Summary
Le 23 février 2015, le président Kenyatta a émis une directive nationale, dont une copie a été transmise à plusieurs entités gouvernementales nationales, ordonnant à tous les commissaires de comté de recueillir des données et d’élaborer un rapport sur tous les enfants scolarisés vivant avec le VIH et le sida, ainsi que sur les tuteurs et les femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH et le sida.
En juin 2015, le Kenya Legal and Ethical Issues Network on HIV and AIDS (KELIN), le Children of God Relief Institute (NYUMBANI) et deux particuliers vivant avec le VIH (collectivement appelés « requérants ») ont contesté la directive du président devant la Cour supérieure du Kenya à Nairobi, Division des droits constitutionnels et humais (Cour supérieure). Ils soutenaient que le fait de recueillir les noms de personnes vivant avec le VIH et le sida (PVVIH) d’une manière permettant d’associer chaque nom au statut VIH porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, au droit au respect de la vie privée, au droit à l’égalité et à la non discrimination et au droit à la dignité consacrés par les articles 27, 28, 29, 31, 43, 47 et 53 de la Constitution du Kenya (Constitution). Ils avançaient plus particulièrement que l’application de la directive donnait lieu au dépistage forcé ou obligatoire, ce qui équivaut à une peine et un traitement dégradant pour les PVVIH. Intervenant séparément à titre d’amicus curiae, M. Anand Grover, ancien Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a également contesté la directive.
De plus, les requérants ont affirmé que la directive ne s’accompagnait pas de normes de protection de la vie privée, en violation de la Section 20 de la Loi sur la prévention et le contrôle du VIH et du sida (Loi). Il n’y avait donc aucune garantie que les données recueillies ne seraient pas divulguées, en violation de la Section 22(1) de la Loi. Pour étayer leur affirmation, ils ont cité les paragraphes 120 et 121 des Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme 2006, qui, mis ensemble, interdisent le dépistage du VIH ou l’enregistrement obligatoire sauf dans certains cas, obligent les États à garantir que le dépistage s’effectue avec le consentement éclairé de la personne concernée et interdisent que la situation sérologique d’une personne soit révélée à des tiers sans son consentement.
La Cour supérieure a rejeté les arguments des requérants concernant les articles 27, 28, 29, 43 et 47. En ce qui concerne particulièrement la Section 20 de la Loi, la Cour supérieure a signalé que le gouvernement avait en fait instauré des normes en 2008, avant la publication de la directive du président. Néanmoins, la Cour supérieure a statué que la directive était inconstitutionnelle du fait qu’elle portait atteinte au droit au respect de la vie privée et à l’intérêt supérieur de l’enfant consacrés respectivement par les articles 31 et 53(2) de la Constitution. Pour remédier à la situation, la Cour supérieure a ordonné que, dans les 45 jours suivant le jugement, toutes les données recueillies soient codées de façon à ce que le nom d’une personne ne soit pas associé à son statut VIH dans un document public.