Summary
Nombuyiselo Sihlongonyane et Mholi Joseph étaient mariés civilement et en communauté de biens. [1] En janvier 2013, au motif de l'infidélité de son mari et de sa mauvaise gestion de leurs biens, Sihlongonyane s’est adressée à la Cour supérieure du Swaziland (Cour supérieure) pour demander que soit retirée à son mari la qualité d'administrateur de leurs biens communs. Joseph a déposé une déclaration contraire niant les allégations contenues dans la plainte de Sihlongonyane et mettant en question son droit d’entamer des procédures judiciaires sans son assistance conformément au principe de la prérogative maritale applicable en common law, qui donne au mari le pouvoir exclusif d’administrer les biens communs des époux et place son épouse sous sa tutelle, la privant de l’exercice de la capacité juridique (notamment la capacité de conclure des contrats ou d'ester en justice), à quelques exceptions près.
Le juge a fait remarquer qu’il existait une possibilité de conflit entre les articles 20 et 28 de la Constitution de 2005, qui accordent les mêmes droits aux femmes aux yeux de la loi, et le principe de la prérogative maritale applicable en common law. Il a donc refusé de se prononcer sur la question constitutionnelle et a renvoyé l’affaire devant le juge en chef de la Cour supérieure, qui a convoqué l'assemblée plénière de la Cour supérieure pour trancher la question.
L’assemblée plénière de la Cour supérieure a déterminé que Sihlongonyane était en droit d’intenter une action en justice, concluant que la doctrine de la prérogative maritale applicable en common law était contraire à la Constitution. L’article 20 de la Constitution garantit que toutes les personnes : (1) sont égales devant la loi, (2) jouissent de la protection de la loi et (3) ne doivent pas faire l'objet de discrimination en raison de leur sexe. De même, l’article 28 stipule que les femmes ont droit au même traitement que les hommes. Les considérant conjointement, la Cour supérieure a statué que le principe de la prérogative maritale applicable en common law constitue une discrimination fondée sur le sexe et le genre et qu’il « subordonne illégalement et arbitrairement la femme à l’autorité de son mari et est donc injuste et n’est d’aucune utilité logique ». (para. 24, Traduction non officielle)
La Cour supérieure a également cité l'Observation générale no 28 sur l’égalité des droits entre hommes et femmes du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui confirme que les États sont tenus de traiter à égalité les hommes et les femmes en ce qui concerne le mariage, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour supérieure a statué que « la prérogative maritale de la common law, dans la mesure où elle empêche les femmes d’engager des poursuites ou d’être poursuivies sans l’assistance de leur mari, va à l'encontre de la ... Constitution », adoptée en tenant pleinement compte des obligations internationales du pays.
Finalement, la Cour supérieure a invalidé le principe de la prérogative maritale applicable en common law en ce qui concerne la capacité des femmes à engager des poursuites et être poursuivie sans l'assistance de leur mari. Elle a de plus antidaté l’ordonnance d'invalidation à la date du dépôt de la plainte de Sihlongonyane, lui donnant ainsi le droit d’intenter des poursuites contre son mari. Reconnaissant l’importance de sa décision pour toutes les femmes mariées se trouvant dans la même situation, la Cour supérieure a statué que l’ordonnance d’invalidation et la date effective doivent s'appliquer à toutes les plaignantes éventuelles.
[1] Dans ce type de mariage, tous les biens des deux conjoints sont mis en commun, qu’ils aient été acquis avant ou après le mariage et quelle que soit la contribution de chacun. Voir, par exemple, Maxine Langwenya, Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA), Historic Step towards Equality for Swazi Women: An Analysis of Aphane v. the Registrar of Deeds, http://www.osisa.org/sites/default/files/open_debate_6_-_doo_aphane_v_registrar.pdf, p. 3).