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Jeudi, Décembre 22, 2016
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Nature of the Case

Dans une affaire concernant les contrats de travail des enseignant-e-s de toute la province de Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada, la plus haute juridiction du Canada, a confirmé le droit à la négociation collective au titre de la garantie de la liberté d’association {art. 2 (d)} consacré par la Constitution Canadienne. Cette affaire a des implications positives importantes pour les droits des travailleurs et travailleuses, particulièrement en ce qui concerne le droit à la négociation collective.  L’affaire fait aussi ressortir l’interdépendance de tous les droits économiques, sociaux et culturels, du fait qu’elle a une incidence positive (quoiqu’indirecte) sur le droit à l’éducation, particulièrement par rapport aux questions d’accès et de qualité, surtout en ce qui concerne les étudiant-e-s ayant des besoins spéciaux.  

Summary

Le 10 novembre 2016, dans une victoire décisive pour les droits des travailleurs et travailleuses, la Cour suprême du Canada (CSC) a confirmé le droit constitutionnel à la liberté d’association {art. 2 (d)}, en rendant une décision à 7 contre 2 en faveur de la British Columbia Teachers’ Federation (BCTF), le syndicat qui représente l’ensemble des enseignant-e-s des écoles publiques de la province de la Colombie-Britannique.

Le jugement est la culmination d’une bataille juridique de 14 ans déclenchée en 2002 par l’adoption d’une loi qui annulait des centaines de clauses dans un contrat en vigueur entre le gouvernement provincial et des milliers d’enseignant-e-s concernant la taille des classes, les ressources pour les étudiant-e-s ayant des besoins spéciaux, le rapport élèves-enseignant et autres dispositions du même ordre liées à la charge de travail.  De plus, la loi de 2002 privait les enseignant-e-s du droit de négocier ces points plus tard. En 2011, cette loi a été jugée anticonstitutionnelle par la Cour suprême de Colombie-Britannique. Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, à la suite de consultations prélégislatives auprès des enseignant-e-s, a adopté en 2012 une deuxième loi dont les dispositions étaient en grande partie similaires (l’une des différences était qu’il n’y avait plus de restriction permanente des droits de négociation collective quoiqu’une interdiction temporaire était maintenue). En conséquence des deux lois, des milliers d’enseignant-e-s ont perdu leur emploi et d’autres ont vu leurs conditions de travail se détériorer considérablement.  De plus, des écoles ainsi que des étudiant-e-s, particulièrement des élèves ayant des besoins spéciaux, ont eu de la difficulté à faire face au sérieux manque de ressources du système d’éducation.  

La loi de 2012 est à l’origine de l’affaire judiciaire en cours, laquelle a été portée en appel devant la CSC.  La Cour a renversé le jugement rendu en 2015 par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique en faveur du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique et rétabli la décision initiale de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en déclarant anticonstitutionnelle la loi de 2012.  Le jugement a également rétabli immédiatement les dispositions qui avaient été supprimées du contrat des enseignant-e-s.

La CSC a adopté en grande partie le raisonnement du Juge Donald qui avait émis une opinion dissidente par rapport à la décision rendue en 2015 par la Cour d’appel.  Le Juge Donald avait soutenu que la loi de 2012 était anticonstitutionnelle car elle portait atteinte à la liberté d’association au titre de l’article 2, alinéa d, de la Charte des droits et libertés de la Constitution canadienne (Charte).

Citant des précédents importants de la CSC, le Juge Donald a écrit que « [l]a liberté d’association protégée en vertu de l’article 2, alinéa d, de la Charte dans le contexte des relations de travail est le droit des employé-e-s à s’associer pour la poursuite d’objectifs liés au milieu de travail et à un processus utile leur permettant de réaliser ces objectifs… »(para 283). Il a de plus précisé que « la négociation collective est protégée [au titre du droit à la liberté d’association prévu dans la Charte] puisque toute entrave substantielle aux efforts passés, présents ou futures de négociation collective peut avoir pour effet de neutraliser le travail des représentants collectifs des employés et ainsi priver ceux-ci de leur droit à une véritable liberté d’association.  Toute mesure prise par un gouvernement qui réduit le pouvoir de négociation avec un employeur peut être considérée comme une entrave substantielle. » (para. 284). Dans ses délibérations, le juge Donald a conclu que dans l’affaire en cours, l’entrave substantielle à la négociation collective n’était pas justifiée au sens de l’article premier de la Charte (disposition permettant que les droits ne soient restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique). En particulier, si la loi contestée visait sans doute un objectif raisonnable (à savoir de donner plus de latitude aux commissions scolaires sur différentes questions), le gouvernement provincial n’a pris aucune mesure pour réduire au minimum les entraves au droit à la liberté d’association.  De plus, même une restriction temporaire des droits de négociation collective aurait ramené les enseignant-e-s à leur position de négociation initiale, dans le contexte d’une lutte de 13 ans visant à ce que soient rétablies des conditions de travail qui avaient été éliminées en violation de la constitution.  (para. 378-390)

De plus, le juge Donald a signalé que la consultation prélégislative ne peut être considérée comme remplaçant le processus traditionnel de négociation collective que s’il s’agit d’une véritable substitution.  À cet égard, il a déclaré que pour être « … jugée véritable, les parties négociatrices doivent se consulter sur un présumé pied d’égalité approximative » (para. 291). Dans ce contexte, les tribunaux sont tenus de mener un examen rigoureux et approfondi du caractère raisonnable du fond de la position du gouvernement au moment d’évaluer si le processus de consultation choisi satisfait au critère de la bonne foi.  Après analyse, il a été conclu que les consultations prélégislatives tenues par le gouvernement auprès des enseignant-e-s n’avaient pas été menées de bonne foi, car le gouvernement provincial n’a pas satisfait au critère minimal de négociation de bonne foi selon lequel « … les parties sont tenues d’expliquer leur position et de lire et prendre en compte les positions des parties adverses » (para. 372-6).

Enforcement of the Decision and Outcomes

L’exécution de cette décision a des implications importantes pour le système scolaire public de la Colombie-Britannique. On estime qu’il faudrait engager des centaines d’enseignant-e-s et trouver plus d’espace pour les salles de classe pour rétablir les règles relatives à la taille et à la composition des classes telles qu’elles étaient avant 2002. La bonne exécution de la décision pourrait impliquer que le gouvernement doive consacrer de 250 à 300 millions CAD de plus à l’éducation chaque année.  Selon Glen Hansman, président de la BCTF, la province a les moyens de couvrir ces frais.  Il a affirmé que le gouvernement provincial avait une réserve pour imprévus de 1 milliard CAD dans son budget, où il est spécifiquement mentionné qu’une partie des fonds pourrait être consacrée à la présente décision.

À la suite de l’affaire, le ministre des Finances de la Colombie-Britannique Mike de Jong a signalé que les négociations en vue de rétablir les dispositions supprimées commenceront presque immédiatement avec les enseignant-e-s et qu’il sera donc possible que les mesures de changement soient prévues au budget de février 2017.   Il a ajouté que « [n]ous voulons commencer dès que possible à mettre ces mesures à exécution ». Hansman a indiqué qu’il devrait y avoir plus d’enseignant-e-s dans les classes dès janvier  mais la première ministre de la Colombie-Britannique Christy Clark a dit que la mise à exécution de la décision prendra un certain temps.   Elle a également fait remarquer que « … il y a beaucoup de spéculation quant au coût de ce processus, mais je dirais que c’est l’investissement le plus important que nous faisons en tant que société, alors faisons-le ».

Significance of the Case

Cette décision traite particulièrement du droit à la négociation collective, protégé au titre du droit constitutionnel à la liberté d’association.  Elle pourrait être considérée, sur un plan plus général, comme étant au croisement du droit au travail et du droit à l’éducation.  

Il s’agit d’une décision importante concernant les droits des travailleurs et travailleuses, qui vient renforcer la capacité des syndicats à négocier collectivement au nom de leurs membres et préciser les circonstances dans lesquelles les gouvernements peuvent et ne peuvent pas restreindre cette action.  Grâce à une approche rigoureuse de la négociation collective, la décision vient aussi renforcer le droit à des conditions de travail justes et favorables.  La présidente de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique, Irene Lanzinger, affirme qu’il s’agit là d’une grande victoire pour les travailleurs et travailleuses de partout au pays, signalant que « [l]es syndicats et la négociation collective ont permis d’obtenir de meilleurs salaires, de meilleures prestations, des pensions, l’équité salariale pour les femmes, des postes en santé et sécurité,  ils ont relevé la barre pour tout le monde ».

Cette affaire a aussi des implications importantes pour le droit à l’éducation (qui n’est pas un droit constitutionnellement protégé au Canada), y compris pour le droit des enfants handicapés à accéder à l’éducation.  L’anéantissement des droits des enseignant-e-s et le sous-financement du système scolaire pendant 14 ans a eu un effet néfaste sur la capacité des étudiant-e-s, en particulier ceux et celles ayant des besoins spéciaux, à accéder à une éducation de qualité. Cette décision permettra d’avoir un système d’éducation mieux doté en ressources et il est donc permis d’espérer que l’ensemble des étudiant-e-s en profiteront.   À l’heure où des mesures d’austérité dans plusieurs pays nuisent à l’éducation publique, cette décision suggère d’autres moyens de garantir le droit à l’éducation dans la pratique, notamment à l’aide de stratégies juridiques qui s’appuient sur l’interdépendance entre les droits économiques, sociaux et culturels.  En donnant des orientations aux États concernant la relation entre les conditions de travail des enseignant-e-s (particulièrement le droit de s’organiser et négocier collectivement) et le droit à l'éducation, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a confirmé par le passé que non seulement la détérioration des conditions de travail des enseignant-e-s est-elle contraire à l'article 13(2)(e) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (qui oblige les États, entre autre choses, à « améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant ») mais constitue aussi un obstacle majeur à la pleine réalisation du droit des étudiant-e-s à l'éducation.  (CDESC, Observation générale Nº 13, para. 27) 

Groups Involved in the Case

La BCTF a porté l’affaire à titre de partie contestant la loi de 2012.  Les parties intervenantes étaient :

la Centrale des syndicats du Québec, l’Association canadienne des avocats d’employeurs, le Congrès du travail du Canada, le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’Association des agents financiers du Canada, l’Association des juristes de justice, l’Association canadienne des employés professionnels et la Coalition of Ontario Teacher Affiliates.