L’événement a commencé par un mot de bienvenue de la co-animatrice féministe panafricaine Wangari Kinoti d’Action Aid International, suivi d’une intervention de Vivi Restuviani d’IWRAW Asie-Pacifique d’Indonésie sur certaines perspectives d’Asie quant à l’emprise des compagnies privées et la façon dont elle se manifeste dans la région suivies d’une étude de cas concrète de la région montrant les impacts négatifs auxquels sont confrontées les communautés, en particulier les femmes et les groupes de genre divers. Kifaya Khraim du Centre Women’s Center for Legal Aid and Counseling, Palestine a ensuite relaté le contexte du conflit, en mettant un accent particulier sur la documentation des colonies israéliennes et le transfert forcé de Palestiniens. Maureen Olyaro, de FEMNET, a également pris la parole pour évoquer le comportement irresponsable des entreprises dans l’élaboration de politiques commerciale en se basant sur les recherches de FEMNET autour de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), et enfin Claudia Lazzaro de SOCRA Argentine a rappelé des défis liés à la promotion de l’égalité des sexes dans le contexte de la recrudescence actuelle de l’emprise des compagnies privées sur l’État argentin.
Nous soulignons ici quelques-unes des réflexions de Claudia Lázzaro d’Argentine, syndicaliste du Sindicato Obreros Curtidores de la República Argentina, SOCRA, membre du Réseau-DESC:
Claudia nous invite à réfléchir à partir d’une perspective historique, en rappelant de la responsabilité des entreprises dans les crimes contre l’humanité commis en Argentine sous la dictature civile-militaire (1976-1983). Elle déclare : « l’emprise des entreprises sur l’État en Argentine n’est pas nouvelle, il existe des rapports officiels qui prouvent la participation des entreprises à la répression, aux enlèvements et à la disparition de travailleurs. Des enquêtes sur des entreprises telles que Ford, Mercedes Benz et Molinos Río de la Plata ont été menées dans les années 1980 et ont même abouti à des décisions judiciaires en 2002.
A l’occasion du 41e anniversaire du rétablissement de la démocratie en Argentine, plusieurs mesures ont été prises pour identifier et juger les auteurs du terrorisme d’État. Lazzaro prévient de la nécessité d’évaluer politiquement la mainmise croissante des entreprises sur l’État et de comprendre les effets de cette emprise sur l’application des droits humains et environnementaux, et souligne l’urgence de documenter les différentes manifestations d’influence sur les décideurs politiques nationaux et internationaux ainsi que sur les établissements publics.
Claudia a présenté plusieurs exemples d’ingérence des responsables officiels dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie, des communications et de la santé. « Ce n’est pas par hasard que les gouvernements néolibéraux, par l’intermédiaire du lobby des affaires, exploitent les travailleurs, leur corps, leur bien-être et leur santé. Il y a des responsables à la tête du secteur de la santé publique qui sont affiliés à de principaux groupes d’entreprises du marché de la santé et qui plaident en faveur d’une réduction des investissements dans la santé publique et du conditionnement des syndiquées afin de resserrer l’étau autour des travailleurs bénéficiant de la sécurité sociale en Argentine – indispensable pour accéder aux prestations de santé.
Dans sa présentation, Claudia a invité les organisations de femmes et le mouvement féministe à se rallier au mouvement mondial qui appelle à la responsabilisation des entreprises, dénonce et documente les expressions de l’emprise des compagnies normalisant les transactions entre l’État et les entreprises, et met en garde contre les actions favorisant l’exclusion de l’agenda de l’égalité des sexes et s’attelant contre les acquis du mouvement féministe.
Elle décrit la situation récente en Argentine où le nouveau gouvernement désavoue toujours l’existence d’un écart salarial entre les sexes – bien que les statistiques officielles l’évaluent à 25% – a rétrogradé le ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité au rang de sous-secrétariat et a récemment annoncé des mesures interdisant le langage inclusif et tout ce qui a rapport avec la dimension du genre. « Il serait urgent – selon Claudia – que cette CSW 68, qui appelle à redoubler les financements des politiques d’égalité femmes-hommes, dénonce la façon dont nos Etats honorent leurs engagements internationaux contre les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, ceux qui se doivent de défendre la paix et l’intégration sont les premiers responsables des discours de haine contre les femmes et la diversité sexuelle, manifestent contre le droit égal au mariage, contre la loi sur l’accès à l’avortement sûr et gratuit et plaident en faveur des coupes budgétaires dans le programme Acompañar – qui cherche à renforcer l’autonomie financière des femmes et de la communauté LGBTI+ se trouvant dans des situations de violence basée sur le genre – ainsi que le programme Alimentar – qui avance un appui économique”.
Dans la séance de clôture, les panélistes ont réitéré les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans tous les contextes : de la faim, à la pauvreté, aux inégalités, à la violence envers les corps et les territoires, aux intersections entre les crises climatique, financière, économique et de soins, à l’exploitation des ressources naturelles, aux conflits armés, l’endettement public, le rétrécissement de la sphère publique et l’érosion des démocraties. Ce contexte fait de la réponse collective une urgence, déclare Claudia. Le mouvement des femmes, les groupes LGBT et les femmes noires d’Argentine dénoncent l’écart salarial, la féminisation de la pauvreté laissant les femmes et les divers genres 30% plus pauvres ; les programmes d’emploi pour les travailleurs domestiques qui ont été annulés laissent ces populations sans accès à la santé et à la sécurité sociale et en conséquence plus de 43000 femmes et personnes LGBT victimes de violence attendent aujourd’hui de recevoir une subvention pour l’assistance en cas de violence basée sur le genre.
Selon les rapports du CELS, plusieurs politiques de renforcement, d’assistance et de réparation adressées aux femmes et aux genres divers ont été mises en suspens ; sur 43 politiques de soins, 21 ont déjà été suspendues en raison de révocation ou de sous-exécution totale, 15 politiques sont en voie de suspension en raison de l’inaction ou du manque d’information, et seules 7 politiques restent en vigueur.
Finalement, Claudia propose de commencer à parler de richesse, de nommer les élites économiques qui détiennent la richesse dans le monde et de taxer les riches afin que la justice sociale et l’équité de genre soit effectives et se matérialisent. Nos luttes doivent être des luttes collectives qui ne nous désarment pas ; nous l’avons bien dit, le patriarcat s’effondrera, et pour que cela se produise, nous devons être unis dans une action latino-américaine et mondiale.