Summary
Luisa Neubauer ainsi que neuf autres jeunes militant.e.s pour le climat ont intenté une action contre le gouvernement fédéral allemand pour son incapacité à adopter une législation climatique adéquate dans le pays. Les plaignant.e.s ont fait valoir que la législation climatique existante - la loi fédérale allemande de 2019 sur le changement climatique (Bundes-Klimaschutzgesetz- ci-après KSG) - non seulement violait les responsabilités de l'Allemagne au titre de l'Accord de Paris, mais violait également leurs droits fondamentaux inscrits dans la constitution allemande (Loi fondamentale allemande).
Les demandeur.e.s ont principalement fait valoir que certaines dispositions de la loi de 2019 sur le changement climatique étaient inconstitutionnelles et incompatibles avec les droits fondamentaux parce qu'elles ne comportaient pas de plan détaillé de réduction des émissions de GES, se déchargeant ainsi de la charge de la lutte contre le changement climatique sur les générations futures. Les plaignant.e.s ont demandé un redressement déclaratoire selon lequel les objectifs de réduction des émissions inadéquats de la loi étaient inconstitutionnels, et que le législateur devait à la fois fixer de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (« GES »).
Plus précisément, les plaignant.e.s ont allégué des violations des devoirs de protection découlant des droits fondamentaux, tels que le droit à la liberté, le droit à un avenir conforme à la dignité humaine et le droit à un niveau de vie écologique minimum.
L'Accord de Paris, auquel l'Allemagne est partie, oblige les États à adopter et à appliquer des dispositions spécifiques pour réduire les émissions de GES. En vertu de l'Accord de Paris, les États s'engagent à limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à bien moins de 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels. L'Accord de Paris laisse aux États parties le soin de déterminer la manière dont chacun d'entre eux s'acquittera des obligations susmentionnées.
Le KSG reprend dans son préambule les exigences de l'Accord de Paris et cherche à atteindre ces objectifs en réduisant de 55 % les émissions de GES d'ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2019. La législation de 2019 présentait une version édulcorée des itérations précédentes de la législation sur le changement climatique. Par exemple, la version précédente comprenait le Plan d'action pour le climat, qui suggérait de réduire les émissions de 80 à 95 % d'ici 2050. Cependant, le KSG 2019 ne présentait que le taux de réduction de 55 % d'ici 2030, et aucune trajectoire spécifique sur la façon dont l'Allemagne continuerait à réduire ses émissions après 2030. Au lieu de cela, le plan de réduction des émissions après 2030 a été laissé ouvert et sera déterminé par des décrets ultérieurs. Après 2030, la législation finale ne prévoit que la « neutralité climatique » d'ici 2050.
La Cour a examiné si les charges post-2030 sur la liberté inhérente au cadre pouvaient être justifiées en vertu du droit constitutionnel, ou si le KSG avait de manière inadmissible transféré les charges de réduction sur les générations futures.
Tout d'abord, la Cour a reconnu que la protection du climat est un droit humain assorti de devoirs. La Cour a estimé que le droit à la protection du climat est inscrit dans les droits fondamentaux à la vie, à la santé et à l'intégrité physique. Selon la Cour, ces droits obligent « l'État à offrir une protection contre le risque de changement climatique » sous la forme de mesures d'adaptation spécifiques. Ils comprennent également la protection contre les atteintes causées par la pollution de l'environnement et englobent « la protection contre les atteintes et la dégradation des intérêts constitutionnellement garantis causées par la pollution de l'environnement, quelles que soient les personnes ou les circonstances qui en sont la cause. »
Deuxièmement, la Cour a estimé que la constitution doit être interprétée à travers le prisme de l'équité générationnelle, c'est-à-dire d'une manière qui soit juste pour toutes les générations. Par exemple, en ce qui concerne le droit à la protection, la Cour a estimé qu'il « ne prend pas effet uniquement après que des violations ont déjà eu lieu, mais est également orienté vers l'avenir. [Il peut également être interprété comme établissant un devoir de protéger les générations futures. Ceci est d'autant plus applicable lorsque des processus irréversibles sont en jeu. »
La Cour a développé le droit aux libertés fondamentales dans le contexte du changement climatique, écrivant que « des efforts d'atténuation supplémentaires pourraient alors être nécessaires, plaçant les plaignant.e.s sous une énorme pression (supplémentaire) dans un délai extrêmement court et mettant globalement en péril leurs libertés protégées par les droits fondamentaux ». En outre, la Cour a estimé que « la liberté pourrait être mise en péril si ces dispositions autorisaient l'émission de quantités trop généreuses de CO2 [dioxyde de carbone] à court terme, reportant ainsi sur l'avenir les charges de réduction nécessaires, au détriment de la liberté future. Puisqu'ils devront faire des restrictions plus sévères si cela n'est pas équilibré maintenant, alors la liberté sera enfreinte ».
Troisièmement, la Cour s'est concentrée sur les obligations extraterritoriales de l'Allemagne en matière de lutte contre le changement climatique et a tenu compte d'un avertissement selon lequel l'Allemagne ne pouvait pas s'appuyer sur la nature mondiale du changement climatique pour contourner ses propres responsabilités. Comme indiqué, « le fait que l'État allemand soit incapable d'enrayer le changement climatique par ses propres moyens et qu'il doive compter sur une participation internationale en raison de l'impact mondial du changement climatique et de la nature mondiale de ses causes n'exclut pas, en principe, la possibilité d'un devoir de protection découlant des droits fondamentaux ». Au contraire, le devoir de protection « oblige l'État à s'engager dans des activités à vocation internationale pour lutter contre le changement climatique au niveau mondial et lui impose de promouvoir l'action climatique dans le cadre international. »