Summary
L’Asociación Civil por la Igualdad y la Justicia (ACIJ), l’Asociación por los Derechos Civiles (ADC), l’Asociación Síndrome de Down de la República Argentina (ASDRA) et le Red por los Derechos de las Personas con Discapacidad (REDI) ont déposé une action collective en protection dans le but de faire prendre à l’État national (ministère de l’Éducation - Direction nationale de l’information et de l’évaluation de la qualité de l’éducation) les mesures nécessaires pour produire des informations suffisantes et appropriées sur le parcours éducatif des élèves ayant un handicap. À cette fin, ils ont demandé que diverses questions soient incluses dans l’enquête annuelle menée par cette direction afin d’obtenir des informations plus complètes sur les personnes ayant un handicap. Il leur a notamment été demandé d’inclure : le nombre d’élèves ayant un handicap fréquentant des écoles ordinaires (en tenant compte du pourcentage de la journée scolaire effective), qui n’était pas collecté, bien que cela soit considéré comme une donnée de base pour évaluer le respect du droit à l’enseignement inclusif, établi à l’article 24 de la Convention relative aux droits des personnes ayant un handicap (CDPH) ; et la collecte de données sur les parcours éducatifs de ceux qui ont fréquenté des écoles spéciales - une population composée presque exclusivement de personnes ayant un handicap -, étant donné que les dossiers consacrés à cette catégorie ont rassemblé moins d’informations que ce qui a été collecté pour les élèves fréquentant des écoles ordinaires : (i) les enfants de quatre et cinq ans qui n’ont jamais fréquenté l’école ; (ii) les autochtones et/ou les locuteurs de langues autochtones ; (iii) les élèves qui fréquentent une journée scolaire complète ou prolongée ; (iv) les élèves qui reçoivent un enseignement linguistique ; (v) les élèves inscrits et les redoublants par section/division ; (vi) les diplômés en fonction du degré/certification et du niveau du programme d’études ; et (vii) les abandons. Les organisations pétitionnaires ont fait valoir que ces informations étaient essentielles pour évaluer le système éducatif et, par conséquent, pour concevoir des politiques publiques qui garantiraient le droit à l’éducation, et que l’absence de données adéquates et fiables violait le droit à l’égalité (constituant un acte de discrimination sur la base du handicap qui doit être soumis à un examen strict), le droit de rechercher et de recevoir des informations, et le droit à l’éducation, qui sont tous prévus par les normes nationales et internationales. En particulier, le requérant a indiqué que l’État a une obligation légale et constitutionnelle de produire des données et des informations sur le système éducatif et les parcours éducatifs de tous ses élèves sans discrimination fondée sur le handicap, conformément à la CDPH (article 31), à la loi sur l’éducation nationale n° 26.206 (articles 94 et suivants), et à la loi sur le financement de l’éducation n° 26.075 (article 2), etc.
Le Tribunal de première instance n° 4 chargé du contentieux administratif fédéral a rejeté la demande au motif que l’action en protection n’était pas la voie appropriée pour résoudre le litige. Cette décision a fait l’objet d’un appel par les organisations requérantes. La Chambre I de la Cour d'appel nationale pour le contentieux administratif fédéral a décidé d’annuler la décision du Tribunal de première instance, entérinant les termes de la décision rendue par le procureur général de la République en matière civile et commerciale fédérale et en matière de contentieux administratif fédéral (en date du 29 septembre 2016), et a ainsi ordonné au défendeur de prendre les mesures administratives nécessaires et les dispositions (dans le cadre de ses compétences) pour assurer la fourniture des informations requises.
L'arrêt précité précise, en premier lieu, que l’action en protection était recevable, puisque la demande était dirigée contre l’omission de l’État de fournir des informations qu’il était légalement tenu de produire et qui étaient nécessaires pour évaluer et élaborer les politiques éducatives visant à protéger les droits fondamentaux d’un groupe de personnes bénéficiant d’une protection constitutionnelle spécifique (article 75, paragraphe 23 de la Constitution nationale), ce qui constituait prima facie un cas d’illégalité ou d’arbitraire manifeste, condition nécessaire à l’applicabilité de cette procédure. Il énonce également que l’État national fait la distinction, de manière non justifiée, entre les informations considérées comme pertinentes pour les parcours éducatifs des élèves avec et sans handicap, ce qui constitue un traitement discriminatoire interdit par la CDPH (articles 2 et 5), et a estimé que cette omission viole le droit à l’information concernant la satisfaction des droits fondamentaux d’un groupe qui mérite une protection spécifique (comme les personnes ayant un handicap et surtout les enfants). La Cour a passé en revue toutes les réglementations qui obligent l’État - en particulier le ministère de l'Éducation, étant donné sa responsabilité principale dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique d’information et d’évaluation du système éducatif - à collecter les données appropriées permettant de formuler des politiques qui respectent le droit à l’éducation, affirmant qu’à aucun moment des distinctions ne doivent être faites entre les élèves ayant un handicap et non ayant un handicap. Ceci est conforme à la CDPH qui, en plus d’établir l’obligation des États parties de produire les informations appropriées en vue de garantir les droits protégés par la CDPH (article 31), interdit expressément la discrimination fondée sur le handicap et prévoit que le droit à l’éducation doit être assuré sans discrimination (article 24). En conclusion, la Cour a fait valoir que l’incapacité du ministère de l'Éducation à fournir les mécanismes nécessaires pour assurer la fourniture de données complètes sur le parcours éducatif des étudiants ayant un handicap restreint le droit d’accès aux informations publiques et entrave la réalisation des droits à l’éducation et à l’égalité des personnes ayant un handicap.
Le défendeur a déposé un recours extraordinaire contre la décision de la Cour d’appel, qui a été rejetée par la Cour suprême de justice argentine le 3 octobre 2017.