Summary
Shoprite a interjeté appel devant le tribunal du travail, contestant une décision arbitrale selon laquelle la société avait violé l’article 60 de la Loi sur l’égalité en matière d’emploi, suspendu injustement une ancienne employée et l’avait implicitement licenciée. La question centrale du litige relatif à la EEA était de savoir si leur employée, JL, avait été victime de harcèlement sexuel de la part de son directeur général, KB, et si Shoprite avait fait tout ce qui était « raisonnablement possible pour s’assurer que l’employée n’agirait pas en violation de la loi ». Dans un premier temps, il incombait à JL de prouver à première vue que le harcèlement sexuel était une forme de discrimination injuste telle que définie à l’article 6, paragraphe 3, de l’accord EEA. Une fois que JL s’est acquittée de cette charge, il incombe à Shoprite de démontrer que la discrimination n’a pas eu lieu ou qu’elle était rationnelle ou raisonnable, conformément à l’article 11 de la loi sur la EEA.
La plainte initiale pour harcèlement sexuel a été déposée par JL à la suite d’un geste inapproprié de KB qui, sur le lieu de travail, lui a donné une tape sur la fesse gauche en riant. En vertu de l’article 3 de la Loi sur l’égalité en matière d’emploi (EEA), la Cour s’est référée au Code de bonnes pratiques relatif au traitement des cas de harcèlement sexuel en milieu professionnel. Ce Code définit le harcèlement sexuel comme « un comportement importun de nature sexuelle portant atteinte aux droits d’un salarié et constituant un obstacle à l’égalité sur le lieu de travail ». Il identifie quatre éléments permettant d’établir un cas de harcèlement sexuel : (1) un harcèlement fondé sur un motif interdit, tel que le sexe ; (2) un comportement importun ; (3) la nature et l’intensité de ce comportement ; et (4) son impact sur la personne concernée. Après avoir établi que le harcèlement sexuel pouvait donner lieu à une plainte fondée sur la EEA, la Cour a examiné si les conclusions de l’arbitre confirmaient la version des faits présentée par JL. En s’appuyant sur la jurisprudence, elle a rappelé que, face à des versions contradictoires d’un même événement, il convenait d’évaluer la crédibilité des témoins, leur fiabilité et la vraisemblance de leurs récits respectifs. À l’issue de l’analyse de l’ensemble des preuves, la Cour a jugé raisonnable la conclusion de l’arbitre selon laquelle la version des faits de JL devait être retenue. Elle a donc confirmé que JL avait bien été victime de harcèlement sexuel.
En examinant la question de savoir si l’arbitre avait raison de tenir Shoprite pour responsable au titre de l’article 60 de la EEA, le tribunal du travail a cité une interprétation large de cet article, estimant que la responsabilité est engagée lorsque l’employeur ne prend pas toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination et ne fait pas tout ce qui est raisonnable pour empêcher la poursuite de la discrimination. Les facteurs pertinents pour les plaintes pour harcèlement sexuel sont les suivants : l’employeur a-t-il été informé de l’incident, n’a-t-il pas consulté toutes les parties concernées et n’a-t-il pas veillé à ce que ses employés n’agissent pas en violation de la EEA? La Cour a estimé que (1) Shoprite n’avait pas mené une enquête adéquate et équitable ; (2) la direction avait terni la neutralité de l’enquête, et (3) l’enquête menée n’avait pas fait ce qui était raisonnablement nécessaire pour traiter la plainte de harcèlement sexuel ; la Cour a estimé que les conclusions de l’arbitre en matière de responsabilité devaient être maintenues.
Toutefois, la Cour a revu à la baisse le montant de l’indemnité accordée à JL, après avoir comparé le cas à des décisions similaires et pris en considération l’argument de Shoprite selon lequel l’incident de harcèlement sexuel était isolé, et que l’entreprise avait réagi rapidement pour y remédier.
La Cour s’est également penchée sur la suspension préventive de JL. Elle a estimé que cette mesure était fondamentalement injuste, d’autant plus que KB, l’auteur du harcèlement, n’avait pas été suspendu. S’agissant de la plainte pour licenciement implicite, la Cour n’a pas retenu le raisonnement de l’arbitre selon lequel la culpabilité de JL avait été présumée, et que sa démission avant la fin de la procédure disciplinaire suffisait à établir un licenciement implicite.