Partager
Mardi, Mai 15, 2018
Partager

Nature of the Case

Le Comité européen des droits sociaux a déterminé que le fait d’exiger des personnes transgenres qu’elles subissent une chirurgie de réassignation de sexe et une stérilisation pour que leur sexe soit légalement reconnu constitue une violation de l’article 11§1 du traité sur les droits de l’homme de la Charte sociale européenne, qui garantit la protection de la santé.

Summary

Transgender Europe et ILGA-Europe ont fait valoir que les mesures imposées par la République tchèque aux personnes souhaitant modifier leur sexe sur des documents juridiques violent l’article 11 de la Charte sociale européenne (la Charte), à laquelle la République tchèque est partie. En République tchèque, les personnes qui souhaitent modifier le sexe indiqué sur leur certificat de naissance ou sur d’autres documents juridiques pour passer du sexe masculin au sexe féminin ou du sexe féminin au sexe masculin (le sexe non binaire n’est pas légalement reconnu en République tchèque) doivent subir une opération chirurgicale de réattribution de sexe qui modifie leurs organes génitaux et les stérilise à vie. Le diagnostic de trouble de l’identité sexuelle, la dissolution de tout mariage ou partenariat enregistré avec un partenaire et l’approbation du changement par un comité d’experts gouvernementaux sont des conditions supplémentaires. Les personnes qui ne remplissent pas ou ne peuvent pas remplir toutes ces conditions sont obligées de vivre leur vie avec des documents juridiques qui ne correspondent pas à leur véritable sexe, ce qui les expose à la discrimination et à des préjudices psychologiques tout au long de leur vie.

Dans son analyse, le Comité européen des droits sociaux (le Comité) n’a pris en compte que la section 1 de l’article 11, qui stipule que « [T]oute personne a le droit de bénéficier de toutes les mesures lui permettant de jouir du meilleur état de santé qu’elle puisse atteindre. ». En 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans l’affaire A.P., Garçon et Nicot c. France, qu’une obligation de transition de sexe impliquant une stérilisation violait le droit d’une personne au respect de sa vie privée en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne a estimé qu’en subordonnant la reconnaissance de leur sexe à une opération chirurgicale non désirée, les personnes transgenres étaient contraintes de renoncer à leur droit à l’intégrité physique pour obtenir le respect de leur vie privée. Le Comité a appliqué une logique similaire à l’article 11§1 de la Charte.

Le Comité a déterminé que les obligations des États en vertu de l’article 11 comprennent le fait de s’abstenir d’interférer avec la jouissance du droit à la santé. Le Comité a expliqué que les exigences de la République tchèque posent de sérieux problèmes quant à la capacité de donner un consentement libre, car elles subordonnent le droit à la dignité d’une personne transgenre à des procédures médicales inutiles. La chirurgie de réassignation sexuelle n’est pas nécessaire à la protection de la santé et peut en fait causer des dommages physiques et psychologiques aux personnes qui la subissent. Les personnes qui ne souhaitent pas subir une opération stérilisante de changement de sexe ou à qui l’on conseille de ne pas le faire pour des raisons médicales n’ont aucun recours pour modifier leurs documents d’identité afin qu’ils reflètent leur sexe réel. Il en résulte une absence de consentement libre et éclairé à la procédure, ce qui constitue une violation des droits personnels à l’intégrité physique, à la dignité humaine et à la protection de la santé. Le Comité a estimé que « tout type de traitement médical non nécessaire peut être considéré comme contraire à l’article 11, si l’accès à un autre droit est subordonné à sa mise en œuvre ». Cela inclut l’exigence conditionnelle de la République tchèque selon laquelle les personnes transgenres doivent subir une opération de réassignation de genre et de stérilisation pour que leur genre soit légalement reconnu.

Bien que les requérants aient également affirmé au cours de l’affaire que les exigences de la République Tchèque en matière de transition de genre étaient discriminatoires à l’égard des personnes transgenres en violation du préambule de la Charte, le Comité a décidé de ne pas aborder cette question parce que la réclamation n’avait été invoquée à l’origine qu’au titre de l’article 11 de la Charte elle-même. La vice-présidente du Comité, Karin Lukas, a rédigé une opinion concordante dans laquelle elle exprime son désaccord avec la décision du Comité de ne pas aborder cette question et affirme que la stérilisation conditionnelle équivaut à une discrimination fondée sur l’identité de genre.

Enforcement of the Decision and Outcomes

Malgré cette décision, la Cour constitutionnelle tchèque a décidé le 31 mars 2022 que la section 29(1) du code civil et la section 21(1) de la loi sur les services de santé spécifiques, qui exigent une opération de réassignation sexuelle avant qu’une personne puisse légalement changer de sexe, resteront en place. La Cour a rejeté une demande d’abrogation de ces lois, estimant qu’il n’y avait rien de mal, d’un point de vue constitutionnel, à ne reconnaître légalement que les sexes « masculin » et « féminin », ni à exiger d’une personne qu’elle subisse des modifications physiques pour changer le sexe qu’elle reconnaît légalement. La Cour constitutionnelle tchèque a fait valoir que, le sexe étant distinct du genre, cette règle n’interdit pas à une personne de s’identifier au genre qu’elle préfère, et elle a rejeté les préoccupations qu’une personne pourrait avoir concernant les cartes d’identité qui révèlent un sexe qui ne correspond pas au sien. On ne sait pas si la Cour peut décider différemment dans des cas futurs ou si le législateur tchèque abrogera ces lois indépendamment des tribunaux.

Significance of the Case

Cette affaire constitue une étape importante dans le mouvement international vers la reconnaissance du droit d’une personne à ce que son identité de genre soit légalement reconnue par son État. Alors qu’un nombre croissant de pays européens permettent aux personnes de changer légalement de sexe par une simple déclaration, la République tchèque fait partie de plus de la moitié des pays européens qui exigent encore des mesures abusives et humiliantes, notamment la stérilisation, pour qu’une personne puisse légalement effectuer une transition. Alors que les tribunaux et les comités européens considèrent que les droits des transgenres sont protégés par une liste de plus en plus longue d’accords internationaux, les nations européennes, notamment la Tchèquie, sont poussées à modifier leurs lois pour permettre aux personnes de changer de sexe simplement et humainement.

Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).