Summary
Cette affaire a été présentée par 49 victimes – dont 15 étaient décédées au cours de l’examen de la plainte – et les membres de leur famille, qui partageaient tous des caractéristiques croisées les rendant plus vulnérables aux dommages, comme le fait de vivre dans la pauvreté. La Cour a noté que le Guatemala était le pays d'Amérique centrale qui comptait le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH, soit environ 52 000 personnes en 2018. Le gouvernement guatémaltèque a tenté de remédier à cette crise par le biais de lois et de politiques publiques, notamment par la mise en place d'un traitement antirétroviral à partir de 1999, mais sa réponse a été insuffisante. En raison des possibilités de transmission et du taux rapide de mutation du virus, les soins ne sont efficaces que s’ils sont cohérents et disponibles pour traiter et prévenir les infections.
En 2001 et 2002, plusieurs victimes, ainsi que des organisations de soutien, ont écrit deux lettres au ministre de la Santé et au président, montrant que le traitement antirétroviral disponible était insuffisant. Aucune lettre n'a eu de réponse. Par la suite, un groupe de victimes a déposé devant la Cour constitutionnelle une plainte alléguant que le président avait violé leurs droits constitutionnels à la vie, à la santé et à adresser une pétition au gouvernement, et que l'État était tenu de fournir le traitement nécessaire à toutes les personnes vivant avec le VIH / SIDA. Le président a affirmé que l'affaire n'était pas fondée, mais a approuvé la création d'un fonds spécial pour traiter un nombre limité de personnes. À son tour, la Cour constitutionnelle a estimé que le fonds était suffisant pour faire cesser l'action en justice intentée par les victimes. Les victimes ont ensuite saisi la Commission interaméricaine. La Cour a estimé que le Guatemala avait violé le droit des victimes à la santé, à l'intégrité personnelle, à la vie, à la protection judiciaire des personnes vivant avec le VIH et au droit à l'intégrité personnelle des membres de leur famille.
La Cour a réaffirmé que le droit à la santé était un droit autonome découlant de l'article 26 de la Convention américaine. Pour promouvoir le droit à la santé, un État doit fournir un traitement médical permanent et de qualité, avec une approche globale comprenant des services de diagnostic, des soins préventifs, un traitement médical et une réglementation légale suffisante pour soutenir le droit. Les États doivent mettre en œuvre ce droit ainsi que d’autres droits économiques, sociaux et culturels dérivés de l’article 26, de manière à assurer leur mise en œuvre progressive ; ce qui implique certaines obligations immédiates ainsi que le devoir d’adopter des mesures visant à faire progresser la réalisation de ces droits.
La Cour a estimé que le Guatemala avait violé plusieurs obligations liées au droit à la santé. Premièrement, la Cour a conclu que le Guatemala avait violé son obligation de fournir aux victimes des soins de santé disponibles, accessibles et de qualité, puisque 48 d’entre elles n’avaient reçu aucun traitement avant 2004 et qu’une autre n’avait reçu que des soins irréguliers et des antirétroviraux. En ce qui concerne l'après-2004, la Cour a analysé la situation de chaque victime et a conclu à de nombreuses violations en raison d'un accès irrégulier, inexistant ou insuffisant aux soins. Les raisons de l’absence d’accès ont été individualisées, comme par exemple l’examen, par la Cour, de la manière dont cinq requérants démunis vivant loin du lieu de soins n’y avaient effectivement pas accès. La Cour a également constaté des violations du devoir de non-discrimination de l'État, notant que le statut VIH + était l'une des «autres conditions sociales» couvertes par la garantie d'égalité de la Convention américaine relative aux droits humains et observant que les femmes, en particulier les femmes enceintes, avaient subi des préjudices intersectionnels spécifiques. Enfin, s'agissant du devoir de progressivité et du droit à la santé, la Cour a estimé que l'État n'avait pas respecté cette obligation pour la période antérieure à 2004 en raison de son «inaction» à l'égard des personnes vivant avec le VIH pendant cette période.
S'agissant des autres droits, la Cour a estimé qu'il existait un lien de causalité suffisant pour démontrer que le manque d'attention médicale violait le droit à la vie et à l'intégrité personnelle d'un certain nombre de victimes, ainsi que le droit à l'intégrité personnelle de certains membres de leur famille. S'agissant des garanties judiciaires, elle a estimé que la réponse de la Cour constitutionnelle aux lettres était insuffisante car elle ne tenait pas compte du motif principal de la demande, ne discutait pas de l'adéquation des fonds du président en tant que réparation ni ne motivait la décision. Elle n'a pas non plus été publiée dans un délai raisonnable compte tenu de la gravité du préjudice.