Summary
Le 17 janvier 2001, Vinicio Poblete Vilches a été admis à l’hôpital public chilien Sotero del Río souffrant d’une insuffisance respiratoire grave. Il était âgé de 76 ans et a été envoyé à l’Unité de soins intensifs (USI) où il a été inconscient pendant plusieurs jours. Il a subi une opération, a reçu son congé et a été réadmis, et il est décédé à l’hôpital le 7 février. Les principales questions dont était saisie la Cour interaméricaine étaient de savoir si l’État avait violé : 1) les droits fondamentaux de M. Poblete Vilches à la vie et à la santé, et 2) les droits fondamentaux de M. Poblete Vilches et de sa famille à l’intégrité personnelle, à l’accès à l’information et au consentement éclairé.
La Cour a reconnu que le droit à la santé est un droit autonome dans le cadre des droits économique, sociaux, culturels et environnementaux garantis par l’article 26 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH). Par conséquent, le Chili doit adopter immédiatement des mesures de protection du droit à la santé, garantissant notamment la non-discrimination dans l’accès aux services de santé, ainsi que des mesures progressives visant à « avancer le plus rapidement et le plus efficacement possible vers la pleine effectivité » de ce droit avec le temps.
La Cour a estimé que la progressivité des obligations n’était pas en cause dans cette affaire et n’a donc examiné que les obligations immédiates du Chile, dont l’obligation de prendre des mesures adéquates, délibérées et concrètes pour assurer la pleine réalisation du droit à la santé. La Cour a déterminé que, dans le contexte des services médicaux d’urgence, le Chili doit assurer des services médicaux qui soient, à tout le moins, disponibles, accessibles, acceptables et de qualité, et superviser adéquatement les hôpitaux publics et privés. De plus, les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, le Chili est d’autant plus tenu de protéger leur droit à la santé.
La Cour a conclu que M. Poblete Vilches était dans un état de santé manifestement précaire quand il a reçu son congé, que les soins qu’il a reçus pendant sa deuxième hospitalisation étaient insuffisants et qu’il n’a pas bénéficié de certains services médicaux parce qu’il était âgé. Ces facteurs—ainsi que le manque d’équipement médical, d’ambulances disponibles et de lits de soins intensifs—ont montré que l’État avait manqué à ses obligations immédiates, violant ainsi son droit autonome à la santé. La Cour ayant conclu qu’il était fort probable que ce manquement avait causé sa mort, l’État a également violé son droit à la vie et à l’intégrité personnelle. De plus, étant donné que l’hospitalisation et la mort de M. Poblete Vilches ont causé des préjudices physiques et émotionnels graves à plusieurs des membres de sa famille, dont des dépressions, des tendances suicidaires et des crises cardiaques, le Chili a également violé leur droit à l’intégrité personnelle.
Ensuite, la cour a examiné le droit à l’accès à l’information, lequel est protégé par l’article 13 de la Convention, ainsi qu’en lien avec le droit à la santé. L’État doit assurer des normes minimales d’accessibilité, ce qui comprend l’accès à l’information concernant les soins de santé. Le consentement éclairé constitue aussi un élément de cet accès. En vertu de la réglementation chilienne applicable, si un-e patient-e n’est pas en mesure de prendre des décisions, sa famille ou une autre personne légalement désignée pour la ou le représenter assume la responsabilité du consentement. Quand M. Poblete Vilches a été emmené en salle d’opération, il était inconscient et incapable de donner son consentement. Compte tenu que l’hôpital n’a pas obtenu le consentement éclairé des membres de sa famille avant l’opération, et qu’il n’a pas par la suite bien informé la famille au sujet de la gravité de son état de santé, le Chili a également violé le droit de la famille au consentement éclairé, à l’accès à l’information, et les droits à la dignité et à la liberté qui s’y rattachent.
La Cour interaméricaine a également déterminé que le Chili avait manqué à son devoir de vigilance pour ce qui est d’assurer un recours utile pour les violations des droits humains car l’État n’avait pas procédé à une autopsie ni à l’arrestation d’un accusé dans l’affaire, même après qu’un mandat d’arrêt avait été lancé.