Summary
ND est un homme transgenre et son sexe attribué à la naissance était féminin. Etant donné que le marqueur de genre figurant sur sa carte d’identité nationale ne correspondait pas au genre qu’il avait déclaré ni à son identité de genre, le refus du gouvernement à changer son marqueur de genre lui a exposé à un stress émotionnel et à un inconfort extrêmes.
En vertu des régulations du Bureau d’enregistrement national, le propos du document d'identité est de fournir une documentation de l'apparence physique d'une personne et de refléter ses caractéristiques particulières. Le Bureau d'enregistrement a le pouvoir discrétionnaire de changer les marques d'identification lorsqu'un changement de ces caractéristiques a un effet essentiel sur l'identification d'une personne.
Par exemple, les détenteurs d'une carte d'identité peuvent remplacer leur photo, s'ils estiment que celle-ci ne reflète plus leur identité. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si un changement est nécessaire; mais la loi du Botswana oblige les fonctionnaires à être raisonnables et à faire respecter les droits fondamentaux lorsqu'ils exercent ce pouvoir discrétionnaire. Bien que le registraire et le procureur général ont argumenté que le changement du marqueur de genre ne pouvait pas être autorisé en l'absence d'une loi établissant un seuil médical et juridique clair, la Cour a conclu que le critère discrétionnaire n'exige aucun seuil médical ou juridique. Dans ce cas, la Cour a conclu que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire n'était pas raisonnable.
Cependant, la Cour a concentré son raisonnement sur les violations des droits constitutionnels. Elle a observé que la Constitution du Botswana devait être interprétée comme un document vivant, éclairé par les "normes et circonstances contemporaines", y comprises les références aux décisions internationales pertinentes. Les droits constitutionnels au Botswana s'appliquent à toutes les personnes et sont fondés sur la dignité humaine.
La Cour a estimé que, dans la mesure où ND avait été privé de la reconnaissance de son identité de genre par le biais d'une identification appropriée, et étant donné que la reconnaissance est une partie essentielle de la dignité, le registraire avait échoué à protéger sa dignité humaine. Le refus du registraire a également violé la liberté d'expression de ND, son droit à une protection égale (parce que la non-reconnaissance de son identité le rendait particulièrement vulnérable au harcèlement, à la violence et aux agressions sexuelles); et son droit à être libre de traitements inhumains et dégradants et de discrimination. Bien que l'identité de genre n’est pas incluse dans les formes de discrimination interdites énumérées dans la Constitution, la liste n'est pas exhaustive.
La Cour a également conclu que le droit au respect de la vie privée de ND n’avait pas été respectée; et, en fait elle a reconnu, avec inquiétude, la détresse et le malaise persistants que ND vit lorsqu'il est tenu d'expliquer des détails intimes de sa vie à des étrangers chaque fois qu'il cherche à accéder à des services de routine, simplement parce que sa pièce d'identité ne correspond pas à son genre déclaré ou à son identité de genre. La Haute Cour a observé que l’État pouvait éviter ou atténuer les «ingérences ou les embarras arbitraires» et la violation de ses droits à la vie privée en modifiant le marqueur de genre sur sa pièce d’identité.
La Cour a rappelé que c’est l'État qui doit prouver qu'une ingérence dans les droits constitutionnels d'une personne est légitime et justifiable. Le gouvernement doit identifier le mal social auquel il s'attaque, montrer comment ceci justifie l'ingérence et montrer que cette ingérence est proportionnelle à leur objectif. Considérant que l’identité de genre «constitue le noyau du sense d’être de la personne et fait partie intégrante de leur identité », la Cour a estimé que le gouvernement n’avait aucune justification légitime pour traiter de manière discriminatoire les personnes transgenres. En effet, l'argument du gouvernement selon lequel le fait de changer le marqueur de genre aller affecter d'une manière ou d'une autre la sécurité nationale n'a pas été soutenu par aucune preuve; et, d’ailleurs, en réalité le décalage entre le marqueur de genre et l'identité de genre rend moins efficace l'application de la loi.
La Cour a également répondu à l'argument du gouvernement selon lequel le sexe et le genre sont distincts et que l'identification nationale faisait référence au sexe déterminé à la naissance. A travers une enquête menée dans d'autres juridictions, la Cour a expliqué en détail comment le sexe était considéré par de nombreux tribunaux comme une combinaison de facteurs, notamment de caractéristiques biologiques, sociales et psychologiques, ainsi que par le sentiment inné d'une personne quant à la signification des différents sexes. La Cour a donc conclu que l’interprétation du sexe faite par le gouvernement était restrictive sans fondement.