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Mercredi, Novembre 1, 2023
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IGWG
Volker Türk, Haut Commissaire aux droits de l'homme, a fait une déclaration vidéo pour ouvrir la 9ème session du groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits humains.

Du 23 au 27 octobre, une délégation du Réseau-DESC a participé aux négociations d’un traité visant à lutter contre les violations des droits humains commises par les entreprises. Ces négociations ont eu lieu pour la neuvième année consécutive au Conseil des droits humains à Genève. Le processus, qui a connu des moments d’incertitude au cours d’une semaine difficile, a persévéré grâce à la détermination de certains États du Sud, en particulier ceux du groupe africain et certains États d’Amérique latine, ainsi qu’aux efforts concertés de la société civile.

Depuis son lancement, ce processus, initié par la résolution 26/9, a reçu un soutien important de la part des États du Sud, ainsi que des mouvements sociaux, des communautés affectées par les activités des entreprises, des groupes féministes et des peuples autochtones.

Mary Kambo, de la Commission des droits de l’homme du Kenya, a souligné le rôle central de la société civile en déclarant : “Il s’agit d’un processus très important. Si la société civile n’était pas présente, le comportement des États, en particulier ceux qui sont contrôlés par des entreprises, ainsi que celui du président actuel, qui peut être facilement influencé par des États et des entreprises puissants, serait différent. La présence de la société civile dans la salle change la donne, car tout le monde sait maintenant que quelqu’un surveille.

En outre, la présence de lobbies et d’associations d’entreprises, tels que l’Organisation internationale des employeurs (OIE), la Chambre de commerce internationale (CCI) et le Conseil des États-Unis pour le commerce international (USCIB), a été décrite comme “le sujet tabou” (“elephant in the room” en anglais) par le Réseau-DESC. Ces groupes ont joué un rôle en influençant le processus et les États des pays du Nord, en particulier les États-Unis et l’Union européenne, dans leurs efforts pour diluer et bloquer les dispositions clés relatives à la responsabilité juridique des entreprises, à l’obligation de rendre des comptes et à l’obligation extraterritoriale des États de traduire en justice les entreprises responsables de violations et d’abus.

Elephant in the room
L'emprise des entreprises désigne la manière dont une élite économique (ou le 1% privilégié) compromet la réalisation des droits humains et de l'environnement en exerçant une influence sur les espaces décisionnels nationaux et internationaux, y compris les Nations Unies.

Pour aborder la question de l’emprise des entreprises, le Réseau-DESC a organisé un événement parallèle au cours duquel nos membres ont discuté des stratégies pour mettre fin et résister à l’emprise des entreprises, tant au sein qu’à l’extérieur des Nations Unies.

Regardez le récapitulatif vidéo de l'événement parallèle sur l'emprise des entreprises. Panélistes : Joseph Byomuhangyi - ISER Ouganda ; Mary Kambo - Kenya Human Rights Commission (KHRC) - Kenya ; Wesam Ahmed - Al-Haq - Palestine ; Brid Brennan - TNI - Pays-Bas ; Guangchunliu Gangmei - Asia Indigenous Peoples Pact (AIPP) - Thaïlande. Modérateur : Shayda Nacify (Corporate Accountability - États-Unis).

Joseph Byomuhangyi, de l’ISER-Uganda, a souligné le défi posé par les entreprises dont les budgets dépassent ceux de certains pays, en insistant sur leur intérêt pour les ressources détenues par les communautés autochtones, telles que les minerais et l’or.

Tout au long de la semaine, le génocide en cours en Palestine est resté une préoccupation majeure, et la société civile, y compris les membres du Réseau-DESC, ont exprimé leur solidarité.

“Les premiers défenseurs de ce processus de traité, dont de nombreux membres du groupe africain et latino-américain, ne doivent pas perdre de vue que ce sont les mêmes entreprises historiquement impliquées dans les souffrances de leurs peuples qui manifestent aujourd’hui un intérêt croissant dans les gisements de gaz naturel de la mer Méditerranée, tandis que les fabricants d’armes ont du mal à répondre à la demande et que de nouvelles routes commerciales sont développées”, a souligné Wesam Ahmad, d’Al-Haq.

Ahmad a souligné l’importance de comprendre les causes profondes de la mainmise des entreprises dans différents contextes et de travailler à l’échelle mondiale pour s’attaquer au rôle des entreprises transnationales et à leur impact sur les peuples autochtones du monde entier.

Face à l’influence croissante des entreprises au sein des Nations unies, Brit Brennan, du Transnational Institute, a souligné la nécessité d’une résistance : “Lorsque nous nous demandons ce que nous pouvons faire, nous devons avant tout nous réapproprier notre pouvoir. Parfois, nous ne le répétons pas assez, mais nous devons absolument le faire parce que les entreprises ne sont pas simplement des individus portant des chapeaux haut de forme et organisant de belles fêtes ; elles sont très bien organisées”.

Guangchunliu Gangmei, de l’Asia Indigenous Peoples Pact (AIPP, Thaïlande), a souligné l’importance de s’inspirer des initiatives et des résistances indigènes pour se protéger des opérations commerciales et développer des modèles de démocratie de base afin de renforcer leurs luttes contre la dépossession à plusieurs niveaux.

Sidevent
De gauche à droite : Shayda Nacify (Corporate Accountability, États-Unis) ; Wesam Ahmed (Al-Haq, Palestine) ; Brid Brennan (TNI, Pays-Bas) ; Joseph Byomuhangyi (ISER Ouganda) ; Mary Kambo (Commission kényane des droits de l'homme, Kenya) ; Guangchunliu Gangmei (Asia Indigenous Peoples Pact (AIPP), Thaïlande).

Des appels à la transparence ont également été lancés au cours des négociations. L’avant-dernier jour, la proposition inattendue du président de démanteler le processus actuel et d’en lancer un nouveau a pris la société civile au dépourvu. Elle s’est rapidement mobilisée contre cette proposition, à laquelle les pays du Sud se sont finalement opposés et qu’ils ont rejetée.

“Nous sommes heureux de l’issue des négociations de cette année, qui fait suite à la forte organisation et à la participation de la société civile contre les tentatives des pays du Nord et des entreprises d’édulcorer le texte du projet de traité et de faire échouer le processus”, a déclaré Marta Music, de Feminists for a Binding Treaty, une coalition de plus de 30 organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles le Réseau-DESC.

En préparation de la 10e session de l’année prochaine, le Réseau-DESC suivra de près la manière dont les recommandations de la présidence seront prises en compte, en particulier en ce qui concerne la mise en place de réunions régionales thématiques et la sélection des expert.e.s. Aux côtés de nos alliés, notamment la Treaty Alliance et la Global Campaign to Dismantle Corporate Power, nous continuerons à plaider en faveur d’un processus libre de toute emprise des entreprises et donnant la priorité aux droits humains des communautés affectées par les abus et les violations des entreprises, ainsi qu’au droit humain à un environnement propre et sain.