Summary
Face à la préoccupation internationale croissante au sujet des conséquences sur les droits humains de la construction d’un canal transocéanique au Nicaragua et s’inquiétant des répercussions pour la population de l'île colombienne de San Andrés, la Colombie a sollicité en 2016 un Avis consultatif de la Cour IDH concernant les obligations des États par rapport à l’environnement dans le contexte de la protection et de la garantie du droit à la vie et à l’intégrité de la personne.
Dans cette affaire, la Cour IDH a répondu aux questions de la Colombie, à savoir, qui peut déposer une plainte concernant des dommages environnementaux transfrontaliers, quels sont les droits des citoyennes et citoyens en lien avec les dommages environnementaux et quelles sont les obligations des États à cet égard, au titre de la Convention américaine, et compte tenu des obligations environnementales établies dans les traités et dans le droit coutumier international.
La Cour IDH a jugé que la jouissance et l’exercice de plusieurs droits humains sont profondément liés à la protection de l’environnement. La Cour IDH a reconnu que le droit à un environnement sain contribue à la jouissance d’autres droits fondamentaux et l’a défini comme un droit humain autonome. La Cour a souligné que le droit à un environnement sain est reconnu expressément dans l’article 11 du Protocole de San Salvador et qu’il faudrait envisager de l’inscrire parmi les droits économiques, sociaux et culturels protégés par l'article 26 de la Convention américaine. La violation de ce droit autonome à un environnement sain peut avoir une incidence sur d’autres droits humains, notamment le droit à la vie et à l’intégrité de la personne, ainsi que sur une série d’autres droits, dont le droit à la santé, à l’eau et au logement, et sur des droits procéduraux, tels que le droit à l’information, à l’expression, à l’association et à la participation.
La Cour IDH a aussi expressément mentionné dans l’avis les changements climatiques, affirmant que le droit à un environnement sain est un droit à la fois individuel et collectif qui concerne les générations présentes et futures.
En particulier, la Cour IDH a fait référence aux obligations extraterritoriales, soulignant que les obligations des États en matière de droits humains s’étendent à toutes les personnes, même celles qui se trouvent en-dehors des frontières d’un État. Conformément à l’article 1(1) de la Convention américaine, les États sont tenus de respecter les droits et libertés reconnus dans la Convention et d’en garantir l’exercice à toute personne relevant de leur compétence. La Cour a précisé que le terme « compétence » dans la Convention américaine dépasse les limites du territoire d’un État. L’Avis consultatif stipule qu’une personne peut porter plainte si elle se trouve à l’intérieur du territoire de l’État ou en dehors de ses frontières, mais sous l’autorité ou le contrôle effectif de l’État, si les actions de l’État ont entraîné des dommages environnementaux et que ces dommages ont donné lieu à une violation d’un droit humain fondamental. La Cour IDH a de plus précisé que les États doivent coopérer de bonne foi avec d’autres États, ce qui suppose de notifier, consulter et négocier avec les autres États lorsque l’État sait qu’une action prévue sur son territoire ou sous son contrôle ou son autorité peut entraîner d’importants dommages environnementaux transfrontaliers.
La Cour IDH a également affirmé que les obligations des États comprennent l’obligation de prendre des mesures visant à prévenir les dommages environnementaux significatifs, à l'intérieur et à l’extérieur de leurs territoires, « significatifs » se disant de tout dommage pouvant entraîner une violation du droit à la vie et à l’intégrité de la personne. En guise de mesures préventives, les États devraient réglementer, superviser et surveiller les activités pouvant causer des dommages environnementaux, mener des études d’impact environnemental lorsque des dommages risquent d’être causés, établir des plans d’urgence et atténuer les dommages, s’ils se sont produits malgré les mesures préventives prises par l’État.
Les États sont également tenus d’agir conformément au principe de précaution visant à protéger le droit à la vie et à l’intégrité de la personne en cas d’éventuels dommages graves et irréversibles à l‘environnement, même en l’absence de certitude scientifique.
Par ailleurs, les États ont des obligations procédurales, qui consistent notamment à garantir l’accès à l’information concernant d’éventuels dommages environnementaux, le droit du public à participer aux processus décisionnels concernant les impacts environnementaux et le droit d’accès à la justice afin d’assurer le respect des obligations des États concernant l’environnement.
Bien que ces obligations aient été interprétées comme s’appliquant au droit à la vie et à l’intégrité de la personne, la Cour IDH a déclaré qu’elles pouvaient tout de même s’appliquer au large éventail de droits qui sont particulièrement vulnérables dans les cas de dommages environnementaux.