15 juil 2020
Forum : 
Cour interaméricaine des droits de l’homme
Type de forum : 
Regional
Résumé : 

Contexte : Le 11 décembre 1998, une explosion s'est produite dans une usine de feux d'artifice à Santo Antônio de Jesus, au Brésil. L'usine se composait d'un ensemble de tentes situées dans des paddocks avec des tables de travail partagées. À la suite de l'explosion, 60 personnes sont mortes et six ont été blessées. Parmi ceux qui ont perdu la vie, il y avait 59 femmes, dont 19 filles et un garçon. Parmi les survivant(e)s se trouvaient trois femmes adultes, deux garçons et une fille. Quatre des femmes décédées étaient enceintes ; l'une d'elles a pu accoucher avant de mourir. Aucune des survivantes n'a reçu de traitement médical adéquat pour se remettre des conséquences de l'accident.

L'usine avait obtenu tous les permis nécessaires et était autorisée à opérer dans la municipalité. Cependant, depuis son enregistrement jusqu'au moment de l'explosion, les autorités de l'État n'ont pas supervisé les conditions de travail ou l'exercice d'activités dangereuses, bien qu'il s'agisse d'une exigence de la réglementation de l'État en raison du risque lié à la production de feux d'artifice.

La Cour a déclaré l'État du Brésil responsable de la violation des droits des soixante (60) travailleurs-euses qui ont péri dans l'explosion de l'usine et des six (6) qui ont survécu, ainsi que de la violation des droits de plus de 100 membres des familles des victimes, et a déclaré que le Brésil avait violé le droit à la vie, l'intégrité personnelle, des conditions de travail sûres et saines, les droits des enfants, le droit à l'égalité et le droit de ne pas subir de discrimination en vertu de la Convention américaine relative aux droits de l'homme (également connue sous le nom de Pacte de San José et ratifié par le Brésil en juillet 1992). En outre, la Cour a estimé que le Brésil n'avait pas fourni de protection et de garanties judiciaires adéquates à toutes les victimes et à leurs familles.

Le droit à la vie et à un traitement humain : L'avis précise que tous les États ont le devoir de réglementer, contrôler et superviser la pratique d'activités dangereuses comportant des risques importants pour la vie et l'intégrité des personnes se livrant à de telles activités. Le Brésil avait catalogué la fabrication de feux d'artifice comme une activité dangereuse et avait institué des directives pour réglementer les conditions de l'activité. Cependant, avant l'explosion, l'État n'avait exercé aucune action de contrôle ou de surveillance sur l'activité dangereuse. Cette omission, qui a entraîné la mort de soixante (60) travailleurs-euses, a donné lieu à la violation du droit à la vie de l'article 4 de la Convention américaine des droits de l'homme (désormais la Convention américaine). En outre, elle constituait une violation du droit à l’intégrité de la personne en vertu de l’article 5 de la Convention américaine pour les six (6) travailleurs-euses gravement blessé(e)s, ainsi que les familles des victimes en raison de l’absence de recours et d’accès effectif à la justice.

Le droit à des conditions de travail équitables et satisfaisantes : La Cour a estimé que le Brésil avait la responsabilité de garantir la sécurité, la santé et l'hygiène sur le lieu de travail et de prévenir les accidents. L'État a le devoir absolu de veiller à ce que tous les lieux de travail fonctionnent dans des conditions satisfaisantes et sûres. Les faits montrent cependant clairement que tous les employés de Fábrica de Fogos travaillaient dans des conditions précaires, insalubres et dangereuses, sans conseils sur les mesures de sécurité et sans équipement de protection. Ce manque de contrôle, qui a conduit aux conditions qui ont abouti à l’explosion meurtrière, a violé le droit d’une personne de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes en vertu de l’article 26 de la Convention américaine.

Les droits des femmes et des enfants et le droit à l'égalité : La Cour interaméricaine a estimé que le Brésil n'avait pas pris de mesures spéciales pour la protection des enfants conformément à l'article 19 de la Convention américaine. À plusieurs reprises, l'avis a mis en évidence les conditions de pauvreté des travailleurs-euses et ses effets particuliers sur les femmes et les enfants, en particulier ceux d'ascendance africaine. La vulnérabilité accrue rend les femmes pauvres plus susceptibles d'accepter un emploi qui met leur vie et leur intégrité, ainsi que celles de leurs enfants mineurs, en grand danger. L'État n'a fait aucun effort pour empêcher une telle inégalité, que la Cour a jugée comme une violation de l'article 24 (droit à l'égalité devant la loi) et de l'article 26 (droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux) en relation avec l'interdiction de la discrimination en vertu Article 1.1 de la Convention américaine.

Enfin, la Cour a estimé que le Brésil n'avait pas fourni de garanties judiciaires et de protections adéquates aux victimes de l'explosion. Au moment de l’avis de la Cour interaméricaine, l’État n’avait achevé que quelques procédures judiciaires liées à l’incident. Dix-huit (18) ans après l’incident, les procédures pénales et civiles étaient toujours en cours ; ce qui constitue une violation flagrante des garanties judiciaires des victimes et du droit à une procédure régulière.

Réparations : L'arrêt de la Cour a obligé le Brésil à achever une série de mesures de réparation. Le Brésil a reçu l’ordre de publier le texte intégral de l’arrêt sur un site Web officiel de l’État et doit produire des documents radiophoniques et télévisés résumant l’arrêt de la Cour interaméricaine. En outre, l’État devrait mettre en œuvre une politique systématique d’inspection périodique des sites de production de feux d’artifice et concevoir et mettre en œuvre des programmes de développement socioéconomique pour la population de Santo Antonio de Jesus, essentiellement des communautés pauvres d’ascendance africaine. Enfin, le Brésil devrait indemniser les victimes et leurs familles pour les dommages matériels et immatériels, ainsi que le remboursement des frais et dépenses encourus par les victimes et leurs familles à la suite de l'explosion.

Application des décisions et résultats: 

L’État a déjà publié le résumé de l’arrêt dans ses médias officiels. Le paiement de l'indemnité est toujours en suspens, ainsi que les garanties de non-répétition. À ce jour, il n'y a pas de mises à jour sur les procédures judiciaires en cours, mais la procédure pénale risque de s'étendre au-delà de la prescription, ne tenant ainsi aucun des auteurs – les membres d'une famille riche et puissante de la communauté – responsable.

Groupes impliqués dans le cas: 
Importance de la jurisprudence: 

Cette affaire est importante car il reconnaît à la fois la discrimination intersectionnelle particulière à laquelle sont confrontés les femmes et les enfants noirs pauvres et exige que l'État joue un rôle actif dans la protection desdites communautés. Le fait de ne pas fournir des conditions de travail égales, sûres et saines (généralement des affaires devant les tribunaux étatiques et municipaux) est une violation des droits humains qui mérite l'attention de la communauté internationale. En outre, cette affaire souligne que les pays peuvent être tenus responsables de leur défaut de protection.