Centre for Child Law et autres c. Ministère de l’Éducation de base et autres 2840/2017

En 2016, le ministère de l’Éducation de base de l’Afrique du Sud a publié une circulaire annonçant que les enfants qui ne pouvaient pas présenter un certificat de naissance se verraient interdire d’aller à l’école. La circulaire visait à exclure des milliers d’enfants de l’école et avait d’ailleurs commencé à avoir pour effet que certains enfants étaient retirés de l’école ou se voyaient refuser l’accès dès le dépôt de la demande d’admission.  En conséquence, 37 enfants, qui n’étaient que quelques-uns des élèves concernés par cette affaire, ont déposé une requête contre le ministère de l’Éducation de base.  Ils ont affirmé que la circulaire, ainsi que la Politique nationale d’admission aux écoles publiques ordinaires et la Loi 13 relative à l’immigration de 2002, portaient atteinte à leur droit constitutionnel à une éducation de base. Ils ont donc demandé un jugement déclaratoire prononçant la nullité de la Politique d’admission et de la Loi relative à l’immigration.  Finalement, la Cour a statué que les dispositions de la Politique d’admission et de la Loi relative à l’immigration qui avaient été mises en exergue étaient inconstitutionnelles et a ordonné aux défendeurs d’accepter d’autres preuves d’identité lorsque les apprenant-e-s ne peuvent pas présenter un certificat de naissance ou une attestation de permis d’études.  La Cour a conclu que le fait de refuser aux enfants sans papiers l’accès à l’éducation allait à l’encontre de la Constitution, qui confère le droit à l’égalité, à la dignité et à l’éducation de base et déclare également que les intérêts des enfants sont d’une importance capitale.  De plus, la Cour a déterminé que la Loi relative à l’immigration ne s’applique qu’aux adultes qui souhaitent poursuivre des études supérieures et ne touche pas au droit des enfants à l’éducation de base.

Date de la décision: 
12 déc 2029
Forum : 
Haute Cour
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

Au début de 2016, le surintendant général intérimaire a publié une circulaire exigeant que les apprenant-e-s présentent leur certificat de naissance à la direction de l’école.  Les apprenant-e-s qui ne pouvaient pas présenter leur certificat de naissance ne recevraient plus de financement.  Les écoles étaient ainsi obligées d’exclure les enfants sans papiers ou de leur permettre de rester tout en répartissant les ressources déjà maigres.  Même si la circulaire exigeait la présentation de certificats de naissance, dans la pratique, les écoles excluaient aussi des enfants étrangers qui ne pouvaient pas présenter un permis les autorisant à résider dans le pays. C’était la Politique nationale d’admission aux écoles publiques ordinaires qui contenait une condition voulant que les apprenant-e-s aient un certificat de naissance ou un permis pour être admis à l’école.  La Loi 13 relative à l’immigration de 2002 contenait également des dispositions qui empêchaient les apprenant-e-s sans papiers d’aller à l’école.  Ainsi, les requérant-e-s souhaitaient que la circulaire soit déclarée illégale et inconstitutionnelle et que des ordonnances soient rendues concernant la constitutionnalité de certaines dispositions de la Politique d’admission et de la Loi relative à l’immigration.  Plus précisément, les requérant-e-s contestaient la Politique d’admission affirmant que (a) la lecture conjointe des articles 29(1)(a) et 28(2)(a) de la Constitution confère « à toute personne » un droit fondamental à l’éducation, qu’elle soit sans papiers ou non ; (b) la Politique d’admission n’était pas dans le meilleur intérêt des enfants contrairement à l’article 28(2) ; la décision était discriminatoire conformément à la clause d’égalité de l’article (9) ; et (d) elle enfreignait le droit des enfants à la dignité garanti par l’article 10. La Cour n’a pas conclu que les articles 39 et 42 de la Loi relative à l’immigration étaient inconstitutionnels et illégaux, mais a plutôt jugé qu’ils pouvaient être interprétés conformément à la Constitution.

Au départ, la Haute Cour a refusé que les 37 apprenant-e-s cités soit admis à l’école alors que la procédure était en cours.  Cependant, en février 2019, la Cour constitutionnelle a annulé cette ordonnance et accordé aux apprenant-e-s la mesure provisoire demandée, qui leur permettait d’aller à l’école pendant la procédure judiciaire sans avoir à présenter un document d’identité.  Quand la principale requête a été entendue, la Haute Cour a statué que la Politique d’admission qui empêchait les élèves sans papiers de fréquenter l’école publique était inconstitutionnelle, tel que décrit plus haut.  La cour a souscrit à l’argument des requérant-e-s selon lequel la section 29(1)(a) de la Constitution accorde à toute personne le droit à une éducation de base, indépendamment de la présentation d’un certificat de naissante ou du statut migratoire.  Ensuite, la Cour a déterminé que l’article 28(2) de la Constitution, qui déclare que « les meilleurs intérêts de l’enfant sont d’une importance capitale pour toutes les questions concernant l’enfaut », englobait aussi bien les enfants sud-africains que les enfants étrangers.  La cour a également conclu que la Politique d’admission était discriminatoire à l’égard des sans-papiers en violation de l’article 9. Enfin, suite à la lecture de déclarations faites sous serment par les enfants concernés décrivant leurs sentiments de honte, de gêne et de faible estime de soi, la cour a conclu que la Politique d'admission allait à l’encontre de leur droit à la dignité.

La cour a rejeté les arguments des défendeurs en déclarant que le texte de la Loi relative à l’immigration ne s’applique qu’aux adultes qui fréquentent des établissements d’enseignement supérieur à l’éducatiion de base et n’interdit donc pas aux enfants sans papiers d’aller à l’école.  L’interprétation faite par la cour de la Loi relative à l’immigration est donc conforme au droit à une éducation de base garanti par la Constitution.

Application des décisions et résultats: 

La cour a déclaré inconstitutionnels les articles concernés de la Politique d’admission, a déterminé la nullité de celle-ci et a déclaré que la Loi relative à l’immigration n’empêchait pas les enfants sans papiers d’être admis à l’école publique ni de bénéficier d’une éducation de base.  De plus, la cour a ordonné aux défendeurs d’accepter d’autres preuves d’identité pour les élèves qui ne peuvent pas présenter un certificat de naissance, par exemple, une déclaration sous serment déposée par un parent, un-e aidant-e, une tutrice ou un tuteur qui identifie l’élève.

Groupes impliqués dans le cas: 
Importance de la jurisprudence: 

Le jugement affirme le droit de tous les enfants, qu’ils soient ou non en mesure de présenter un certificat de naissances, à bénéficier d’une éducation de base en Afrique du Sud. De nombreux obstacles socio-économiques et législatifs empêchent plusieurs parents et tuteurs/tutrices d’obtenir des papiers officiels pour leurs enfants.  L’ordonnance judiciaire permettant aux parents et aux tutrices et tuteures de donner une autre preuve d’identité atténue les difficultés liées à l’obtention de papiers officiels.  Par ailleurs, la décision met l’accent sur le fait que l’éducation ne devrait pas être vue comme un privilège du fait d’avoir des papiers, mais bien comme un droit. 

Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC  Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).